Taxe d'écran: annonceurs, régies, éditeurs et médias électroniques ne décolèrent pas

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Les acteurs de l'écosystème publicitaire se dressent en front uni contre l'élargissement surprenant de la taxe d'écran, notamment les médias électroniques. Un droit dont la suppression était pourtant actée depuis 1998, sans que cela ne soit concrétisé.

Le 31/01/2018 à 15h17

La grogne est à son comble dans le secteur des médias et de la publicité. L’élargissement surprise de la taxe d’écran à de nouveaux supports de diffusion n’en finit plus de faire réagir. La Fédération marocaine des éditeurs de journaux (FMEJ) s’est insurgée, mardi 30 janvier, contre cette décision, la qualifiant, dans un communiqué, de «dangereuse, absurde et incompréhensible». Elle n'est pas la seule. Une alliance a vu le jour aujourd’hui. Elle est formée d'annonceurs, d'agences de conseil en communication, d'éditeurs et de régies. Objectif, dénoncer d’une seule voix cette mesure.

«Le marché publicitaire marocain a initié un mouvement de mobilisation générale en réponse aux dispositions de la nouvelle Loi de Finances 2018 relatives aux droits de timbre sur les annonces publicitaires sur écran», annonce cette alliance dans un communiqué.

«La taxe d’écran constitue une problématique majeure pour tous les acteurs du marché publicitaire marocain, annonceurs, agences conseil en communication, presse électronique et éditeurs de contenu digitaux», précise Mounir Jazouli, président du Groupement des annonceurs du Maroc. «Alors que nous militions pour la suppression de cette taxe qui s’appliquait à la publicité sur la télévision et le cinéma, nous avons été surpris de voir son champ d'application élargi avec les dispositions de la nouvelle Loi de Finances», ajoute-t-il. Même son de cloche chez les autres parties formant ce mouvement.

Une décision prise en catiminiEn fait, les pouvoirs publics ont pris de court tout le monde. Décidée dans le cadre de la Loi de finances 2018, débattue pourtant pendant plus de deux mois au Parlement, la nouvelle mesure n’a été révélée au grand jour qu’après la publication par la direction générale des impôts de la traditionnelle circulaire de la LDF en ce mois de janvier. Dans celle-ci, on apprend que, dans un souci «de simplification du dispositif relatif au droit de timbre sur les annonces publicitaires sur écran et dans un souci d'adaptation au développement de nouvelles technologies de l’information dans le domaine publicitaire», la LDF 2018 a apporté des modifications sur le dispositif fiscal et décidé d'élargir la notion «d'annonces publicitaires sur écran» à l’ensemble des annonces diffusées sur tous types d'écrans numériques. 

La même circulaire annonce également une «simplification» du dispositif de déclaration en prévoyant un interlocuteur unique en matière de dépôt de déclaration et d’acquittement des droits, ainsi que l'instauration d’une mesure de solidarité pour le paiement des droits de timbre entre les parties concernées.

En clair, le droit de timbre proportionnel de 5% qui était appliqué aux publicités diffusées dans les salles de cinéma et à la télévision est désormais appliqué aux publicités diffusées sur tous les écrans publicitaires LED, écrans d’ordinateur, androïd, tablettes…

Si, en apparence, cet élargissement peut sembler logique en raison des avancées technologiques qui ont créé de nouveaux canaux de diffusion de la publicité, il reste problématique, et à plus d’un titre.

La suppression de cette taxe prévue depuis 1998D’abord, cette taxe, dans sa version initiale, est complètement inappropriée. Et pour cause, depuis l’instauration dans les années 90 d’une redevance pour le financement de l’audiovisuel, prélevée directement via les factures d’électricité, il n’y avait plus lieu d’appliquer ledit droit de timbre. C’est d’ailleurs dans ce cadre que la Loi de finances de 1998 a acté sa suppression en deux étapes. La taxe est ainsi passée de 10% à 5%, mais n’avait finalement pas été supprimée suite à l’avènement de l’alternance démocratique, la même année, un contexte politique qui a éclipsé le sujet.

Depuis, les acteurs de la publicité, principalement les annonceurs, n’ont eu cesse de rappeler la nécessité de supprimer les 5% restants. Aucun des gouvernements qui se sont succédé ces dernières années n’a cependant osé y toucher… jusqu’à l’avènement du gouvernement El Othmani. Mais au lieu de pencher dans le sens de la suppression comme cela a été décidé en 1998, l'Exécutif prend à contre-pied tout l’écosystème publicitaire en élargissant son champ d’application.

Pire encore, la décision est considérée aujourd’hui comme un «coup de massue» contre le secteur de la presse digitale qui, en plus d’être confronté à une rude concurrence des géants du Web comme Google et Facebook (qui ne paie aucun impôt ni taxe!), se voit aujourd’hui doublement pénalisé.

D’un côté, les 5% de droit de timbre renforcent l’avantage «concurrentiel» des Facebook et autres. D’un autre, la circulaire de la DGI instaure des dispositions qui stipulent que les organismes qui diffusent ces publicités, dont la presse, doivent reverser le montant de cette taxe avant même d’être payés par l’annonceur. Une obligation de souscrire à une déclaration mensuelle des annonces programmés pour le mois suivant et de verser les droits correspondants est prévue par la circulaire. Cette dernière suppose, en sus, un principe de solidarité en matière de recouvrement des droits de timbre entre les différents acteurs impliqués dans le processus.

C’est dire l’ampleur des dégâts que risquent de subir presse, annonceurs et tous les acteurs de cet écosystème à cause d’une décision dont l'effet sur l'économie nationale est on ne peut plus négligeable.

Voici par ailleurs le communiqué annonçant la naissance d'un mouvement contre la taxe d'écran et qui en explique les enjeux.

  • taxe_decran.pdf

Par Younès Tantaoui
Le 31/01/2018 à 15h17