La mode est un puissant instrument de soft power. Le Maroc s’en rend enfin compte avec, de plus en plus, une actualité culturelle et diplomatique chevillée à la mode. Dernier exemple en date, les t-shirts siglés Adidas, mettant à l’honneur des villes marocaines et à travers elles, le patrimoine culturel et l’histoire artistique du royaume.
Une collaboration réussie, d’autant qu’elle est portée par des créateurs marocains et des femmes issues de coopératives de l’artisanat traditionnel, et qui vise «à rendre hommage aux artisans marocains et à reconnaître la richesse du patrimoine culturel marocain, face aux tentatives de piratage de ce patrimoine», dixit le ministère de la Culture dans un récent communiqué.
On ne peut qu’applaudir cette initiative qui, en plus de réchauffer les rapports entre l’équipementier sportif et le Maroc –fortement altérés suite à l’utilisation du motif du zellige marocain sur le maillot Adidas de l’équipe de foot algérienne–, s’inscrit dans la démarche d’inscription du patrimoine culturel marocain auprès de l’Unesco.
Si la mode occupe une place cruciale dans notre société et notre culture, elle est pourtant restée longtemps la grande oubliée des ministères en charge de l’artisanat et de la culture, au point que les créateurs de mode traditionnelle ont bataillé pendant de nombreuses années pour faire entendre leurs besoins. Aujourd’hui, l’attention est enfin portée sur leur secteur d’activité, il est temps d’en profiter pour aider la mode marocaine à se structurer afin de pouvoir briller en dehors de nos frontières.
Car à l’heure où les tapis rouges du Met Gala et du Festival de Cannes occupent la Une de tous les médias internationaux, force est de constater qu’encore une fois, les créateurs marocains sont absents bien que nous ne manquions pas de compétences.
Pourtant, sur ces tapis rouges où rivalisent les grandes maisons de couture telles que Dior, Chanel, Louis Vuitton, Gucci & Cie, les créateurs arabes sont bien présents. Depuis le début du Festival de Cannes, certains noms s’imposent. L’influenceuse saoudienne Yara Alnamlah a foulé le tapis rouge dans une tenue du créateur Rami Kadi. Shanina Shaik, mannequin australien d’origine saoudienne, pakistanaise et lituanienne, était vêtue d’une robe du couturier libanais Zuhair Murad. L’animatrice de télévision et mannequin germano-américaine Heidi Klum a choisi le créateur libanais Saiid Kobeisy. Et jusqu’à l’actrice américaine Jane Fonda habillée par le créateur libanais Elie Saab… Dans la presse internationale, ces noms de créateurs arabes résonnent désormais.
Alors pourquoi ne sommes-nous pas représentés sur ce tapis rouge si médiatisé, bien que nos créateurs maîtrisent pourtant les codes de la haute couture à la perfection? Il manque vraisemblablement ce travail de mise en avant de nos créateurs qui doivent être appuyés et formés pour pouvoir accéder aux stylistes des grandes stars et avoir une chance de voir leurs tenues choisies. Il manque aussi ce travail de mise en avant de notre star system afin qu’à travers chaque acteur, réalisateur, influenceur qui foule un tapis rouge, ce soit le Maroc qui en bénéficie. Un petit tour du côté des personnalités marocaines médiatisées présentes à Cannes donne une petite idée de l’ampleur de ce qu’il reste à accomplir. Laila Aziz, l’épouse du producteur RedOne, grande influenceuse et créatrice marocaine, a choisi de s’habiller en Balenciaga… Pourquoi ne pas profiter de son influence et de son million de followers pour promouvoir notre mode?
Asma El Moudir, réalisatrice marocaine et membre du jury de la catégorie «Un certain regard», a porté quant à elle la marque marocaine New Tangier, avant d’opter, au Festival Red Sea Film en Arabie saoudite pour une créatrice polonaise, Bożena Janisiw. Pourquoi ce choix?
Quant à l’équipe du film «Everybody Loves Touda», de Nabil Ayouch, gros point d’interrogation sur les stylistes qui ont façonné le look des uns et des autres, car aucun nom n’est cité, ni sur leurs réseaux sociaux ni dans les médias. Un non-sens alors même que tous les spotlights sont braqués sur ce film marocain sélectionné dans la catégorie «Cannes première».
Pourquoi le Maroc ne profite-t-il pas de ce type d’évènements, où le Royaume est pourtant représenté par ses artistes, pour faire valoir ses nombreux autres talents?