Le Conseil de la concurrence a infligé, hier jeudi 23 novembre, une amende au montant total de plus de 1,84 milliards de dirhams aux compagnies pétrolières, reconnues coupables d’entente sur les prix des carburants. Cette sanction met fin à une enquête qui cristallise la polémique depuis plusieurs années, au point de devenir un sujet de dispute politique entre la majorité et l’opposition.
On remarquera à la lecture du communiqué du Conseil de la concurrence que ce dernier ne précise pas le nombre ni l’identité des entreprises ainsi sanctionnées. «Neuf compagnies opérant au Maroc sont concernées, ainsi que leur organisation professionnelle, le Groupement des pétroliers du Maroc (GPM). La liste comprend Afriquia SDMC, TotalEnergies Maroc, Vivo Energy Maroc (Shell), Winxo, Ola Energy Maroc, Petrom, Petromin Oils, Ziz, Somap. Elles ont toutes signé un accord transactionnel avec le Conseil de la Concurrence, et chacune va devoir payer sa quote-part», nous confie une source au sein de l’autorité de la concurrence.
L’on peut aussi noter que l’institution présidée par Ahmed Rahhou n’a pas dévoilé la répartition du montant global de l’amende entre les neuf sociétés ciblées par l’enquête (en plus du GPM). «Le Conseil de la concurrence a préféré rester sur une appréciation sectorielle globale, laissant la liberté aux sociétés de communiquer comme elles l’entendent. La répartition du montant à payer n’a pas de réelle importance», estime la même source. On n’en saura pas davantage sur le ou les critères retenus dans la détermination du montant individuel de l’amende, «fixé à l’issue d’une négociation avec les sociétés concernées», se contente-t-on de préciser du côté du Conseil.
Rappelons que, le jeudi 23 juillet 2020, dans une première note adressée à ce sujet au Roi par l’ex-président du Conseil de la Concurrence, Driss Guerraoui, le montant de la sanction avait été fixé à hauteur de 9% du chiffre d’affaires annuel réalisé au Maroc pour les trois grands distributeurs (Afriquia SDMC, TotalEnergies et Vivo Energy/Shell), et à un pourcentage inférieur pour les autres sociétés.
Le Roi avait reçu également, le mardi 28 juillet 2020, une deuxième note du même président, évoquant un montant équivalent à 8% du chiffre d’affaires annuel, cette fois-ci sans distinction entre les sociétés.
En plus du paiement de l’amende, l’accord conclu avec l’autorité de la concurrence oblige les pétroliers à mettre en place un programme de conformité au droit de la concurrence, tout en respectant un certain nombre d’engagements, dont le suivi sera assuré par les services du Conseil de la concurrence. À titre d’exemple, chaque compagnie sera tenue de lui soumettre un reporting trimestriel, qui va s’étaler sur une période de trois ans, permettant le suivi de l’activité d’approvisionnement, de stockage et de distribution du gazole et de l’essence sur le marché national.
«Oublions le passé, regardons vers l’avenir»
Interrogé sur les raisons ayant motivé la limitation de ces engagements dans le temps (trois ans), notre interlocuteur au sein du Conseil de la concurrence explique qu’«il n’existe pas d’engagements à l’infini en matière de droit», ajoutant que le marché a vocation à fonctionner sans supervision. Le rôle du Conseil, poursuit-il, consiste à «créer les conditions de suivi, le temps que les opérateurs s’habituent aux nouvelles pratiques, avant de retrouver une situation normale dans laquelle le secteur doit tourner de lui-même. Le Conseil n’aura alors plus besoin d’intervenir ou d’effectuer un suivi».
Au-delà de son caractère dissuasif -le montant de l’amende est jugé plus que significatif par bon nombre d’observateurs-, la sanction pécuniaire de l’autorité de la concurrence, couplée aux engagements pris par les pétroliers, augure l’amorce d’une nouvelle phase pour le secteur, basée sur la transparence et le libre jeu de la concurrence. Il s’agit d’un nouveau schéma organisationnel dans lequel l’Autorité de la concurrence aura, elle aussi, des comptes à rendre, puisqu’elle va devoir produire des rapports d’évaluation de manière périodique. «Le plus important, c’est d’aller de l’avant et de se projeter dans l’avenir. L’objectif est de pouvoir accompagner le secteur des hydrocarbures jusqu’à ce qu’il puisse honorer le Maroc et devenir un modèle en matière de respect du droit de la concurrence», conclut notre source.