Un texte qui n'a pas fini de faire parler de lui! Malgré sa publication au Bulletin officiel, les opérateurs du secteur ne comptent pas mettre un terme à leur offensive contre certaines dispositions de la loi 66-12 relative au contrôle et à la répression des infractions en matière d'urbanisme et de construction.
«Ce texte de loi est en déphasage avec la réalité du terrain en plus d’être en contradiction avec plusieurs lois en vigueur», lance d’emblée Youssef Iben Mansour, président de la Fédération nationale des promoteurs immobiliers (FNPI).
Et d’ajouter: «Il renforce le caractère coercitif des sanctions, notamment par la révision à la hausse des amendes et l'institution de sanctions privatives de liberté en cas de récidive. Il renvoie également à plusieurs autres textes non existants. L'absence de ces textes ouvre la voie à des pratiques abusives».
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Une réflexion partagée par les autres opérateurs concernés par cette législation et qui se sont réunis, le 25 novembre courant à Casablanca: la Fédération nationale du bâtiment et travaux publics (FNBTP), la Fédération marocaine du conseil et de l’industrie (FMCI), le Conseil national de l'ordre des architectes (CNOA) et l'Ordre national des ingénieurs géomètres topographes (ONIGT).
Le président de la FNPI explique que des réaménagements sont à apporter. Ils concernent les dispositions légales en lien avec le «contrôle», celles en relation avec «la commercialisation» et celles posant «des problèmes d'harmonisation avec d'autres textes en vigueur, notamment la loi sur l’urbanisme et la VEFA».
En matière de contrôle, l’article 65 de cette loi est pointé du doigt. Ce texte énonce que le contrôle se réalise par des agents de la police judiciaire ou des auxiliaires de la wilaya, de la préfecture et de l’administration. «Encore une fois, le rôle, les responsabilités et le champ d'intervention des agents seront fixés ultérieurement par un texte réglementaire. Ce vide juridique ouvre la voie à des abus de pouvoir de la part des auxiliaires de l’autorité locale», souligne à ce sujet Youssef Iben Mansour.
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Les opérateurs immobiliers s'inquiètent également des dispositions 78 et 71 alinéa 3 de cette loi. A travers ces articles, ils doivent dans un délai de 48 heures déclarer aux autorités toutes infractions. Le cas échant, ils tombent sous le coup de la complicité. «Le propriétaire est coupable malgré son ignorance des technicités et maîtrise des différents corps des métiers», s'indigne le président de la FNPI.
L'autre article considéré comme «très abusif» est la disposition 66. «Dans la mesure où il donne la possibilité au contrôleur de procéder à des visites de chantiers inopinées ou sur demande de plusieurs entités (autorité administrative, agence urbaine, auxiliaires des autorités ou toute personne ayant fait la demande…), il s'agit encore d’une voie ouverte aux abus», estime le patron des promoteurs.
Autre point soulevé. Quand un auxiliaire de l'autorité ordonne l'arrêt immédiat du chantier à la constatation des infractions, «l’investisseur n’a pas le droit de contester ni de demander recours. S'il refuse l’arrêt du chantier, l'autorité procède en plus de la fermeture immédiate du chantier à la réquisition des machines, outils et autres biens appartenant au promoteur. Un rapport est adressé immédiatement au procureur du roi», explique le même intervenant.
En matière de commercialisation, les opérateurs relèvent que les appartements ou maisons témoins, construits par les promoteurs comme produits d'appel, sont exclus du champ des autorisations.
Et, enfin, les acteurs de la construction soulignent le défaut d'harmonisation de certaines dispositions avec des lois en vigueur. Par exemple, l'article 63 en son alinéa 1 précise que «la démolition ne peut se faire qu'après obtention de l'autorisation de démolir délivrée par le président de la commune».
Le président de la FNPI ne manque pas de signaler: « Or, dans la pratique cette autorisation n’est jamais délivrée. Elle se fait systématiquement à l’obtention de l’autorisation de construire malgré la demande des promoteurs».
Mais il n’est pas rappeler que loi loi 66-12 «a pour but de lutter contre différents types d’abus en matière de construction engageant la responsabilité de toutes les parties prenantes».
Il reconnaît également qu’elle «apporte plusieurs nouveautés et entend réglementer les procédures de construction, de modification ou de démolition dans un chantier».
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D'ailleurs parmi les avancés, Youssef Iben Mansour souligne qu’elle permet de «réglementer l’auto-construction et lutter contre l’habitat non réglementaire».
Elle pose ainsi l'obligation du permis de réparation ou d'entretien auprès du président du Conseil communal dans le cas des travaux dont le permis d’habiter n’est pas exigé.
De même qu’elle offre la possibilité de demander un permis de régularisation ou de mise en conformité pour les personnes ayant procédé à des constructions illégales, après accord de l’agence urbaine et du président du conseil communal.
En matière de promotion immobilière, les opérateurs soulignent les procédures mises en place qui réglementent «l'ouverture et la fermeture des chantiers et l'obligation de tenir un cahier de chantier avec tous les renseignements permettant aux professionnels d’assurer le suivi du chantier». Des avancées à consolider par une prise en compte des remarques des professionnels.