Palmier dattier: les palmeraies traditionnelles durement affectées par la sécheresse, les zones d’extension résilientes

Le palmier dattier. (Photo d'illustration)

La mise en œuvre du contrat-programme pour le développement de la filière du palmier dattier est fortement impactée par la sécheresse qui sévit au Maroc depuis sept ans. Toutefois, la zone d’extension, reposant sur des exploitations modernes et bien équipées, fait preuve de résilience, atténuant les contre-performances des palmeraies traditionnelles durement touchées par la rareté des précipitations.

Le 23/02/2025 à 17h19

Le secteur du palmier dattier est mis à rude épreuve par le sévère cycle de sécheresse que connaît le Maroc depuis sept ans. En effet, la mise en œuvre du contrat-programme conclu entre l’État et les professionnels, visant à assurer l’autosuffisance du pays en palmier dattier d’ici 2030, est fortement perturbée par la rareté des précipitations, notamment en ce qui concerne la réhabilitation des palmeraies traditionnelles, selon les professionnels interrogés par Le360.

À rappeler que parmi les objectifs de ce contrat-programme figurent principalement la plantation de cinq millions de plants, dont trois millions au sein de la palmeraie traditionnelle, l’extension de la superficie en dehors de celle-ci de 14.000 hectares pour atteindre un total de 21.000 hectares grâce à la plantation de deux millions de vitroplants, ainsi que l’amélioration de la production afin d’atteindre 300.000 tonnes par an.

«On ne peut pas réaliser le programme de la manière prévue vu cette persistance de la sécheresse», affirme Mohamed Rachid Hamidi, vice-président de l’interprofession Maroc Dattes et président de l’Association des investisseurs du palmier dattier.

En effet, cette sécheresse a entraîné un excès de pompage, asséchant ainsi les khettaras, un système traditionnel de drainage des eaux souterraines de la nappe phréatique destiné à l’irrigation, a indiqué Ahmed Garjou, président d’un groupement d’intérêt économique (GIE) réunissant des coopératives de dattes à Boudnib.

Ce qui a nécessité l’intervention de l’État pour imposer une gestion rationnelle des ressources hydriques, devenues de plus en plus rares. Ainsi, rappelle Mohamed Rachid Hamidi, un contrat de gestion participative de la nappe phréatique sur l’axe Meski-Boudnib a été signé entre l’État et les professionnels en octobre 2022 à Errachidia.

Cette convention vise à rationaliser l’utilisation de l’eau en encadrant l’extension des superficies dédiées aux plantations de palmier dattier dans cette zone, afin de préserver les ressources en eaux souterraines du bassin versant du Guir-Ziz-Rhéris et d’assurer la pérennité des investissements agricoles qui en dépendent. Actuellement, l’octroi des autorisations de pompage par l’Agence de ce bassin hydraulique est pratiquement à l’arrêt, selon Mohamed Rachid Hamidi.

Le cas de Drâa-Tafilalet

Le palmier dattier dépend également de l’eau des barrages, dont le niveau des réserves est fortement impacté par le manque de précipitations observé ces dernières années. Actuellement, le taux de remplissage des deux barrages de ce bassin a connu une amélioration, atteignant 32,67% pour Kaddoussa et 62,94% pour Hassan Eddakhil (au 21 février 2025).

Le cas de la région de Drâa-Tafilalet, principale zone phoénicicole contribuant à plus de 90% de la production nationale de dattes, illustre avec éloquence l’intensité de l’impact de la sécheresse.

«La région de Drâa-Tafilalet est confrontée, ces dernières années, à des sécheresses dont l’incidence, la gravité et la durée ne cessent de s’amplifier. Cela a considérablement affecté le secteur phoénicicole dans la zone», indique l’Office régional de mise en valeur agricole du Tafilalet (ORMVA/TF) en réponse à nos questions.

L’Office cite trois effets manifestes de cette sécheresse. Premièrement, il indique que le programme de densification des palmeraies traditionnelles n’a pas atteint l’objectif souhaité en raison de la pénurie d’eau «aiguë» constatée dans certaines oasis. En effet, le nombre de vitroplants distribués pour la réhabilitation des palmeraies traditionnelles dans la région de Drâa-Tafilalet s’élève à 571.150 plants, soit un taux de réalisation d’à peine 22% de l’objectif prévu à l’horizon 2030, fixé à 2.600.000 plants, en raison de la succession des années de sécheresse.

L’Office note que le profil variétal rétrocédé aux petits agriculteurs de ces palmeraies reste dominé par des variétés à haute valeur ajoutée, telles que Mejhoul (40%), Bouffegouss (43%), Bouskri (7%), Najda (5%), Bouffegouss Gharass (3%) et Male (2%).

L’effet compensateur des zones d’extension

Le deuxième effet observé est la baisse de la production de dattes. Selon l’ORMVA/TF, en 2024, cette production a reculé de 24% par rapport à une année normale.

Le troisième effet est l’impact financier sur les agriculteurs oasiens, dont la trésorerie a été fortement affectée par cette sécheresse, leur revenu reposant principalement sur la vente des dattes.

L’Office souligne toutefois que cette baisse de la récolte aurait pu être plus marquée sans l’effet compensateur des zones d’extension, dont l’entrée en production a permis d’atténuer le faible rendement des palmeraies traditionnelles.

En effet, les zones d’extension sont nettement moins touchées par la sécheresse. Selon le président de l’Association des investisseurs du palmier dattier, le volet du contrat-programme relatif à l’extension de la superficie en dehors de la palmeraie traditionnelle affiche un taux de réalisation avoisinant 70%, avec 12.000 hectares plantés, soit 1.476.000 plants.

De ce fait, les zones d’extension représenteraient actuellement environ 30% de la production nationale, selon Mohamed Rachid Hamidi, qui estime que cette part devrait bientôt atteindre 40%. Toutefois, l’objectif de l’autosuffisance demeure encore lointain, les importations couvrant actuellement 50 à 60% de la consommation nationale de dattes, selon ce professionnel.

Dans la région de Drâa-Tafilalet, le nombre de palmiers dattiers dans la zone d’extension a atteint environ 1.194.531 pieds plantés sur une superficie de 10.515 hectares, dont la totalité est concentrée sur l’axe Meski-Boudnib.

«Cet axe abrite des exploitations agricoles modernes, entièrement équipées de systèmes d’irrigation localisée et gérées avec les technologies les plus avancées du secteur agricole», souligne l’ORMVA/TF.

L’évolution de la superficie et des effectifs du palmier dattier dans la zone d’extension de l’axe Meski-Boudnib (Source: ORMVA/TF):

AnnéeSuperficieVitro plants
2010-201117220.092
20127812.210
201327645.300
201430340.605
201521532.316
201623931.970
2017927132.091
2018761107.685
20192938149.300
20201297163.765
2021986127.102
20221162144.856
2023686128.227
202447559.012
Total10 .5151 .194. 531

En ce qui concerne la superficie productive de la zone d’extension relevant de la direction régionale de Drâa-Tafilalet, elle s’étend sur environ 3.000 hectares, soit seulement 29% de la superficie totale d’extension, indique l’Office. Toutefois, cette superficie devrait connaître une augmentation significative dans les années à venir avec l’entrée en production des nouvelles plantations.

Quant à la production enregistrée en 2024 dans la zone d’extension, elle est estimée à 18.000 tonnes, représentant 40% de la production dattière de la province d’Errachidia. Cette production est dominée par des variétés à haute valeur ajoutée, notamment Mejhoul et Bouffegouss, précise l’ORMVA/TF.

Par ailleurs, l’Office note que cette année, le prix de vente de la variété Mejhoul a enregistré une baisse par rapport aux années précédentes, en raison d’une production relativement importante de cette variété, en particulier dans les zones d’extension.

1,2 milliard de dirhams d’investissements à Drâa-Tafilalet entre 2020 et 2024

«Ces zones d’extension ont un impact très positif sur la stabilisation de la production dattière, malgré la succession des années de sécheresse», conclut l’Office.

En ce qui concerne l’investissement global engagé dans le secteur phoénicicole au niveau de la région de Drâa-Tafilalet entre 2020 et 2024, il s’élève à environ 1,2 milliard de dirhams, avec un investissement moyen annuel de 317 millions de dirhams, précise l’ORMVA/TF.

L’Office ajoute que les investisseurs étrangers sont au nombre de sept, représentant environ 8% du total des investisseurs implantés dans la région, principalement dans l’axe Meski-Boudnib.

Par Lahcen Oudoud
Le 23/02/2025 à 17h19

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