Marchés publics: les PME gagnent du terrain, mais les défis persistent

Deux ans après l'entrée en vigueur du décret visant à réserver au moins 30% des marchés publics aux petites et moyennes entreprises (PME), très petites entreprises (TPE), coopératives et auto-entrepreneurs, le bilan, fait état d’un taux de 35% atteint en 2023.

Revue de presseDeux ans après l’entrée en vigueur du décret visant à réserver une part significative de la commande publique aux PME, les autorités se félicitent des premiers résultats. Mais entre ambitions affichées et réalité du terrain, de nombreux obstacles freinent encore une pleine inclusion des petites structures dans les marchés publics. Cet article est une revue de presse tirée de Finances News.

Le 29/06/2025 à 19h52

Entré en vigueur le 1er septembre 2023, le décret n° 2-22-431 sur les marchés publics visait un objectif ambitieux: réserver au moins 30% des marchés publics aux petites et moyennes entreprises (PME), très petites entreprises (TPE), coopératives et auto-entrepreneurs. «Deux ans plus tard, le bilan présenté par Fouzi Lekjaa, ministre délégué chargé du Budget, fait état d’un taux de 35% atteint en 2023, traduisant une avancée concrète dans l’inclusion du tissu entrepreneurial national», relève le magazine Finances News Hebdo.

Cette réforme s’inscrit dans une volonté de transparence, de concurrence loyale et de soutien à l’économie locale. Elle impose notamment aux donneurs d’ordre publics de publier annuellement un plan de passation des marchés et de rendre compte des montants réellement alloués aux PME.

Pour Khalid Kabbadj, expert en ingénierie patrimoniale, cette dynamique répond à une double urgence: «économique, en redynamisant les 97% d’entreprises constituées de PME au Maroc, et sociale, en brisant la logique élitiste qui favorisait les grandes structures bien connectées».

Les chiffres fournis par la Trésorerie générale du Royaume témoignent d’un certain engouement: entre janvier et août 2024, plus de 27.000 consultations ont été lancées, représentant quelque 131 milliards de dirhams. Le nombre de soumissions électroniques a doublé, tout comme le volume des entreprises inscrites.

Ces indicateurs laissent entrevoir un regain d’intérêt des PME, sans doute stimulées par un cadre plus inclusif. Pourtant, ces avancées ne suffisent pas à lever toutes les contraintes. La complexité administrative, la technicité des dossiers et le besoin fréquent de recourir à des cabinets spécialisés freinent encore de nombreuses petites structures.

Malgré les efforts d’allègement des procédures, de nombreuses PME peinent toujours à répondre aux appels d’offres. L’absence de mécanismes de contrôle et de sanctions en cas de non-respect des quotas remet en question l’efficacité de la réforme.

Kabbadj met en garde: «ce décret est porteur d’une volonté claire, mais sans un accompagnement structuré, il risque de rester symbolique». Il souligne notamment le manque de rigueur dans l’application du quota de 30% et l’existence de pratiques de contournement.

Les retards de paiement, en particulier au niveau des collectivités territoriales, demeurent un point noir, écrit Finances News. Ils affectent la trésorerie des PME et amoindrissent l’impact positif de leur accès à la commande publique. La concurrence avec les grandes entreprises reste également déséquilibrée, malgré les mécanismes censés atténuer les exigences financières.

«Pour lever ces freins, plusieurs pistes sont évoquées: mise en place de guichets uniques d’accompagnement, création de formulaires simplifiés, renforcement du suivi des délais de paiement avec pénalités automatiques en cas de retard injustifié», note Finances News.

Dans cette perspective, la création annoncée de l’Observatoire marocain de la commande publique devra jouer un rôle déterminant. L’objectif: publier régulièrement des indicateurs fiables sur la participation des TPME, les délais moyens de règlement, ou encore les dérogations accordées, afin d’ajuster les politiques en temps réel.

Lors de l’événement Les Nuits de la Finance en novembre 2024, Noureddine Bensouda, Trésorier général du Royaume, avait reconnu que la réforme se heurtait à des résistances, notamment culturelles. Il avait aussi souligné les limites d’un décret, outil juridique plus souple qu’une loi, qui ouvre la porte à des demandes de dérogation risquant de vider la réforme de sa substance.

«Si chaque secteur réclame une exception, nous perdrons l’essence même de cette réforme», avait-il alerté. Et de conclure, avec prudence: «Les principes font consensus, mais leur application exigera du temps… et beaucoup d’écoute».

Par Walid Ayadi
Le 29/06/2025 à 19h52