Avec son background scientifique et professionnel reconnu dans le domaine de l’énergie, Leila Benali a une maîtrise parfaite des dossiers qui sont sous sa responsabilité. Même si elle a pris ses fonctions dans une conjoncture difficile, marquée par l’arrêt des livraisons de gaz algérien et une flambée des prix des produits pétroliers, la ministre de la Transition énergétique et du Développement durable n’a surtout pas cédé à la panique. Sans tapage médiatique, le Maroc a réussi un coup de maître en inversant le gazoduc Maghreb-Europe (GME), tout en signant sa première sortie sur le marché international du Gaz naturel liquéfié (GNL), ce qui lui a permis de faire tourner rapidement les turbines des deux centrales à l’arrêt, celles de Aïn Beni Mathar et de Tahaddart, lesquelles représentent 10% de la capacité de production nationale d’électricité.
Parallèlement à ces dossiers à caractère urgent, Benali réfléchit actuellement à une nouvelle stratégie énergétique qui, dit-elle, prend ses sources de celle entamée en 2009, en s’appuyant sur trois grands piliers: les énergies renouvelables, l’efficacité énergétique et l’intégration régionale.
Dans cette orientation stratégique, le mix énergétique va sans doute évoluer en renforçant la part des énergies renouvelables (52% de la production électrique issue des énergies renouvelables à l’horizon 2030), avec une gouvernance flexible et agile. «Aujourd’hui, nous nous concentrons particulièrement sur le réseau. Nous ne pourrons pas arriver à ces résultats si nous n’injectons pas 1 à 2 milliards de dollars d’investissements par an et de manière continue d’ici à 2030. Une grosse partie de ces investissements devra aller au réseau électrique pour permettre cette pénétration des énergies renouvelables qui sont des énergies intermittentes», souligne Leila Benali.
Interrogée sur le sort des centrales fonctionnant au charbon, la ministre rappelle que le Maroc, lors de la COP26 qui s’est tenue en novembre 2021 à Glasgow, s’était engagé à ne plus construire de centrales à charbon. «Nous allons préparer une nouvelle offre et donner des dates beaucoup plus précises à la COP28 aux Émirats Arabes Unis avec une révision de la stratégie bas carbone», a-t-elle ajouté.
S’agissant du dispositif de réserve stratégique de produits pétroliers, Benali affirme que le ministère veille à l’accompagnement des projets d’investissements lancés par les opérateurs privés pour renforcer les capacités de stockage. «Pour la plupart des produits, nous avons 50 à 60 jours de capacités de stockage», rassure-t-elle.
«La souveraineté énergétique, poursuit Benali, est une question très délicate. Les crises ont démontré que lorsqu’on devient court-termistes et qu’on se concentre beaucoup sur l’axe sécurité, on oublie un peu la durabilité. C’est très important pour le gouvernement et les différentes instances du pays de garder cet équilibre entre sécurité et durabilité».
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Comment évolueront les cours du pétrole dans les semaines, les mois qui viennent? La ministre rappelle que le pétrole est la commodité qui a subi le moins de volatilité (80%), contrairement au charbon (500%) et au gaz naturel (300%). «Ce n’est ni dans l’intérêt des consommateurs, ni dans l’intérêt des producteurs d’avoir beaucoup de volatilité dans les produits pétroliers. Sauf grande surprise, nous devrions avoir un marché pétrolier relativement équilibré à court et moyen terme. Le prix du pétrole devrait rester dans cette bande allant de 70 à 80 dollars le baril», estime Leila Benali.
Lors de son passage dans l’émission Grand Format, la ministre de la Transition énergétique a détaillé ses ambitions sur le front du gaz naturel (local et importé), mettant en avant l’accord signé récemment avec la Société financière internationale (SFI) visant à asseoir une infrastructure gazière durable (unités de regazéfication, extension du réseaux de gazoducs, etc.). Nous y reviendrons.