Vers une réforme profonde du régime juridique du chèque au Royaume du Maroc

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Revue de presseLe Royaume du Maroc s’apprête à revoir en profondeur le cadre juridique encadrant l’usage des chèques. Portée par le ministère de la Justice, une réforme ambitieuse vise à dépénaliser partiellement les incidents de paiement, à désengorger les tribunaux et à instaurer une approche plus souple et plus équilibrée. Cette mutation, qui pourrait entrer en vigueur après une ultime session parlementaire, soulève autant d’espoirs que de prudence. Cet article est une revue de presse tirée du quotidien Les Inspirations Éco.

Le 30/04/2025 à 18h57

Le Royaume du Maroc s’apprête à franchir une étape décisive dans la modernisation de son arsenal juridique relatif aux instruments de paiement.

Devant la Chambre des représentants, lundi dernier, le ministre de la Justice, Abdellatif Ouahbi, a exposé les contours de la réforme imminente de la loi sur les chèques, annonçant une transformation significative du traitement judiciaire des incidents de paiement.

L’objectif est clair, indique le quotidien Les Inspirations Éco: dépénaliser partiellement l’usage du chèque sans provision, soulager les tribunaux d’un contentieux de masse, et renforcer la sécurité juridique des transactions financières.

Au cœur de cette réforme, une série de mesures tendent vers un assouplissement ciblé du dispositif répressif.

La plus emblématique concerne la dépénalisation des incidents de paiement dans le cadre familial: lorsqu’un chèque sans provision est émis entre époux, l’affaire relèvera désormais exclusivement du contentieux civil. Une décision présentée comme un moyen d’éviter la criminalisation des litiges conjugaux et de préserver l’équilibre familial, écrit-on.

Autre avancée majeure, le paiement du montant dû, quel qu’en soit le moyen, entraînera l’extinction automatique de toute procédure judiciaire.

Cela inclut l’annulation des mandats d’arrêt en cours et la libération immédiate des personnes détenues.

Pour les nouveaux cas, une période de grâce d’un mois sera accordée au débiteur, durant laquelle il pourra régulariser sa situation.

Durant cette période, précise Les Inspirations Éco, une mesure alternative à l’incarcération sera appliquée: le port d’un bracelet électronique, pour prévenir toute tentative de fuite.

Ce délai pourra être prolongé d’un mois supplémentaire, sur demande de la partie lésée.

Par ailleurs, une réflexion est en cours concernant l’exclusion des mesures de saisie pour les chèques impayés portant sur de petits montants, entre 10.000 et 20.000 dirhams. Une proposition encore en discussion mais qui illustre la volonté d’instaurer une justice proportionnée.

Cette réforme, en plus de son enjeu juridique, pourrait transformer le paysage économique.

En limitant le recours aux sanctions pénales, elle contribuera à désengorger les tribunaux et à accélérer le traitement des litiges financiers.

Les entreprises, notamment les PME souvent pénalisées par la lenteur judiciaire, pourraient ainsi bénéficier d’un environnement juridique plus réactif, écrit-on encore.

Le renforcement des mécanismes de régularisation amiable, tel que le délai de grâce ou la levée automatique des poursuites en cas de paiement, devrait également encourager une plus grande confiance entre partenaires commerciaux.

Il s’agit d’un levier important pour améliorer le climat des affaires, particulièrement dans un contexte où la stabilité des transactions est un enjeu de premier plan.

En outre, l’intention d’exclure les petits montants des saisies vise à protéger les acteurs économiques les plus vulnérables (indépendants, TPE, jeunes entrepreneurs) pour qui un incident de paiement mineur peut avoir des conséquences disproportionnées.

Toutefois, cette plus grande souplesse ne va pas sans poser question.

En diminuant le risque de sanctions immédiates, la réforme pourrait affaiblir le caractère dissuasif du chèque comme instrument de paiement.

«L’absence de pression pénale pourrait inciter certains à adopter des comportements plus laxistes vis-à-vis de leurs engagements financiers», met en garde un expert en droit commercial.

Il faudra donc prévoir un mécanisme de suivi rigoureux et des garde-fous pour éviter que la dépénalisation partielle n’ouvre la voie à de nouvelles dérives.

 

Par Nabil Ouzzane
Le 30/04/2025 à 18h57