France: "fracassés", polytoxicomanes, portrait robot des mineurs étrangers, isolés et délinquants

Mineurs clandestins regroupés dans le quartier de la Goutte d'or à Paris.

Mineurs clandestins regroupés dans le quartier de la Goutte d'or à Paris. . DR

Ils sont pour la plupart maghrébins, "fracassés" par leur parcours migratoire, polytoxicomanes, vivant au jour le jour de petits larcins en refusant toute forme d'aide: un rapport parlementaire dresse, mercredi 10 mars 2021, pour la première fois, un portrait robot des mineurs isolés étrangers délinquants en France.

Le 10/03/2021 à 16h53

La mission d'information menée par les députés Jean-François Eliaou (La République en marche, parti présidentiel) et Antoine Savignat (Les Républicains, opposition de droite) sur "les problématiques de sécurité associées à la présence sur le territoire de mineurs non accompagnés" (MNA), dessine un panorama qui atteste de la "multiplication et l'aggravation" de cette délinquance, au coeur de polémiques à intervalles réguliers.

Malgré des données parcellaires, le rapport avance que 10% d'entre eux sont tombés dans la délinquance, se fondant sur les 2.000 à 3.000 MNA délinquants recensés en septembre 2020 par le ministère de la Justice.

"Le portrait type, c'est un Maghrébin, 16, 17 ans, en rupture totale avec son pays et sa famille, fracassé par son parcours migratoire, polytoxicomane, qui est dans une délinquance de subsistance, qui vole au sein d'une bande pas très bien organisée", résume pour l'AFP le député Jean-François Eliaou.

"On n'est pas dans la mafia, on va plutôt être sur un patron qui leur donne deux-trois comprimés de Rivotril (un puissant antiépileptique ayant pour effet de désinhiber). Ils tombent dans la misère de la rue et refusent la main tendue".

Selon le rapport, 75% sont originaires du Maghreb, essentiellement Algériens et Marocains, plus marginalement Libyens ou Ivoiriens. Présents à Paris et dans quelques autres grandes villes, ils consomment des mélanges de médicaments et de drogues qui "facilitent la commission d'actes de délinquance".

Il s'agit surtout de vols de rue, dans les transports en commun, parfois avec violence, ou de vols par effraction, en premier lieu dans les pharmacies.

Pour le seul quartier populaire de la Goutte d'Or dans le Nord de Paris, où se concentre l'essentiel de ces jeunes en déshérence, les effractions en officines ont bondi de 133% entre 2019 et 2020. En partant de ce quartier névralgique, ils mènent des "raids" en train, le soir vers les banlieues voisines, surtout en Seine-Saint-Denis.

Cet état des lieux "est à charge contre ces mineurs sous l'emprise de réseaux" de traite, s'insurge Violaine Husson, responsable de ces questions pour l'association La Cimade, auditionnée dans le cadre du rapport.

Pour elle, le problème est celui de la prise en charge trop tardive de ces mineurs, "contraints de commettre ces délits".

"On ne veut pas faire d'amalgame, tous les MNA ne sont pas des délinquants", reprend le député Jean-François Eliaou, pédiatre de métier, insistant sur le "devoir humanitaire" d'accueillir ces enfants.

Mais les infractions nourrissent "un sentiment d'impuissance de la part des forces de l'ordre et des magistrats, démunis face à cette forme de délinquance" et sur les réponses à y apporter, soulignent les rapporteurs.

En filigrane, les auteurs posent le "vrai problème", selon le député Eliaou: la détermination de l'âge de ces jeunes, qui déclinent souvent une nouvelle identité à chaque garde à vue, refusent le relevé d'empreintes. La directrice de la sécurité de proximité de l'agglomération parisienne, citée dans le rapport, ajoute que le but est de "bénéficier de la clémence de la justice des mineurs".

Une expérimentation menée en 2019 par le parquet de Paris a mis en évidence que 91% des 154 jeunes formellement identifiés étaient majeurs.

Reste que, "pour ne pas manquer sa cible, la réponse aux faits de délinquance (...) ne doit pas être exclusivement répressive", jugent les auteurs.

Ils appellent à repenser les dispositifs de prise en charge dans une approche pluridisciplinaire, en mettant en place un "continuum de protection", qui commencerait sur le terrain par un patient et indispensable travail de "première accroche", pour ensuite éviter qu'ils ne replongent dans la délinquance.

"Ce sont des gamins! On a besoin de les mettre à l'abri. Donc on propose, s'il le faut, de les enfermer contre leur gré, pour leur bien", insiste Jean-François Eliaou. "Il y en a qui s'en sortent: donc ça vaut le coup!".

Le 10/03/2021 à 16h53