Il y a presque un mois et demi, j’avais écrit une chronique pour vous rassurer quant au risque d’une guerre nucléaire totale. À l’époque, les tensions autour de la centrale nucléaire de Zaporijia nous faisaient craindre le pire, en réactivant les fantasmes d’une guerre totale et d’un Armageddon nucléaire, amplifiés par certains médias avides de sensationnalisme. Vu que je suis encore là pour vous en parler, c’est que, quelque part, j’avais un peu raison quand même. Jusqu’à présent…
Mais pour ne rien vous cacher, il m’est en quelque sorte plus compliqué de le refaire aujourd’hui, vu la récente actualité sur le théâtre ukrainien.
Pourtant, avec la victoire éclatante de Donald Trump aux présidentielles américaines, on était en droit de nous attendre à une éclaircie géopolitique. D’autant plus qu’il avait fait de la fin de la guerre en Ukraine l’une des principales promesses de campagne sur le plan de la politique extérieure. Mais le parti de la guerre, dont Biden fut pendant ses quatre ans le VRP en chef, ne l’entendait pas de cette oreille. Mauvais perdant et désirant à tout prix pourrir le mandat de Trump -qui n’a même pas commencé, puisqu’il faudra attendre le mois de janvier pour son investiture officielle, l’administration Biden a décidé de décocher la flèche du Parthe, en autorisant l’Ukraine à utiliser les missiles américains ATACMS dans le territoire russe. Une ligne tellement rouge tracée par Moscou, que même un daltonien pourrait la voir.
Le choix de l’escalade est clairement assumé du côté de Washington, et Kiev n’a semble-t-il pas perdu de temps pour opérer le tir de six de ces missiles sur le territoire russe mardi dernier, suivi par un lancement de missiles britanniques Storm Shadow le lendemain.
La réaction de Moscou est depuis fortement attendue. Et peut-être qu’on l’attendra encore longtemps, puisque le pouvoir russe sait pertinemment que le dilemme qui lui est imposé par Washington est avant tout un piège visant à prolonger ce conflit et à rendre toute négociation de paix impossible, sans que Trump n’y puisse y faire grand-chose. Ainsi, réagir reviendrait à jouer le jeu de Washington. Ne pas le faire reviendrait à paraître faible et vulnérable, autant aux yeux de ses alliés (Chine, Inde...) qu’à ceux du peuple russe lui-même.
Jusqu’à présent, la seule réaction tangible du pouvoir russe fut d’officialiser l’élargissement du périmètre de sa doctrine nucléaire, qui autorise désormais un recours à l’arme nucléaire dans le cas d’une attaque massive de missiles et de drones sur son territoire, même en provenance d’un pays ne possédant pas l’arme nucléaire (l’Ukraine), mais soutenu par des puissances nucléaires (les États-Unis, le Royaume-Uni et la France).
«L’Ukraine est encore aujourd’hui ce qu’elle fut dès le départ de ce conflit: un échiquier sur lequel les grandes puissances règlent leurs comptes.»
Cependant, entre l’inaction et le recours à l’arme nucléaire, une troisième voie existe, celle de la reprise des bombardements massifs contre les installations énergétiques ukrainiennes, à la veille d’un hiver qui sera certainement rude à plus d’un titre.
De même, Moscou pourrait désormais s’autoriser à frapper des objectifs qu’elle s’interdisait jusqu’à présent de prendre pour cible, comme les bâtiments administratifs à Kiev, le bâtiment du parlement ukrainien, ou encore Zelensky lui-même, ou du moins son bureau.
Si ce genre d’opération ne risque d’avoir aucun impact sur la situation militaire, il permettra à Moscou d’envoyer un message politique fort, autant à Kiev qu’aux chancelleries occidentales, sans pour autant recourir à son arsenal nucléaire. D’ailleurs, les ambassades des pays occidentaux étaient fermées ce mercredi, en prévision de frappes massives de la part de la Russie.
Mais s’il y a bien une chose que les chancelleries occidentales savent très bien, autant que Kiev d’ailleurs sinon plus, c’est que l’Ukraine a définitivement perdu cette guerre, et que ce ne sont pas quelques dizaines de missiles qui vont y changer quoi que ce soit.
Mais l’Ukraine est encore aujourd’hui ce qu’elle fut dès le départ de ce conflit: un échiquier sur lequel les grandes puissances règlent leurs comptes. Ainsi, vont-elles combattre la Russie jusqu’au dernier Ukrainien? Ou bien le peuple ukrainien décidera de mettre fin à ce carnage inutile et désespéré, en obligeant Zelensky à quitter le pouvoir?
En attendant de connaître l’issue de ce conflit, j’écarterai à nouveau la possibilité d’une guerre nucléaire, tout en vous demandant de prier et de croiser les doigts pour que j’aie à nouveau raison sur ce point. Par contre, ce qui est certain, c’est que les deux prochains mois risquent d’être les plus longs que l’on ait jamais vécu.