Les sociétés pétrolières tournent une page sombre de leur histoire: les dessous d’une sanction historique

En plus de son caractère dissuasif, au regard du montant de l’amende fixé à 1,84 milliard de DH, la sanction du gendarme marocain de la concurrence, prononcée hier à l’encontre des sociétés pétrolières, dénote d’une volonté réelle d’assainir les pratiques dans un secteur stratégique et hautement sensible.

Le 24/11/2023 à 11h56

Le Conseil de la concurrence a infligé, hier jeudi 23 novembre, une amende au montant total de plus de 1,84 milliards de dirhams aux compagnies pétrolières, reconnues coupables d’entente sur les prix des carburants. Cette sanction met fin à une enquête qui cristallise la polémique depuis plusieurs années, au point de devenir un sujet de dispute politique entre la majorité et l’opposition.

On remarquera à la lecture du communiqué du Conseil de la concurrence que ce dernier ne précise pas le nombre ni l’identité des entreprises ainsi sanctionnées. «Neuf compagnies opérant au Maroc sont concernées, ainsi que leur organisation professionnelle, le Groupement des pétroliers du Maroc (GPM). La liste comprend Afriquia SDMC, TotalEnergies Maroc, Vivo Energy Maroc (Shell), Winxo, Ola Energy Maroc, Petrom, Petromin Oils, Ziz, Somap. Elles ont toutes signé un accord transactionnel avec le Conseil de la Concurrence, et chacune va devoir payer sa quote-part», nous confie une source au sein de l’autorité de la concurrence.

L’on peut aussi noter que l’institution présidée par Ahmed Rahhou n’a pas dévoilé la répartition du montant global de l’amende entre les neuf sociétés ciblées par l’enquête (en plus du GPM). «Le Conseil de la concurrence a préféré rester sur une appréciation sectorielle globale, laissant la liberté aux sociétés de communiquer comme elles l’entendent. La répartition du montant à payer n’a pas de réelle importance», estime la même source. On n’en saura pas davantage sur le ou les critères retenus dans la détermination du montant individuel de l’amende, «fixé à l’issue d’une négociation avec les sociétés concernées», se contente-t-on de préciser du côté du Conseil.

Rappelons que, le jeudi 23 juillet 2020, dans une première note adressée à ce sujet au Roi par l’ex-président du Conseil de la Concurrence, Driss Guerraoui, le montant de la sanction avait été fixé à hauteur de 9% du chiffre d’affaires annuel réalisé au Maroc pour les trois grands distributeurs (Afriquia SDMC, TotalEnergies et Vivo Energy/Shell), et à un pourcentage inférieur pour les autres sociétés.

Le Roi avait reçu également, le mardi 28 juillet 2020, une deuxième note du même président, évoquant un montant équivalent à 8% du chiffre d’affaires annuel, cette fois-ci sans distinction entre les sociétés.

En plus du paiement de l’amende, l’accord conclu avec l’autorité de la concurrence oblige les pétroliers à mettre en place un programme de conformité au droit de la concurrence, tout en respectant un certain nombre d’engagements, dont le suivi sera assuré par les services du Conseil de la concurrence. À titre d’exemple, chaque compagnie sera tenue de lui soumettre un reporting trimestriel, qui va s’étaler sur une période de trois ans, permettant le suivi de l’activité d’approvisionnement, de stockage et de distribution du gazole et de l’essence sur le marché national.

«Oublions le passé, regardons vers l’avenir»

Interrogé sur les raisons ayant motivé la limitation de ces engagements dans le temps (trois ans), notre interlocuteur au sein du Conseil de la concurrence explique qu’«il n’existe pas d’engagements à l’infini en matière de droit», ajoutant que le marché a vocation à fonctionner sans supervision. Le rôle du Conseil, poursuit-il, consiste à «créer les conditions de suivi, le temps que les opérateurs s’habituent aux nouvelles pratiques, avant de retrouver une situation normale dans laquelle le secteur doit tourner de lui-même. Le Conseil n’aura alors plus besoin d’intervenir ou d’effectuer un suivi».

Au-delà de son caractère dissuasif -le montant de l’amende est jugé plus que significatif par bon nombre d’observateurs-, la sanction pécuniaire de l’autorité de la concurrence, couplée aux engagements pris par les pétroliers, augure l’amorce d’une nouvelle phase pour le secteur, basée sur la transparence et le libre jeu de la concurrence. Il s’agit d’un nouveau schéma organisationnel dans lequel l’Autorité de la concurrence aura, elle aussi, des comptes à rendre, puisqu’elle va devoir produire des rapports d’évaluation de manière périodique. «Le plus important, c’est d’aller de l’avant et de se projeter dans l’avenir. L’objectif est de pouvoir accompagner le secteur des hydrocarbures jusqu’à ce qu’il puisse honorer le Maroc et devenir un modèle en matière de respect du droit de la concurrence», conclut notre source.

Par Wadie El Mouden
Le 24/11/2023 à 11h56

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VOS RÉACTIONS

Le citoyen consommateur du carburant durant ces trois dernières années n'aura-t-il pas une part de cette amende de 1,84 milliard de DH? Ce même citoyen n'avait-il pas subi tous les disfonctionnement du secteur? Je pense que seul le citoyen qui a subi les dégâts des prix du gasoil.

Amende historique ... c'est bien mais ça va changer quoi dans notre quotidien? Le litre de gasoil est toujours à près de 14dh ...

D'abord il s'agit des 17 milliards de dh que le patron des distributeurs pétroliers devait payer, ensuite on verifiera les comptes depuis la libéralisation du secteur pétrolier et voir comment certaines sociétés cotees en bourses ont cumulé des bénéfices allant à 300 pour cent .

Honteux ! Une goutte d'eau dans le sable quand on sait qu'ils ont gagné beaucoup plus !! Merci !!

Encore une mascarade...Le comble c'est l'expression " se projeter dans l'avenir... " 3afa laho 3ama salaf " de Benkirane. Les jours se suivent et se ressemblent en fin de compte. Mais le vrais compte c'est chez Dieu le Tout Puissant.

L'amande n'est pas assez sévère en comparaison aux dégâts causés,par les compagnies pétrolières à l'économie nationale et aux millions de citoyens marocains. Et on se demande toujours qui sont les responsables du blocage depuis des années de l'ouverture de la raffinerie de la Samir, et à qui profite son arrêt, et ce crime?

C’est ahurissant et grotesque. Une sanction de pacotille par rapport à ce qu’ils ont encaissé. Et qui continue d’être le dindon de la farce?

Lorsqu'on sait qui sont à la tête de ces sociétés, il y a des inquiétudes à se faire dans notre cher pays .

Dans un film belge, j'ai retenu l'expression qui suit:"Les politiques nous pissent dessus, les journalistes disent qu'il pleut." C'est tellement évident que les variations brutales du prix carburant avait pour objectif de nuire à l'économie du royaume...J'observe que Afriquia et Ziz, sociétés appartenant au membre du gouvernement représentent 30% de la corruption deans ce secteur. Comprend qui peut Mme la ministre de l'énergie...

Wow.....

Sans doute, la sanction est «historique»! Elle est historique, parce qu’elle permet aux pétrolières de ne payer finalement que 11% du montant initialement prévu. Elle est historique, parce que ces dernières ont démontré leur efficacité à opérer en dehors des règles du marché, et ainsi rendre plus riches des actionnaires déjà hyper riches. Elle est historique? grâce à l’influence du patron de la plus grande pétrolière du pays; qui n’est autre que le chef de l’Exécutif lui-même. Elle est aussi historique, parce qu’elle ne tient pas compte des énormes marges de profit que les opérateurs du secteur continuent d’obtenir, en imposant des prix à la pompe défiant toute logique commerciale. Et ce, grâce aux importations de carburants russes fixés à $60 le baril par les sanctions occidentales!

« En plus de son caractère dissuasif, au regard du montant de l’amende fixé à 1,84 milliard de DH, la sanction du gendarme marocain de la concurrence, prononcée hier à l’encontre des sociétés pétrolières, dénote d’une volonté réelle d’assainir les pratiques dans un secteur stratégique et hautement sensible. » Cet argent devrait retourner aux consommateurs qui, pendant longtemps, ont payé des prix du carburant plus qu’exorbitants. Quant aux distributeurs et leurs pratiques devraient admettre que la justice marocaine a été clémente à leur égard. Ils ont volé de modestes gens pour qui le véhicule n’est qu’un outil de travail.

Moi, j' attends de voir si vraiment elles Payeront.

Vous rigolez j'espère... cette amende ne représente qu'une goutte d'eau par rapport à ce qui a été ponctionné au peuple... Ils doivent rigoler les patrons de ces compagnies en nous prenant pour des montants. Cette sanction n'a rien de dissuasif... ils continueront leurs pratiques et ils repaieront quand ils se seront fait choper (dans 5 ans, voire plus). Pour parler de sanctions, allez voir un peu ce qui se passe chez les GAFA en Europe, on parle à coups de milliards d'Euro juste pour abus de position dominante...

La cupidité fait des ravages et les citoyens subissent, et tous cela pour de l’enrichissement…c’est misérable !

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