Hausse du taux directeur: une décision «nécessaire», mais «tardive», selon l’économiste Nabil Adel

Le siège de Bank al-Maghrib à Rabat.

Le siège de Bank al-Maghrib à Rabat. . DR

Le Conseil de Bank Al-Maghrib a décidé, hier, mardi 27 septembre 2022, de relever son taux directeur de 50 points de base à 2%. Un resserrement monétaire qui intervient dans une conjoncture marquée par la flambée de l’inflation et un risque de récession sur l’économie mondiale. Voici ce qu’en pense l’économiste Nabil Adel.

Le 28/09/2022 à 18h32

Pour faire face à la montée de l’inflation, le Conseil de Bank Al-Maghrib a décidé, hier, mardi 27 septembre de relever son taux directeur à 2%, une décision «nécessaire», mais «tardive», selon l’économiste Nabil Adel. 

Si le gouverneur de Bank Al-Maghrib a expliqué que le relèvement du taux directeur permettra de juguler l’inflation, d’éviter sa généralisation et de prévenir le désancrage, cet économiste estime que «l’inflation s’est belle et bien installée, et nous sommes désormais dans le curatif plutôt que dans le préventif, qui est la marque d’une bonne politique monétaire».

«On aurait dû tenir un tel langage et prendre une telle décision quand l’inflation était à 5%. Mais avec un taux de 8% en août 2022 et une pente haussière, on est presque dans l’inflation galopante, celle à deux chiffres», soutient-t-il. 

D’autre part, Nabil Adel explique que contrairement à ce qu’a avancé Abdellatif Jouahri, le relèvement de 50 points de base n’est pas un prix léger à payer, mais une mesure déjà très forte. «L’augmentation de 75 points, comme ça a été discuté lors du conseil de BAM et heureusement évacué, aurait été catastrophique. Un prix léger à payer aurait été un accroissement progressif de 25 points de base par trimestre, sur les deux derniers trimestres», souligne l’économiste.

Alors que le wali de Bank Al-Maghrib a assuré que l’impact du resserrement de la politique monétaire sur la croissance du PIB ne devrait pas dépasser les 0,2%, Nabil Adel estime, quant à lui, que cette projection est «au mieux, pas précise». 

Il explique dans ce sens que «si le gouverneur s’est appuyé sur les mêmes modèles économétriques qui avaient prévu une inflation à 2% en 2023, pour faire cette hypothèse, il est donc permis de douter fortement de sa validité scientifique».

«Aujourd’hui personne ne peut prédire la vitesse de diffusion de cette mesure, ni son impact réel sur l’investissement et la consommation, et encore moins sur le mouvement des prix. Et pour cause, nous manquons du recul historique nécessaire. La dernière augmentation du taux directeur remonte à 14 ans et il faut voyager 36 ans dans le temps pour croiser un taux d’inflation aussi élevé», souligne-t-il. 

Et d’ajouter: «Nous sommes encore au stade de l’observation des effets d’une telle décision qui ne commencera à produire ses effets que dans quelques mois. Toute anticipation, dans ce contexte, relèverait de la spéculation».

Pour ce qui est du rôle du gouvernement dans la conjoncture actuelle, Nabil Adel indique que l'Exécutif doit désormais mener une politique budgétaire qui aille dans le même sens que la Banque centrale. En réduisant notamment le déficit budgétaire, en maîtrisant et en rationalisant les dépenses publiques et en collectant plus agressivement les impôts, sans les augmenter (pour ne pas briser la machine économique).

«Toute politique budgétaire expansive annulera systématiquement les effets des mesures monétaires que prend et prendra Bank-al-Maghrib. De même, toute revalorisation des salaires, notamment minimums, alimente juste la spirale de hausse des prix, au lieu de se traduire par une amélioration du pouvoir d’achat. Ce qui ralentit, à due concurrence, la lutte contre l’inflation. Le gouvernement doit comprendre que ses marges de manœuvre en la matière sont fortement limitées et il doit prendre les décisions qu’il faut, même si elles sont douloureuses socialement», conclut-t-il.

Par Safae Hadri
Le 28/09/2022 à 18h32