Au cours de l’année écoulée, le Maroc a poursuivi la diversification de ses fournisseurs en blé tendre. Une stratégie qui lui a permis de se prémunir des soubresauts d’un marché international volatil, surtout depuis le déclenchement de la guerre entre la Russie et l’Ukraine.
Au total, en 2023, les négociants marocains se sont procuré 4.758.263 tonnes de blé tendre sur le marché international, contre 5.275.917 tonnes en 2022, soit une baisse de 10%, d’après les statistiques de la Fédération nationale des négociants en céréales et légumineuses (FNCL) consultées par nos soins. La France reste le premier fournisseur du Maroc avec plus de 2,3 millions de tonnes (contre plus de 3 millions en 2022), devant l’Allemagne (1.160.619 tonnes), la Roumanie (357.837 tonnes), la Pologne (284.458 tonnes) et la Russie (217.043 tonnes). Suivent la Lituanie (216.199), la Lettonie (90.585 tonnes), la Bulgarie (40.999 tonnes), les États-Unis (21.120 tonnes) et la Grande-Bretagne (5.488 tonnes).
Source: FNCL
L’Argentine, le Brésil et l’Ukraine, respectivement deuxième, quatrième et septième fournisseur du Maroc en 2022 (avec 878.292 tonnes, 268.604 tonnes et 64.292 tonnes), ont tout simplement quitté cette liste en 2023. «Les importations varient en fonction des conditions de marché, des origines les plus compétitives et des besoins d’approvisionnement. Trois principaux paramètres que nous prenons en compte dans nos évaluations quotidiennes pour déterminer le choix de nos fournisseurs», nous expliquait Omar Yacoubi, président de la FNCL, dans une déclaration pour Le360.
Des changements dans la liste des pays fournisseurs
Au cours du premier semestre 2023, le Royaume a importé 2.241.115 tonnes de blé tendre. Dans ce total, plus d’un million de tonnes ont été importées de la France, 758.908 tonnes de l’Allemagne, 156.104 tonnes de la Pologne et 138.185 tonnes de la Roumanie. Le reste des importations proviennent essentiellement de la Lettonie (60.249 tonnes), de la Lituanie (42.798 tonnes) et du Canada (26.037 tonnes).
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Les six premiers mois de l’année 2023 ont été également marqués par un changement majeur opéré par le Maroc dans son régime de substitution à l’importation de blé tendre, afin d’encourager les expéditions depuis la mer Noire, principalement depuis la Russie et l’Ukraine.
Plus de 2,5 millions de tonnes importées au 2ème semestre
Durant le deuxième semestre, le Royaume a élargi ses zones d’approvisionnements en passant de 7 à 11 fournisseurs. Ce qui lui a permis de s’approvisionner à hauteur de 2.517.238 tonnes, soit 276.000 tonnes de plus que durant le précédent semestre, soit une hausse de 10%.
Un chamboulement s’opère dans le Top 5. La Russie, premier exportateur mondial de blé, qui avait quitté le navire des fournisseurs du Maroc depuis le déclenchement du conflit avec l’Ukraine, le 24 février 2022, effectue son retour en expédiant 217.043 tonnes entre septembre et décembre, soit près de 9% du volume total au cours de ce semestre. Mieux, Moscou réalise des performances remarquables entre octobre et novembre pour atteindre 80.897 tonnes, avant de monter à 81.346 tonnes en décembre, soit 25% du volume total des achats du Maroc durant ce mois.
Source: FNCL
Cette montée en flèche a sans doute été favorisée par une nouvelle modification du système de restitution instaurée début août 2023 par l’ONICL, qui aligne la restitution forfaitaire du blé russe, auparavant bien plus basse, sur les autres origines. Objectif: inciter les négociants marocains à s’approvisionner depuis la Russie.
Les récentes discussions entamées avec les opérateurs russes ont également facilité ces achats. «Nous avons maintenu des échanges permanents avec les opérateurs russes pour faciliter les transactions avec les négociants marocains. Certes, rien n’est encore gagné, puisque les tracasseries persistent, notamment les difficultés liées à l’assurance des navires et les vérifications supplémentaires des banques sur l’identité des exportateurs russes, mais nous restons optimistes et poursuivons les discussions», soulignait M. Yacoubi.
Progression des importations en provenance d’Europe de l’Est
La Russie se place ainsi comme le quatrième fournisseur du Maroc au deuxième semestre 2023, derrière la France (1.259.959 tonnes), l’Allemagne (401.710 tonnes) et la Roumanie (219.652 tonnes), et devant la Lituanie (173.401 tonnes) et la Pologne (128.354 tonnes).
En analysant ces données, on constate une nette progression des importations marocaines en provenance des pays d’Europe de l’Est entre juillet et décembre 2023, qui représentaient 32% du volume total acheminé dans le Royaume durant cette période, contre 17,7% lors du premier semestre. «La parité euro-dollar au détriment de la zone euro, durant cette période, a renforcé la concurrence des pays d’Europe de l’Est», confie une source auprès de la FNCL.
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Avec 2.729.280 tonnes réceptionnées (soit 57% des volumes), le port de Casablanca a été le premier lieu de débarquement du blé tendre l’année dernière, suivi des ports de Jorf Lasfar (918.856 tonnes), d’Agadir (586.401 tonnes), de Nador (250.545 tonnes), de Safi (240.182 tonnes) et de Tanger Med (33.000 tonnes).
Plus de 12 milliards de dirhams de primes à fin 2023
Afin d’encourager les importations de l’«or brun», combler le déficit de production causée par la sécheresse et sécuriser son stock de céréales, le Maroc a mis en place plusieurs mesures incitatives. Outre les modifications du système de restitution, pour doper les importations depuis la mer Noire, l’ONICL a instauré trois autres primes forfaitaires.
Une première prime a été annoncée le 23 juin, pour l’importation de 2,5 millions de tonnes blé tendre, notamment depuis la Russie, l’Ukraine et la France, entre le 1er juillet et le 30 septembre 2023. Une seconde, annoncée le 13 septembre, concernait l’achat de 2 millions de tonnes entre le 1er octobre et le 31 décembre. Enfin, la dernière en date, lancée 21 novembre, était relative à l’importation de 2,5 millions de tonnes entre le 1er janvier et le 30 avril 2024.
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Octroyée par l’État, la prime forfaitaire correspond à la différence entre le prix de revient à la sortie du port et le prix d’importation de référence de 270 dirhams par quintal. Elle était fixée à 28,75 dirhams par quintal du 1er au 31 décembre 2023, et à 32,02 dirhams par quintal du 1er au 31 janvier 2024. Selon nos informations, les dépenses budgétaires correspondant à ces primes ont atteint 12,5 milliards de dirhams entre 2020 et fin 2023. Et sur ce montant, l’État doit encore un reliquat de plus d’un milliard dirhams aux négociants, soit le montant de la restitution de la période allant des mois d’avril à décembre 2023.