Le premier évènement qui accueillera les nouveaux nés de la Finance islamique sera bien le SIFEP (Salon International de la Finance Participative), qui se tiendra à Casablanca du 20 au 22 octobre 2016. Evènement d’envergure internationale, qui accueillera également les expériences de finance éthique, de banque parallèle et autres Crowdfunding dans le monde.
Une date tant attendue pour célébrer l’émergence de cette nouvelle finance. Les organisateurs annoncent la tenue, le 17 mai, d’une conférence de presse pour mesure l’importance stratégique de la finance islamique et son apport au paysage financier et bancaire marocain.
Mais, que peut apporter la finance participative de plus au financement de l’économie, et en quoi les banques participatives sont-elles différentes des banques conventionnelles ?
Abderrahmane Lahlou, expert en finance participative chez ABWAB Consultants, nous donne cette réponse : «les banques participatives sont un outil moderne de financement de la production et de la consommation, non par le système de prêt à intérêt, mais par la participation à l’investissement et aux risques de contrepartie qu’elle engage, ou par l’achat-revente de biens et d’équipements. Dans ces deux catégories d’opérations, la banque réalise bien un produit net bancaire, par les bénéfices et plus values dans le premier cas, et par des marges commerciales dans le second cas».
Ces deux catégories d’opération, qui correspondent aux contrats de participation et aux contrats de transaction, sont, selon cet expert, des alternatives au prêt bancaire à intérêt, qui est clairement prohibé par la Charia.
Sur le plan macro-économique ensuite, les banques participatives s’inscrivent dans la perspective de l’investissement solidaire et responsable, qui offre une meilleure corrélation entre l’enrichissement des banques et la croissance de la valeur ajoutée économique des entreprises, poursuit M. Lahlou.
Un cadre législatif favorable
Il faut rappeler que la finance islamique à fait ses début au Maroc dès 2007, année où Bank Al-Maghrib a adressé aux établissements de crédit une circulaire les autorisant à commercialiser trois produits financiers islamiques (Mourabaha, Ijara et Moucharaka) appelés timidement "instruments financiers alternatifs". Mais l’absence d’un cadre fiscal et juridique adéquat en limitait le succès.
Malgré la tentative entreprenante du Groupe Attijariwafa Bank de créer une entité dédiée, offrant quelques produits islamiques de retail, le Business model réglementaire était voué à l’échec, et la faible évolution de l’encours le démontra rapidement.
Avec l'arrivée aux affaires du PJD, le gouvernement Benkirane s'est montré réceptif à la mise en place d'un cadre législatif favorable à l'émergence de la finance islamique dans notre pays. Un projet de loi sur les banques islamiques était mis dans le circuit, et son adoption a mis du temps.
Avec la nouvelle loi 103-12 promulguée en janvier 2015, le législateur semblait vraiment vouloir se rattraper, mais la démarche de production des circulaires d’application s’avéra longue, laborieuse et tributaire de deux organes qui doivent coordonner leurs actions : la Banque Centrale et la commission Finance Participative du Conseil des Oulémas.
Des produits alternatifs en cinq points
Au moins 5 produits sont prévus. Il s'agit notamment de la Mourabaha, un contrat par lequel une banque participative acquiert un bien meuble ou immeuble en vue de le revendre à son client, plus une marge bénéficiaire convenue d'avance.
Vient ensuite Ijara qui porte sur la location par la banque participative d'un bien meuble ou immeuble dont elle est propriétaire à son client.
La Moucharaka est un contrat de participation de la banque dans un projet en vue de réaliser un profit.
La Moudaraba est définie comme tout contrat mettant en relation une banque participative (Rab el Maal) qui fournit des fonds, et un entrepreneur (Moudarib) qui fournit son travail en vue de réaliser un projet. La responsabilité de la gestion du projet repose entièrement sur l'entrepreneur. Les bénéfices réalisés sont partagés selon une répartition convenue entre les deux parties et les pertes sont assumées exclusivement par Rab el Maal, sauf en cas de fraude commise par le Moudarib.
La finance participative comprend, par ailleurs, les «Sukuk» (genre d’obligations, à la différence que les obligations sont essentiellement des dettes alors que les Sukuks ne le sont pas). Les détenteurs de sukuk sont habilités à partager les profits générés par la vente, et partagent également les pertes, quand il y en a.
Contre la «Riba»
En matière d’assurance des biens et des personnes, il est proposé un fonds dit «Takaful» ayant pour objectif de s’octroyer une assistance mutuelle sous forme d’indemnité en cas de sinistre. Le terme Takaful provient de «kafala» qui signifie garantie.
Une forme alternative, en ce sens que l’assurance conventionnelle, bien qu’elle partage le même objectif de protection des assurés, elle comporte dans son mode opératoire des éléments prohibés en Islam comme le «Gharar» (l’incertitude) ; la «Riba» (l’intérêt) et le «Maysir» (jeux de hasard).
La finance islamique a occupé, ces quatre dernières années, les espaces de débat au Maroc, notamment dans les milieux universitaires. Sans doute pour sensibiliser à l’importance stratégique de ce type de financement et à l’intérêt d’accélérer le processus d’adoption des textes réglementaires relatifs à la mise en place des produits financiers islamiques.
La persistance des obstacles fiscaux et administratifs et le manque patent de compétences montre combien il est long le chemin qui reste à faire.