À moins d’un an de l’entrée en vigueur du Mécanisme d’ajustement carbone aux frontières (MACF), les industriels marocains s’activent, face à un défi de taille.
Objectif: verdir leur production, pour éviter les lourdes pénalités à l’export.
Dans un entretien accordé au magazine Challenge, Loïc Jaegert-Huber, directeur régional d’ENGIE Afrique du Nord et président de la Commission énergies propres de l’Association marocaine des exportateurs (ASMEX), livre son analyse sur les enjeux de cette transformation.
Si la conscience des enjeux climatiques est bien présente dans les milieux industriels marocains, la mise en œuvre reste très contrastée: «la prise de conscience est réelle, mais le niveau de préparation reste hétérogène», constate Loïc Jaegert-Huber.
«Certains grands groupes ont déjà entamé leur transition, mais beaucoup de PME peinent encore à intégrer pleinement les exigences du MACF», précise-t-il.
Parmi les principaux obstacles, l’accès aux données d’émissions, le coût initial des investissements bas carbone, et le manque de ressources internes, formées aux enjeux de la décarbonation.
Pour les industriels, l’équation est désormais claire. sans réduction de leur empreinte carbone, c’est l’accès aux marchés européens qui est en jeu. «L’enjeu n’est plus seulement environnemental, il devient commercial», souligne Loïc Jaegert-Huber. Selon lui, préserver l’accès au marché européen (et au-delà) exige de réduire son intensité carbone.
Si les secteurs directement concernés par le MACF –comme les engrais ou le ciment– ont commencé leur mue, d’autres sont encore en retrait.
Le textile et l’agro-industrie, par exemple, « seront dans la ligne de mire, d’ici 2027-2028″, écrit le magazine.
Pour se conformer aux nouvelles règles européennes, les entreprises marocaines doivent passer à l’action: «mesurer leurs émissions, identifier les leviers de réduction à court terme comme l’efficacité énergétique ou le sourcing local, et intégrer la transition bas carbone dans leur stratégie export», recommande-t-il.
Des dispositifs d’accompagnement existent déjà, portés notamment par l’ASMEX, l’AMDIE ou des bailleurs internationaux.
Mais cet expert appelle à aller plus loin: «il faut renforcer les synergies public-privé, accélérer la labellisation bas-carbone et développer un accompagnement technique et financier ciblé», explique-t-il.
En effet, pour Loïc Jaegert-Huber, la taxe carbone n’est pas qu’une contrainte, et pourrait même devenir une opportunité pour les entreprises les plus agiles.
«Les entreprises qui investiront aujourd’hui dans des technologies propres seront demain plus compétitives, plus résilientes, et mieux valorisées par leurs clients internationaux», a-t-il affirmé sans ambages.
Le Royaume du Maroc, avec son mix énergétique de plus en plus vert, peut donc capitaliser sur cet avantage: «il peut devenir une plateforme industrielle bas-carbone de référence entre l’Europe, l’Afrique et le Moyen-Orient».
Fer, acier, aluminium, ciment, engrais, électricité, hydrogène… Ce sont les secteurs qui seront touchés dès la première phase du MACF.
Mais, d’autres suivront rapidement: «les secteurs les plus vulnérables sont ceux fortement émetteurs, faiblement capitalisés ou très exposés à l’export, tels que les engrais, le ciment, le textile et l’agro-industrie», a d’ailleurs averti cet expert.
Fort heureusement, des solutions existent: audits carbone, recours aux énergies renouvelables, contrats d’achat d’énergie verte (PPA), logistique décarbonée… Mais, encore faudrait-il les mettre en œuvre, rapidement.
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