Dimanche dernier, le Rwanda a commémoré le 30ème anniversaire du génocide tutsi, perpétré dans ce pays en 1994. SM le Roi était représenté par le Chef du gouvernement Aziz Akhannouch. Étaient également présents une douzaine de chefs d’État, des anciens présidents (Bill Clinton, Nicolas Sarkozy…), des chefs de gouvernement, ainsi que des représentants d’organisations régionales et internationales. À Rabat, une cérémonie s’est tenue au siège de la Bibliothèque nationale du Royaume avec, au premier rang, l′ambassadeur Fouad Yazourh et la cheffe de mission diplomatique du Rwanda au Maroc, Shakilla K. Umuton.
Des actes de solidarité, et un devoir de mémoire pour tous les pays et les gouvernements afin qu’une telle tragédie ne se répète pas: «Plus jamais ça!». Le Rwanda s’est reconstruit lors des trois décennies écoulées sous le leadership du président Paul Kagamé. Il a entrepris de grandes réalisations et s’est inscrit dans un modèle de développement exemplaire, avec une forte croissance économique annuelle de plus de 8%. Il a rendu justice aux victimes, a soutenu et accompagné les survivants, et a prouvé que l’on peut se mobiliser après une tragédie pour construire et reconstruire un pays avec un peuple uni et solidaire.
Une semaine de deuil national a été décrétée. Une gerbe de fleurs a été déposée au mémorial de Gisozi, dans la capitale rwandaise, là où reposent les corps de plus de 250.000 victimes du génocide. Le président Kagamé a souligné à cette occasion qu’il fallait continuer à honorer les victimes et à mettre en avant aussi la maturité du peuple quant aux choix faits pour la réconciliation et le progrès. La peur a été vaincue, la nation est forte, résiliente, prête à relever tous les défis de développement, de paix, de stabilité, et de sécurité et de division. Le Rwanda est un modèle pour le continent confronté à tant d’épreuves et de challenges.
Cela dit, il faut revenir sur le génocide des Tutsis, qui s’est déroulé du 7 avril au 17 juillet 1994. Il s’inscrit historiquement dans un projet génocidaire latent depuis plusieurs décennies, à travers plusieurs phases de massacres de masse, et stratégiquement dans le refus du noyau dur de l’État rwandais de réintégrer les exilés tutsis, objet de la guerre civile rwandaise de 1990-1993. Cette guerre opposait les Hutus, soutenus par le gouvernement rwandais, au Front patriotique rwandais (FPR), accusé par les autorités de vouloir imposer, par la prise du pouvoir, le retour dans leur pays des Tutsis exilés.
Les accords d’Arusha, signés en août 1993, qui prévoyaient cette réintégration afin de mettre fin à la guerre, n’étaient encore que partiellement mis en œuvre à cause de la résistance du noyau dur du régime Habyarimana. L’assassinat du président rwandais le 6 avril 1994 déclenche le génocide des Tutsis par les extrémistes hutus.
La commission indépendante d’enquête mandatée par l’ONU lors du génocide estime qu’environ 800.000 Rwandais, en majorité tutsis, ont perdu la vie durant ces trois mois. Considérés comme des traîtres, ceux qui parmi les Hutus se sont montrés solidaires des Tutsis ont aussi été tués. D’une durée de cent jours, ce fut le génocide le plus rapide de l’histoire et celui de la plus grande ampleur quant au nombre de morts par jour.
Il convient de souligner qu’un génocide n’est pas qualifié comme tel en raison du nombre de morts, mais sur une analyse juridique de critères définis à l’époque par la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide du 9 décembre 1948 de l’ONU. Cette convention définit qu’un génocide est «commis dans l’intention de détruire, en tout ou en partie, un groupe national, ethnique, racial ou religieux, comme tel». De ce fait, l’expression «génocide rwandais» ou, en anglais, «Rwandan genocide», souvent employée dans les médias et les discours, est considérée comme trop généraliste et polémique car elle masque l’identité du groupe ciblé, les Tutsis.
Le président Kagamé a rappelé, dimanche dernier, «la lâcheté» et «le mépris» de la communauté internationale à propos de ce génocide. Cette démission a été stigmatisée par le Général canadien Roméo Dallaire qui commandait la Mission des Nations unies pour l’assistance au Rwanda (MINUAR), force de l’ONU destinée à soutenir les accords d’Arusha.
Il apparaît que plusieurs États, en général à travers l’ONU -dont la France, particulièrement impliquée au Rwanda- ne semblent pas avoir su ou voulu adapter leurs actions en distinguant bien les massacres génocidaires de la guerre civile. Israël est même accusé d’avoir continué de vendre des armes (fusils, balles et grenades) au gouvernement hutu durant ce génocide. Les États-Unis, marqués par le fiasco somalien, et l’ensemble du Conseil de sécurité des Nations unies, auquel participait en 1994 le Rwanda, refusèrent de qualifier à temps les massacres de génocide. Ce qui empêcha de faire jouer la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide qui obligeait les États signataires à intervenir. On employa des périphrases comme «actes de génocide», et toutes les pressions exercées sur les belligérants mirent sur le même plan l’arrêt des massacres et l’arrêt des combats entre le FPR et les FAR (Forces armées rwandaises). L’objectif était d’obtenir un cessez- le-feu et d’arrêter les massacres.
Le génocide du Rwanda est l’un des grands génocides reconnus au 20ème siècle, après ceux des Héréros et des Namas, au Sud-Ouest africain (Namibie), par le 2ème Reich allemand (1904-1908), de l’Arménie (1915-1916) par la Turquie, et la Shoah, perpétrée par l’Allemagne nazie.