Mostapha Bousmina, président de l’UEMF: comment le Maroc devient la 1ère puissance africaine de l’IA

Mostapha Bousmina, président de l'Université Euromed de Fès. En arrière plan, une des plateformes intelligence artificielle de l'UEMF. (Y. El Harrak / Le360).

EntretienBalayant d’un revers de la main les prétentions, là encore mensongères, du régime d’Alger, voulant que le voisin ait mis en place en 2022 «la seule école dans le monde sur l’intelligence artificielle», le brillant et dynamique président de l’Université Euromed de Fès, Mostapha Bousmina, revient dans le détail sur les projets innovants et à la pointe de la technologie que mène «son» École d’ingénierie digitale et d’intelligence artificielle (EIDIA), la première du genre en Afrique. En prime, 700 étudiants y suivent leur formation d’ingénieur, et la sortie d’une première promotion est attendue dès ce mois de juin 2024. À l’arrivée, des compétences académiques et pratiques parmi les meilleures dans le monde, en partenariat avec de prestigieux bailleurs, comme la Banque européenne d’investissement (BEI). Entretien.

Le 30/05/2024 à 11h33

Sa discrétion n’a d’égal que sa grande efficacité. Et quand Mostapha Bousmina, président de l’Université Euromed de Fès (UEMF), prend la parole, c’est essentiellement pour annoncer des partenariats avec les plus prestigieuses universités et les plus renommés parmi les centres de recherche dans le monde, ou encore avec d’illustres organismes de financement. Placée sous la présidence d’honneur du roi Mohammed VI, l’UEMF est la première université à but non lucratif avec le statut d’utilité publique au Maroc. Labélisée par l’Union pour la Méditerranée (UpM) avec l’appui de ses 43 pays membres, elle compte 11 facultés et instituts spécialisés et des étudiants et universitaires de 47 nationalités. Première au Maroc en termes de publications indexées par professeur et de contrats de recherche avec l’industrie, l’UEMF est également la première plateforme numérique universitaire en Afrique et la première usine 4.0 sur campus du continent. Son flagship en la matière, c’est son École d’ingénierie digitale et d’intelligence artificielle (EIDIA), qui s’apprête à livrer ses premiers lauréats dès ce mois de juin. Une force tranquille est à l’œuvre. Le point.

Le360: Le ministre algérien de l’Enseignement supérieur avait annoncé que, suite aux instructions du président Tebboune, l’Algérie avait mis en place en 2022 la seule école dans le monde spécialisée dans l’intelligence artificielle, alors qu’on sait que l’université que vous présidez était pionnière à ce niveau, en ouvrant dès 2019 la première école d’ingénieurs sur le continent complètement dédiée à l’IA. Pouvez-vous nous en dire plus sur cette école?

Mostapha Bousmina: La volonté d’ouvrir une École d’ingénieurs sur cinq ans complètement dédiée à l’Ingénierie digitale et à l’Intelligence artificielle (EIDIA) était inscrite dans notre plan de développement stratégique plusieurs années avant son ouverture officielle en 2019 et avant le dépôt de la demande d’accréditation en 2018 auprès de notre ministère de tutelle. À l’époque, elle était la seule école d’ingénieurs de ce type dans l’espace euro-africain. Elle a démarré aussi bien en formation qu’en recherche-innovation avec un centre de recherche de très haut niveau et avec des enseignants-chercheurs de haut calibre et des dizaines de doctorants issus du Maroc et de plusieurs pays subsahariens.

Combien d’étudiants suivent actuellement leurs études dans l’École d’Ingénierie digitale et d’Intelligence artificielle (EIDIA) et quand est-ce que vous aurez les premiers lauréats?

Ils sont actuellement environ de 700 étudiants qui suivent leur formation d’ingénieur en plus des étudiants de doctorat, et ce chiffre dépassera 1000 étudiants. Les premiers ingénieurs en IA seront diplômés ce mois de juin 2024.

Avec quelles autres entités au sein de l’Université Euromed de Fès votre école d’intelligence artificielle interagit-elle?

Effectivement, dès le début, notre vision n’était pas de créer une école sur l’intelligence artificielle hors sol et déconnectée des autres disciplines. Au contraire, notre école a été conçue de manière holistique en l’intégrant dans un environnement protéiforme alliant formation et recherche-innovation et elle repose sur plusieurs autres structures de l’Université.

Il s’agit de six autres composantes: Fes-Smart Factory, l’Agritech, la plateforme d’impression 3D, le laboratoire des capteurs et le pôle santé incluant l’école de biotechnologie et biomédical, la faculté de médecine, la faculté de médecine dentaire, la faculté de pharmacie et la faculté des sciences infirmières ainsi que le génie électrique de l’Euromed Polytechnic School qui regroupe d’autres formations en génie comme le génie mécanique, le génie civil, le génie de l’eau et de l’environnement, les énergies renouvelables ou encore la logistique.

Pouvez-vous expliquer un peu plus l’interaction avec chacune des composantes que vous venez de citer?

La Fes-Smart-Factory (FSF) est le premier environnement en Afrique basé sur le concept de l’industrie 4.0 et dont la première phase a nécessité environ 130 millions de dirhams d’investissement et qui a été financée grâce à une subvention du Millénium Challenge Corporation des États-Unis, de la région Fès-Meknès, du ministère de l’Industrie, de la CGEM Fès-Meknès, de la compagnie Alten et de l’Université Euromed de Fès. La deuxième phase, d’un montant de 120 millions de dirhams, est financée par le programme Med4Jobs grâce à un fonds allemand, l’ADD (Agence du développement du digital), le ministère de l’Industrie, la région Fès-Meknès et l’ONUDI (Organisation des Nations unies pour le développement industriel).

En plus des installations d’ingénierie et de valorisation (incubateur), FSF comprend une usine modèle 4.0 pour concevoir et développer des dispositifs, des prototypes et des algorithmes en utilisant l’intelligence artificielle, l’IoT (l’Internet des objets), les blockchains, les big data et les data analytics, l’impression 3D, les capteurs, la robotique et la cobotique, qui est l’interaction homme-machine.

Quels sont les domaines concrets ciblés par l’École d’ingénierie digitale et d’intelligence artificielle (EIDIA)?

L’Agritech de l’université a été financée par des subventions l’AFD (la Banque française de développement) et de la BEI (la Banque européenne d’investissement). L’objectif est de développer une agriculture moins hydrovore et des semences et des espèces résilientes au changement climatique en utilisant différents types de capteurs et de l’IA, tout en développant des petits drones par impression 3D adaptés au secteur agricole.

L’École d’Ingénierie digitale et d’intelligence artificielle (EIDIA) s’implique également dans le pôle santé avec ses différentes composantes aussi bien pour les méthodes de diagnostic que pour les dispositifs, et implants et aussi les techniques de traitement.

Ainsi les étudiants de l’EIDIA s’impliquent dans le développement de plusieurs applications sur le site de l’université, dans un environnement hautement technologique où ils conçoivent des algorithmes, fabriquent et programment des robots, développent des solutions dans le domaine de la santé, de l’agriculture, de l’industrie, de la sécurité et dans le secteur de l’énergie, de l’environnement, du web et des applications mobiles.

Après un cycle préparatoire de deux années, les étudiants peuvent se spécialiser dans l’intelligence artificielle générative, la robotique et la cobotique, la cybersécurité, les big data et data analytics ou encore dans les applications web et mobile.

L’UEMF a aussi des partenariats sur l’IA à l’échelle internationale et notamment avec les grandes firmes spécialisées dans la cybersécurité et les big data.

En quelle langue se font les études à l’EIDIA?

Les études se font en français et en anglais. Il y’a aussi des cours de renforcement de langues pour que les étudiants puissent suivre les cours de spécialité en anglais. Pour ceux qui maîtrisent le français et l’anglais, ils peuvent choisir une troisième langue comme l’espagnol, l’italien ou l’allemand.

Est-ce qu’il y a d’autres formations concernant les soft skills?

Ce qu’on appelle les soft skills, les power skills, les professional skills et les citizenry-based skills font partie de la formation de l’ensemble des étudiants de l’Université Euromed de Fès et ce depuis la création de l’université. Nous avons également l’approche par compétences et par projet. Tous ces éléments ont été intégrés depuis le démarrage de l’université. Il y a aussi moult activités culturelles, sportives et de création.

Par Tarik Qattab
Le 30/05/2024 à 11h33