Le Maroc suspend, à partir de ce lundi 29 novembre 2021 et pour deux semaines, tous les vols directs de passagers avec le reste du monde. Cette décision, qui intervient à quelques semaines des vacances de fêtes de fin d’année, va lourdement impacter le secteur du tourisme qui ne s’est pas encore rétabli des retombées néfastes de la crise qu'a engendrée la pandémie de Covid-19.
"L’industrie touristique au Maroc peine encore à rebondir. Et cette décision va aggraver davantage cette crise. 2021 ne sera pas donc une bonne année en termes de fréquentation touristique, étant donné que les mesures sanitaires ont eu un impact important sur les arrivées aux postes-frontières, les nuitées dans les établissements hôteliers et, par conséquent, sur les recettes-voyages en devises", déplore Zoubir Bouhout, expert en tourisme et ancien directeur du conseil provincial du tourisme de Ouarzazate.
Les professionnels prévoient une perte de 80% d’activité"Les professionnels du secteur comprennent bien que ces mesures restrictives visent à préserver les acquis réalisés par le Royaume dans la lutte contre la pandémie et à protéger la santé des citoyens. Toutefois, et d’un point de vue économique, cette mesure va compromettre la reprise du secteur, qui peine, depuis mars 2020 à renaître de ses cendres. Nous prévoyons des pertes identiques à celles enregistrées en 2020, à savoir une baisse drastique de 80% du niveau de l’activité", explique cet expert.
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"Avec la reprise des vols et l’allègement des mesures restrictives en juin dernier, les professionnels croyaient pouvoir enfin voir le bout de tunnel. Les prémices de la reprise ont commencé à se manifester en été, grâce à l’opération Marhaba (boostée par un dispositif spécial facilitant cette année le déplacement des MRE) et à l’organisation de plusieurs événements, tels que le Marathon des sables, le Rallye Aïcha des gazelles, ainsi que d’autres compétitions sportives. Ajouter à cela le lancement des liaisons aériennes directes entre le Maroc et Israël. Tout cela a eu pour effet une amélioration des recettes touristiques au troisième trimestre 2021", ajoute-t-il.
Au cours du troisième trimestre 2021, les recettes du tourisme se sont élevées à 15,9 milliards de dirhams, en hausse de 202% en glissement annuel, un niveau qui reste cependant inférieur à celui observé en 2019 (-40,2%).
"Malgré ces multiples signaux positifs, avec l’évolution récente de la situation sanitaire, on se retrouve à nouveau confronté à une situation difficile", constate cet expert. Selon lui, les gains réalisés l’été dernier ne vont pas suffire malheureusement pour compenser les pertes essuyées depuis le début de l’année.
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Zoubir Bouhout, qui table sur une chute de 80% de l’activité en 2021, s’attend aussi à une situation similaire au premier trimestre 2022. "Un retour à la normale n’est pas pour bientôt", regrette-t-il.
Depuis l’annonce de la suspension des vols, les annulations pleuventDe son côté, le président de l’Association régionale des agences de voyages de Casablanca-Settat (ARAVCS), Khalid Benazzouz, indique que les annulations des réservations se succèdent, depuis l’annonce de la suspension des vols, au grand dam des professionnels qui reprenaient espoir et qui comptaient sur le flux des touristes pour relancer leur activité.
Tous les opérateurs sont confrontés à un véritable raz-de-marée d’annulations. "Nous avons besoin d’un plan de soutien pour aider les entreprises exerçant des activités liées au secteur du tourisme. Nous sommes à l’agonie totale", insiste ce professionnel.
"Les agences de voyages, ainsi que d’autres professionnels tels que les transporteurs, sont noyés sous les cumuls de dettes, d'impôts et de moult redevances et charges. Il y a lieu de réfléchir à une amnistie fiscale et à toute autre mesure susceptible d’alléger les charges", souligne-t-il.
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Et d’ajouter: "Nous saluons la décision du gouvernement de reprendre l’indemnité forfaitaire mensuelle de 2.000 dirhams pour la période septembre-décembre 2021, même si les modalités d’octroi de cette aide n’ont pas encore été annoncées", fait-il observer.
Même son de cloche chez Nidal Lahlou, vice-président de la Fédération nationale de l'industrie hôtelière (FNIH), qui a appelé à de nouvelles mesures en faveur du secteur touristique.
"Des milliers de personnes vivent du tourisme et risquent aujourd’hui de perdre leurs emplois. Les chefs d’entreprises sont aussi menacés de mettre la clé sous le paillasson. Le tourisme doit être la priorité des priorités du gouvernement actuel", conclut Lahlou.