Algérie: les divagations du président Tebboune interpellent sur sa santé mentale

Le président algérien Abdelmadjid Tebboune. (W.Belfkih/Le360).

En affirmant, dimanche dernier à Oran, que l’économie algérienne occupe désormais la troisième place mondiale, le candidat de 78 ans à un deuxième mandat présidentiel en Algérie grossit un chapelet déjà bien garni de paroles incohérentes. Chaque fois qu’il s’exprime, Tebboune s’illustre par des propos extravagants. Plus les jours passent, plus ça devient grave et surtout inquiétant. Mise à jour.

Le 01/09/2024 à 09h01

Il y a eu la mémorable annonce voulant que l’Algérie produise 1,3 milliard de m³ d’eau potable par jour grâce au dessalement de l’eau de mer «d’ici la fin de l’année 2024», prononcée mardi 19 décembre 2023… au siège de l’ONU à New York. Comme il y a eu le véritable cours magistral de science-fiction auquel a eu droit le secrétaire d’État américain Antony Blinken, quand il a été reçu à la Mouradia, mercredi 30 mars 2022 à Alger, stipulant que l’Algérie a les capacités pour nourrir l’ensemble du continent africain. «Avec un pays très vaste, nous pouvons aider l’Afrique en termes de fourniture de céréales. On peut le faire. Il est techniquement faisable d’atteindre une production de 30 millions de tonnes. Nous avons besoin de 9 millions de tonnes et pouvons exporter 21 millions de tonnes vers le Maroc, la Tunisie et l’Égypte sans aucun problème», a-t-il précisé.

On passera sur le «fait» que l’ex-maître de l’Espagne Francisco Franco avait proposé, en 1964, à l’Algérie de lui céder le Sahara occidental (22 mars 2023 sur la chaîne qatarie Al Jazeera), que l’émir Abdelkader s’était vu remettre la médaille de l’Ordre de l’Aigle blanc par Nicolas II. Or, ce dernier n’avait pas encore entamé son règne (de 1894 à 1917) quand Abdelkader était déjà décédé, en 1883. Inutile de rappeler aussi le cadeau offert par George Washington à l’émir Abdelkader, le premier étant mort en 1799 et le second né en 1808, les deux hommes ne pouvaient avoir un échange ici-bas.

Traits d’union entre ces déclarations, leur caractère totalement mensonger et impossible ainsi que leur auteur: le brillantissime président algérien Abdelmadjid Tebboune, candidat, âgé de 78 ans, à sa propre succession lors du scrutin –ou plutôt la mascarade– du 7 septembre prochain. L’assurance de l’emporter, compte tenu de l’absence de concurrents valables et de l’appui du chef d’état-major, ne l’empêche cependant pas de forcer encore un trait bien grossier. Qui peut le plus, peut le moins, donc Tebboune y va encore plus et va plus loin. Le pic du sommet a été atteint dimanche 25 août dernier à Oran à l’occasion d’un speech électoral devant une large audience et des caméras qui ont immortalisé le long moment.

Qu’apprend-on de nouveau? Que l’Algérie est désormais la troisième plus grande économie mondiale! Vous avez bien lu et ce qu’on voit et entend le plus clairement du monde ici:

Ainsi, et en cinq ans seulement, le voisin est sorti du sous-développement, de la prédation de ses dirigeants, des coupures d’eau, des files d’attente longues de plusieurs kilomètres dans l’espoir d’acquérir un sachet de lait, du phénomène d’émigration clandestine de ses jeunes et bien d’autres tares pour embrasser le peloton de tête des pays les plus avancés, techniquement derrière les États-Unis et la Chine, mais loin devant l’Allemagne, le Japon, l’Inde, le Royaume-Uni ou la France. Et le miracle algérien fut. C’est d’autant plus fabuleux que le chemin fut semé d’embuches, affirme (ya 7asra) le chef de l’État.

«En 2019, nous nagions en plein désespoir. Regardez où nous en sommes aujourd’hui, l’Algérie est troisième mondial sur le plan économique. Ce n’est pas un hasard», a-t-il affirmé. Ce qui est sûr, c’est que selon le Fonds monétaire international, l’Algérie, avec un PIB prévisionnel de 266,7 milliards de dollars en 2024, est 36ème au dernier décompte… derrière l’Irak. Le reste, tout le reste, est une leçon d’anthologie en matière de divagations. C’est repris intégralement par tous les médias inféodés au régime d’Alger, c’est un peu long mais ça vaut le détour, in extenso.

Le seul pays à accorder des indemnités chômage

Revenant sur la problématique de l’emploi dans un pays où le chômage fait rage, Tebboune n’est pas avare en promesses. Comptez 450.000 emplois à créer incessamment sous peu, 500.000 autoentrepreneurs qui n’attendent que le feu vert de «Ammi Tebboune», 8.300 projets d’investissements «validés» et, vite vite, 20.000 start-ups, lesquels «sont déjà au nombre 7.800». La Silicon Valley, avec ses 11.200 start-ups et entreprises qui génèrent 350.000 emplois dont 200.000 d’ingénieurs spécialisés, n’a qu’à bien se tenir. L’Algérie de Tebboune s’apprête à tout casser. Fastoche quand on est 3ème économie mondiale.

Pour les autres, s’il en reste après cette révolution à venir, il y a cette exclusivité mondiale dont l’Algérie a la tutelle: les indemnités chômage. «L’Algérie est le seul pays à en accorder», s’est exclamé le président-candidat. Deux remarques plus tard, il essaie de se rattraper: «au fait, le seul parmi 15 pays d’Europe». Allez comprendre en quoi l’Algérie est la «seule».

«Tous les +26 ans auront droit, chacun, à un logement»

Autre annonce de taille du président Tebboune: la stratégie à venir en matière de logement. Ancien ministre de l’Habitat, il sait de quoi il parle. Et c’est donc en parfaite connaissance de cause qu’il déclare, les yeux dans les yeux, que «son» Algérie va construire plus de 2 millions de logements si jamais il est réélu. Tous les citoyens âgés de 26 ans et plus auront accès à un logement. Dans le rural, il faudra compter 500.000 logements à venir. Ou peut-être 600.000. Ou même plus ga3. Pour prendre la mesure de cette folie, au sens littéral, algérienne, il suffit de savoir que la Chine avec ses 1,4 milliard d’âmes, toute sa classe moyenne bankable et toute sa puissance industrielle, a construit environ 5 millions de logements en 2022 et 2023. Il faut croire que Tebboune est capable de merveilles. D’ailleurs, «la terre entière nous envie notre stratégie en matière d’habitat. Aucun pays au monde, grand ou petit, n’arrive à notre niveau», a-t-il fièrement déclamé. Rien que cela.

Interconnexion des barrages: «seule l’Algérie en est capable»

Il ne dira jamais comment ni avec quels moyens, mais s’il est un terrain très fertile aux craques de Tebboune, c’est bien l’agriculture. C’est ainsi que dès l’année 2026, «l’Algérie n’importera plus, ne serait-ce qu’un kilogramme de blé dur. Idem pour l’orge», spécifie Tebboune. Dommage: pour le maïs, il faudra attendre 2027. «Au plus tard», précise-t-il... Le tout, dans un pays qui importe la quasi-totalité de ses besoins en la matière. «Toutes nos denrées de base, l’huile de table, le sucre, tout ça tout ça, seront algériens lors de mon deuxième mandat. Ce n’est pas une promesse en l’air. Considérez que c’est fait. C’est garanti», s’est engagé le candidat présidentiel.

La solution est toute trouvée et là encore c’est une exclu made in Algérie: l’interconnexion des barrages et autres bassins hydriques du pays. De l’eau, qui manque même dans les grandes villes comme Alger et Oran d’où il s’est exprimé, coulera à flots et partout. «Seule l’Algérie en est capable. Aucun autre pays ne peut», explique le président. Que dire quand il faut à peine regarder ce que fait le petit Maroc en la matière? Rien si ce n’est que dans la foulée, 3 millions d’hectares de terres agricoles seront irrigués en Algérie. La nouvelle Algérie sera cette nouvelle terre où coulent le lait et le miel.

La folie des grandeurs de Tebboune ainsi que la multiplication de ses divagations interrogent sérieusement sur sa santé mentale. Le président algérien a-t-il toute sa tête? Telle est la question qui s’impose compte tenu du fait qu’il semble avoir définitivement perdu le sens des réalités et naviguer dans un monde parallèle. L’homme qui s’apprête à rempiler cinq longues années à la tête de l’Algérie a-t-il les facultés cérébrales pour assumer cette mission? Si auparavant, les mensonges à répétition pouvaient s’apparenter à une volonté de puissance ou à de la pure propagande, les dernières annonces et autres promesses dénotent, elles, d’une perte totale de toute capacité de discernement ou de sens commun. Si le régime d’Alger et ses tenants inquiétaient par leur caractère impulsif et hystérique, la santé mentale de Tebboune fait le lit de l’irrationnel. Ce qui constitue un danger.

Par Tarik Qattab
Le 01/09/2024 à 09h01