Transferts des MRE: en voici les bénéficiaires, la provenance et les finalités

Des billets d'euros.

Un avis du Conseil économique, social et environnemental (CESE) apporte de nouveaux éléments sur les transferts des MRE, les bénéficiaires, leur provenance et l’usage qui en est fait… Voici ce qu’il faut en retenir.

Le 28/03/2023 à 09h30

L’avis consultatif du Conseil économique, social et environnemental (CESE) sur le renforcement du lien intergénérationnel entre les MRE et le Maroc a été publié au Bulletin officiel en date du 16 mars 2023 (version en arabe). Il apporte un nouvel éclairage et de nouveaux éléments sur les transferts financiers des Marocains résidant à l’étranger (MRE) vers le Maroc.

Le CESE fait d’abord remarquer que ces transferts, qui ont connu au cours des dernières années une progression annuelle moyenne de 6%, se sont établis à plus de 109 milliards de dirhams (MMDH) en 2022 contre 93,6 MMDH en 2021.

Selon l’institution que préside Ahmed Réda Chami, la hausse de ces dernières années pourrait être expliquée par plusieurs facteurs, dont l’intensification de la solidarité familiale à la suite du confinement de 2020, l’amélioration des taux officiels de change, la réorientation des transferts vers des circuits formels, ou la réduction relative des coûts de transfert (de 6,82% au quatrième trimestre de 2019 à 6,04% au même trimestre de 2021).

L’Oriental, champion national

Selon l’avis du CESE, 42,3% des MRE font des transferts d’argent au bénéfice des parents, des conjoints et de la famille. Les plus «assidus» se recrutent chez ceux âgés de plus de 60 ans. Pour cette tranche d’âge, 80% effectuent plusieurs transferts par an.

Trois pays d’accueil totalisent 57% des transferts, à savoir la France, l’Italie et l’Espagne. Les fortes communautés marocaines installées dans ces pays pourraient expliquer cette grande proportion des transferts des MRE.

Le même avis nous en dit plus sur les principales régions récipiendaires des transferts des Marocains du monde. À elle seule, la région de l’Oriental en accapare le quart (25%), suivie de Casablanca-Settat (17%), Tanger-Tétouan-Al Hoceima (13%) et Béni Mellal-Khénifra (11%).

L’investissement, le parent pauvre

Comme pour plusieurs autres pays du monde, les transferts de nos concitoyens expatriés permettent d’abord aux bénéficiaires (la famille en premier lieu) d’«améliorer leur accès aux biens de consommation de première nécessité, le logement, l’eau et l’électricité», relève le CESE, qui évoque aussi «l’amélioration de la scolarisation ou l’accès aux soins».

Ces transferts contribuent également à la réduction de la pauvreté et des inégalités sociales et à la réduction du travail des enfants.

Le CESE se base sur des études qui attestent que les ménages dont un membre s’est expatrié en France dans les années 1960 échappent à la pauvreté 60 ans plus tard grâce aux transferts de fonds. Mais ces retombées ne veulent pas dire que ces transferts ont un effet de réduction des inégalités entre les sexes.

Quid de l’investissement? La réponse du CESE est édifiante dans ce sens. L’institution relève que seulement «1,3% des transferts seraient en effet destinés à l’investissement et cette portion marginale semblerait, de plus, se destiner en grande partie au secteur de l’immobilier (40,7%)».

Et on est loin du compte en comparaison avec d’autres pays africains où les transferts des expatriés vont aux investissements, comme le Nigéria (45%), le Kenya (35%) ou encore le Sénégal (5%).

«L’exploration des causes de la faiblesse du taux d’investissement des MDM dans leur pays d’origine appelle des études approfondies pour savoir si, où, et dans quelles proportions la population en question au Maroc investit ailleurs qu’au Maroc», conclut le CESE.

En attendant, le Conseil avance quelques pistes comme «la faiblesse de l’accompagnement bancaire, la rareté, voire l’inexistence de fonds d’amorçage à destination des MDM. Le produit d’encouragement à l’investissement “MDM Invest” n’a en effet agréé que 48 dossiers entre 2002 et juin 2022.»

Parmi les solutions, le CESE recommande d’«ouvrir activement le Fonds Mohammed VI pour l’investissement aux apports des MDM et /ou mettre en place un fonds d’investissement dédié aux MDM dans le but de consacrer des ressources à des activités ayant un impact positif social et environnemental, au private equity et à l’économie sociale et solidaire». D’autres mesures incitatives comme la réduction des tarifs des transferts à l’émission et à la réception sont également recommandées .

Par Mohammed Boudarham
Le 28/03/2023 à 09h30