Programmes pour les TPE: président de la Confédération des TPE-PME, Abdellah El Fergui explique les raisons d’un bilan décevant

Le siège de Bank Al-Maghrib, à Rabat.

Un nouveau programme destiné aux très petites entreprises est en cours de finalisation par Bank Al-Maghrib et les banques. À cet effet, Le360 a interrogé Abdellah El Fergui, président de la Confédération des TPE-PME, sur les prérequis de la réussite d’un tel dispositif et les facteurs qui expliquent les résultats mitigés des programmes similaires lancés précédemment. Retour sur son analyse.

Le 01/04/2025 à 15h25

Bank Al-Maghrib (BAM) met en place un nouveau programme de soutien au financement bancaire des très petites entreprises (TPE), avec en particulier un refinancement des banques participantes à un taux préférentiel égal au taux directeur minoré de 25 points de base (pb).

Ce dispositif ainsi que l’engagement exprimé par le secteur bancaire devraient améliorer l’accès au financement de cette catégorie d’entreprises et renforcer sa contribution à la création d’emplois, selon BAM. La Banque centrale et les banques planchent actuellement sur la finalisation de ce programme.

Parallèlement, ces parties prenantes discuteront également du programme Intelaka en vue de le réviser. De plus, une réunion tripartite réunissant BAM, les banques et la Confédération générale des entreprises du Maroc (CGEM) est prévue afin de débattre notamment des problématiques auxquelles font face les TPE.

Interrogé à ce sujet par Le360, Abdellah El Fergui, président de la Confédération des TPE-PME, déplore que celle-ci ait été écartée de l’élaboration du nouveau programme et de la révision d’Intelaka.

«Malheureusement, depuis toujours, pour l’élaboration des programmes destinés aux TPE ou aux PME, tels les Jeunes promoteurs, Moukawalati, Intelaka, Forsa, on tient à l’écart les représentants de ces structures, en s’adressant uniquement à la CGEM. La même démarche est adoptée pour l’élaboration de programmes de portée générale, tels que la charte de l’investissement, la feuille de route pour l’emploi», regrette-t-il.

«Les initiateurs de ces programmes se concertent avec le patronat et prennent en compte ses recommandations, y compris pour la classification des entreprises qui vont bénéficier», explique-t-il.

TPE: un problème de définition

Parmi les griefs formulés par Abdellah El Fergui à l’encontre des meneurs de ces programmes est la définition qu’ils retiennent des TPE. En fait, rappelle-t-il, pour l’observatoire marocain de la TPME (OTPME), les TPE sont des entreprises ayant un chiffre d’affaires (CA) annuel compris entre 3 millions de dirhams (MDH) et 10 MDH, alors que celles dont le CA annuel n’excède pas 3 MDH sont classées comme étant des microentreprises.

Ce qui contredit la définition qui a été adoptée dans un cadre consensuel et qui considère que les TPE sont des unités ayant un CA annuel de moins de 3 MDH, fait savoir le président de la Confédération des TPE-PME, notant que cette définition est celle retenue par le ministère de l’Industrie et du Commerce. Par conséquent, une bonne partie du tissu économique, constitué des TPE, est exclue de l’accès au financement et aux autres avantages qu’offrent ces programmes, martèle-t-il.

Ainsi, illustre-t-il, le dispositif dédié aux très petites, petites et moyennes entreprises (TPME) par la Charte de l’investissement, qui est en cours de finalisation, est destiné aux entreprises dont le CA est compris entre 1 et 200 MDH. «C’est une aberration totale», lance-t-il, estimant que la barre a été placée très haut, mettant ce dispositif hors d’atteinte des TPE. D’ailleurs, relève-t-il, la définition retenue par l’OTPME fausse la réalité au niveau statistique, puisqu’il en ressort que 46% des TPE ont accès au financement bancaire.

La non-implication des représentants des catégories d’entreprises concernées par ces programmes a eu également des répercussions négatives sur leur mise en œuvre, selon notre interlocuteur.

Globalement, Abdellah El Fergui attribue l’échec ou le niveau faible d’atteinte d’objectifs de ces programmes à plusieurs facteurs. Il s’agit notamment, note-t-il, de l’absence d’accompagnement des porteurs de projets, le manque d’esprit d’entreprise chez les jeunes qui ont aussi une perception erronée de ces programmes.

En effet, explique-t-il, pour eux, le financement proposé par ces programmes est de l’argent de l’État dont ils ont le droit de profiter. Ils ne font pas la différence, précise-t-il, entre le financement bancaire des projets qui doivent être viables, tel qu’octroyé par Intelaka, et le soutien des projets générateurs de revenus qu’assure par exemple l’Initiative nationale pour le développement humain (INDH).

Des programmes détournés de leur finalité

De ce fait, certains n’hésitent pas à recourir à divers moyens pour profiter indument de cet argent qu’ils détournent de sa finalité, relève-t-il. Il s’agit notamment, illustre-t-il, de copier-coller des études de faisabilité des projets qu’ils achètent auprès de personnes qui en font un business juteux avec des prix fixes selon l’activité concernée. Ces programmes sont également détournés à des fins commerciales ou politiques par certaines associations sous couvert de leur promotion auprès de leurs cibles, ajoute-t-il.

Le président de la Confédération des TPE-PME pointe aussi le système bancaire qui, selon lui, a gardé les mêmes démarches qui ne prennent pas en compte l’évolution qu’a connue le domaine de l’entreprenariat, notamment dans le déblocage du crédit. Ainsi, note-t-il, des projets de nouvelles technologies ne nécessitent pas un local pour commencer l’activité.

En outre, il déplore l’absence d’évaluation de ces programmes, notant qu’Intelaka constitue la seule exception à cet effet. Ce dernier a, en effet, fait l’objet d’une évaluation réalisée par la Cour des comptes, mais dont les résultats ne sont pas encore rendus publics à ce jour, déplore-t-il.

Par Lahcen Oudoud
Le 01/04/2025 à 15h25

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