Depuis le début du débat sur la loi immigration en France, les présidents des universités françaises n’ont eu de cesse, par voie de communiqués de presse, de manifester leur opposition à certaines mesures répressives à l’encontre de la communauté estudiantine étrangère en France.
Mais hier soir, suite au vote de cette loi qui fait la part belle aux positions de longue date de l’extrême droite, les présidents d’une vingtaine d’universités ont à nouveau exprimé leur colère, voyant se matérialiser l’objet de leur inquiétude.
Les présidents de plusieurs universités parisiennes, parmi lesquelles Paris 8 Vincennes-Saint Denis, Nantes Université, La Sorbonne, Paris Sciences et Lettres, Paris Cité, Paris 1 Panthéon–Sorbonne, rejoints par d’autres présidents d’universités à Strasbourg, Toulouse, Bordeaux, Lyon et Aix-Marseille, pour n’en citer que quelques-unes, font part de «leur vive inquiétude» et déplorent que «la version proposée à cette heure vienne s’attaquer aux valeurs sur lesquelles se fonde l’université française». Ces valeurs sont, rappellent-ils, «celles de l’universalisme, de l’ouverture et de l’accueil de la libre et féconde circulation des savoirs, celles de l’esprit des Lumières».
Les nouvelles mesures concernant les étudiants étrangers qui font grincer des dents l’enseignement supérieur français
Parmi les mesures contestées, trois en particulier hérissent le poil des présidents des universités et des grandes écoles françaises. C’est ainsi le cas de l’instauration des quotas migratoires, mesure qui implique la tenue d’un débat annuel au Parlement, lequel devra voter, pour trois ans, le nombre des étrangers, par catégorie, admis à s’installer en France, hors asile.
Autre point de crispation: la création d’une «caution retour» pour l’obtention d’un premier titre de séjour étudiant. À ce sujet, les présidents des universités rappellent que «l’accès aux connaissances et à la formation ne peut être entravé par des considérations financières si restrictives et sans fondement à l’image de l’instauration d’une caution de retour ou d’une limitation des aides sociales».
Par ailleurs, poursuivent-ils, «appliquer de façon généralisée et sans possibilité d’exonération la majoration des droits d’inscription pour les étudiantes et étudiants extra-communautaires aurait un effet particulièrement délétère sur le nombre, l’origine géographique et la situation sociale des étudiants pouvant venir étudier en France. Cela reviendrait également à mettre en cause l’autonomie des universités quant à leur stratégie d’accueil et de rayonnement international».
Vers la fin du rayonnement académique et de la compétitivité économique internationale de la France ?
Dans ces mesures, jugées «indignes» de la France, et au-delà des sérieuses entorses faites au principe d’humanisme cher aux universités françaises, les auteurs du communiqué voient la mise en danger de «la stratégie d’attractivité de l’enseignement supérieur et de la recherche française», et une nuisance considérable à «l’ambition de faire de notre pays un acteur majeur de la diplomatie scientifique et culturelle internationale».
Ce virage politique se situe en effets aux antipodes de l’invitation qui leur est faite de «renforcer leurs ambitions pour le rayonnement de la recherche». Ainsi, questionnent-ils, «comment accepter des mesures qui tendront à replier l’université française sur elle-même alors que nos étudiants et chercheurs accueillis participent à la production, à la diffusion des valeurs et des savoirs académiques et culturels au-delà de nos frontières?».
Un point de vue partagé par certaines grandes écoles, qui ont exprimé à leur tour leur indignation dans une tribune transmise au journal Le Parisien. Les dirigeants de l’ESSEC, ESCP et de HEC Paris ont ainsi dénoncé avec la même véhémence les mesures citées ci-dessus.
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Dans cette tribune intitulée «Caution et quotas d’étudiants du projet de loi Immigration: des mesures qui menacent gravement notre compétitivité internationale!», les dirigeants de ces trois grandes écoles, Eloïc Peyrache (HEC Paris), Vincenzo Vinzi (ESSEC Business School) et Leon Laulusa (ESCP Business School), jugent que ces dispositions, sont «loin d’être des solutions» mais représentent plutôt «des entraves disproportionnées qui risquent de compromettre durablement l’avenir de l’enseignement supérieur français et de freiner l’ambition de notre nation de se positionner comme leader mondial dans la formation des nouveaux cadres de la transition écologique et technologique».
Particulièrement critiquée, l’instauration de la caution de retour pour les étudiants étrangers, est taxée par les auteurs de la tribune de «mécanisme économiquement et juridiquement aberrant». Ce qu’ils redoutent particulièrement, c’est «le flou autour du montant de cette caution, qui ne serait pas déterminé par la loi» et qui «ouvre la porte à des variations arbitraires et clairement dissuasives».
De l’avis des présidents de ces trois grandes écoles de renommée internationale, cette mesure en particulier, qui «va à l’encontre des principes d’égalité républicaine et de mobilité étudiante internationale, diminuera la part d’étudiants internationaux dans nos écoles et universités».
S’agissant des quotas pluriannuels pour l’installation durable d’étudiants qualifiés, on juge «flou» le terme «durablement» employé dans cette disposition qui, dénonce-t-on, «crée une incertitude inacceptable, notamment pour les étudiants internationaux en Master ou en fin de cursus».
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En effet, est-il anticipé, «imposer des quotas à ces jeunes talents, désireux de transformer leur parcours académique en opportunités professionnelles en France, revient à les décourager de s’investir pleinement dans notre système éducatif pour s’investir à terme dans notre économie. Ce texte, dans sa version actuelle, nous pousse à faire une croix sur l’apport de ces talents».
Les trois auteurs apportent toutefois une possible solution pour contrer les dérives de cet article de loi, à savoir la nécessité de préciser dans le texte de loi que «les détenteurs d’une carte de séjour pluriannuelle (…) ne seront pas soumis aux quotas établis par l’article 1 afin de s’assurer que la France reste une destination de choix pour les meilleurs talents mondiaux». Sans quoi, entrevoit-on «ce projet (de loi) anéantirait l’objectif gouvernemental de doubler le nombre d’étudiants internationaux d’ici 2027, une démarche pourtant essentielle pour notre rayonnement académique et notre compétitivité économique internationale».