Principal bassin national de production de l’oignon (avec environ 11.600 hectares, soit 41% de la superficie totale en 2019), la région agricole de Fès-Meknès est confrontée à un dilemme de taille. D’une part, la culture de ce légume y reste profitable, malgré les turbulences du climat. D’autre part, elle est sous la menace de coûts de production croissants. Une récente étude du Laboratoire des productions végétales, animales et agro-industries, rattaché à l’Université Ibn Tofail à Kénitra, met en lumière cette réalité complexe.
Les données descriptives de cette étude, collectées auprès de 80 producteurs de la région, révèlent que la majorité des exploitations se situent dans la zone d’action de la Direction provinciale d’agriculture (DPA) de Meknès et d’El Hajeb, avec une superficie moyenne de 13,7 hectares. Les exploitants, dont l’âge moyen est de 46 ans, possèdent une expérience agricole solide, indispensable pour se préparer à un avenir incertain.
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L’un des défis majeurs de la culture de l’oignon est la question de l’irrigation. Malgré les contraintes du mode gravitaire, 36% des agriculteurs ont encore recours à cette méthode consommatrice en eau et en énergie, qui pèse logiquement sur les coûts de production.
Selon l’étude, les agriculteurs souhaiteraient passer à l’irrigation par goutte-à-goutte, mais «le manque de moyens financiers et la difficulté d’obtenir un financement ou des facilités de paiement auprès du fournisseur du matériel d’irrigation, qui leur impose d’avancer presque 50% du montant total», les poussent à y renoncer.
En outre, des producteurs ayant déjà déposé leurs dossiers de demande de subvention n’ont pu aller au bout de la démarche, estimant que «la procédure est complexe et qu’elle ne garantit pas l’obtention de la subvention, vu qu’elle celle-ci n’est débloquée qu’après la réalisation du projet».
Des écarts en matière de revenus
Les résultats de l’étude révèlent également des disparités importantes dans les revenus des exploitants selon le type d’irrigation. Ceux pratiquant l’irrigation gravitaire peinent, avec un revenu net moyen de 16.153 dirhams par hectare, contre 31.044 dirhams par hectare pour les exploitants utilisant l’irrigation par goutte-à-goutte. D’après les auteurs de l’étude, «ce résultat semble dû à l’utilisation de grandes quantités d’eau, ce qui a augmenté les coûts de pompage et a provoqué une hausse des charges de production».
L’étude note aussi que «les exploitations présentant un revenu net faible utilisent un niveau d’intrants très élevé par rapport à celui utilisé par les autres agriculteurs pratiquant la même culture (fumier, traitement phytosanitaire, main-d’œuvre occasionnelle, etc.). Suite à ce constat, l’agriculteur se trouve en fin de campagne avec des charges très élevées».
À l’inverse, les grandes exploitations profitent souvent de prix plus avantageux sur les intrants grâce à des achats en volume, auxquels s’ajoute le recrutement de profils plus qualifiés, notamment des ingénieurs. Les auteurs de l’étude plaident par conséquent en faveur d’une transition vers l’irrigation localisée, plus efficiente, et insistent sur la mise en place de formations adaptées pour les agriculteurs.
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Dans un contexte marqué par des changements climatiques rapides, s’adapter est devenu une nécessité pour garantir la rentabilité et la pérennité de la culture de l’oignon au Maroc. D’après l’étude, cela impose à certains producteurs «de prêter attention à leurs choix lorsqu’ils prennent des décisions concernant les investissements et l’allocation des fonds, d’assurer un encadrement technique et des formations aux agriculteurs sur la technique d’irrigation localisée connue plus efficiente et d’encourager la minorité des agriculteurs utilisant l’irrigation gravitaire à passer à l’irrigation localisée».
À noter que la culture d’oignon est l’une des principales cultures maraîchères au Maroc, avec une production totale variant entre 700.000 et 900.000 tonnes par an, et une superficie cultivée allant de 25.000 à 30.000 ha. Outre sa valeur marchande nationale, cette culture est une source importante de devises via son exportation.