Faut-il s’attendre à un manque de cahiers scolaires pour la rentrée des classes? Ce qu’en disent les professionnels

La rentrée scolaire arrive à grands pas et la disponibilité et les prix des cahiers font débat.

La rentrée scolaire arrive à grands pas et la disponibilité et les prix des cahiers font débat. . khalil Essalak / Le360

Le 25/08/2022 à 08h11

VidéoA moins de deux semaines de la rentrée des classes, la disponibilité des cahiers scolaires fait débat. Si les libraires accusent l’incapacité de l'industrie locale à répondre au besoin du marché depuis les restrictions des importations de Tunisie, les producteurs nationaux rassurent et confirment la présence des stocks. Les détails.

A l’approche de la rentrée scolaire 2022-2023, la disponibilité et le prix des fournitures scolaires ne cessent d'inquiéter les parents. Après les cartables, c’est au tour des cahiers d’attiser le débat, certains libraires mettant en avant le manque et la hausse des prix des cahiers cette année. 

Contacté par Le360, le vice-président de l'association des libraires indépendants du Maroc (ALIM), Hassan El Kamoun, indique que le marché des cahiers fait face à un risque de pénurie, notamment pour les produits les plus prisés pour la rentrée scolaire. «Les deux cahiers les plus demandés au Maroc sont ceux de 96 et 192 pages. On ne les retrouve plus en quantité suffisante sur le marché aujourd’hui», déplore-t-il.

Et d’ajouter: «J’ai personnellement passé une commande, il y a plus de 25 jours, pour 80.000 cahiers de 192 pages et près de 50.000 cahiers de 96 pages que je n’ai toujours pas reçus, alors qu’il reste moins de deux semaines pour la rentrée des classes».

Les cahiers tunisiens désertent le marché Selon ce libraire, cette situation est le résultat des restrictions contre l’importation des cahiers étrangers, notamment tunisiens, avec la mise en place par le ministère de l’Industrie, en 2017, des mesures anti-dumping sur les cahiers scolaires importés de Tunisie. «Les cahiers qu’on importait de la Tunisie ne sont presque plus disponibles sur le marché marocain, leur prix n’est plus compétitif depuis l’instauration des droits de sauvegarde», assure-t-il. 

«Avant la crise sanitaire, le ministère de l’Industrie a décidé de prioriser le produit national, ce qui est tout à fait louable pour le développement de l’économie, mais il fallait bien étudier la capacité de production du tissu industriel local avant de mettre en place les mesures de sauvegarde», souligne Hassan El Kamoun. 

Selon lui, l’infrastructure industrielle nationale ne suffit plus à répondre à la demande du marché marocain, d’autant plus que les industriels nationaux «n’ont pas su saisir l’opportunité offerte par la tutelle, en investissant suffisamment pour développer leur capacité de production et proposer des produits de qualité à un prix compétitif».

Flambée du prix des produits d’appelUne autre problématique inquiète les libraires, celle de la vente conditionnée, une pratique pour le moins contraire à la libre concurrence du marché. «Pour nous fournir des cahiers, les industriels locaux nous imposent d’acheter les autres fournitures telles que les cartables, les stylos, les couvertures... Ce n’est pas normal, mais nous acceptons ces conditions parce qu’on n'a pas trop le choix», regrette le vice-président de l’ALIM.

Interrogé sur les prix des cahiers disponibles sur le marché durant cette période, Hassan El Kamoun assure que le tarif des produits les plus vendus, à savoir les cahiers de 96 et 192 pages a «anormalement» augmenté contrairement aux autres cahiers, moins demandés, qui ont connu une hausse «raisonnable», au même niveau que la hausse du prix de la matière première. 

«Avant la décision de privilégier le produit national, on achetait le cahier de 96 pages, le plus demandé sur le marché, à 1,90 dirham. En juillet dernier et après la crise sanitaire, le prix a augmenté à 2,90 dirhams. Aujourd’hui, ce même cahier se vend jusqu’à 3,60 dirhams. C'est beaucoup», souligne-t-il.

Et d’ajouter: «Ce qui est encore plus incompréhensible, c’est que le prix des autres cahiers n’a pas autant augmenté. Seul le prix des produits d’appel a flambé, ce n’est donc pas la hausse du prix du papier sur le marché international qui justifie ces tarifs, mais bel bien la spéculation et le monopole des quelques industriels marocains».

Même constat pour les cahiers de 80 et 90 grammes produits à l'étranger. «Il n'y a pas de problèmes non plus avec les cahiers premium de 80 et 90 grammes qui ne sont pas produits au Maroc et que nous importons de France et du Portugal. Ils sont disponibles sur le marché et leur prix n’a augmenté que de 30% tout comme le prix de la matière première», explique Hassan El Kamoun. 

Les producteurs rassurent Du côté des producteurs, c'est un tout autre tableau qu’on dresse du marché des cahiers au Maroc. Ces derniers réfutent toute pénurie et assurent que la hausse des prix à la sortie des usines n’a pas dépassé 30% du tarif habituel.

«Après l’opération anti-dumping contre le cahier tunisien, nous avons pu produire et vendre nos cahiers sur le marché marocain dans de meilleures conditions. De nouvelles usines ont ouvert depuis et la capacité de production de l’industrie nationale a donc augmenté», souligne dans une déclaration pour Le360, Nabil Tber, PDG du groupe Imprimerie moderne.

«Il n’y a aucune pénurie. Depuis quatre ans, nous avons maintenu nos prix et même la qualité de nos produits. C’est vérifiable dans les différentes librairies du pays», rassure-t-il.

Selon cet industriel, la hausse constatée, cette année, au niveau des prix des cahiers s'explique, essentiellement, par la flambée du coût de la matière première en 2021 et la perturbation des chaînes d’approvisionnement qui a poussé les industriels marocains à s’adresser à de nouveaux fournisseurs.

«Cette année est exceptionnelle. Nous nous approvisionnons d’habitude dès le mois d’octobre pour assurer la production pour la rentrée scolaire. L’année dernière, nous avons fait face à des pénuries de papier au niveau mondial à cause de la perturbation des chaînes d’approvisionnement durant la crise sanitaire. Nous avons été obligés d’acheter notre matière première un peu partout dans le monde, plus cher que les années précédentes. Notre premier souci était d’assurer la production et d’éviter un manque de cahiers sur le marché local», explique Nabil Tber.

Et de conclure: «A cause de cette conjoncture, nous avons été obligés de payer des droits supplémentaires, mais ça nous a permis d’avoir un stock suffisant pour notre pays. Les prix de nos cahiers ont augmenté cette année entre 20 et 35% selon le type du produit. C’est le cas partout dans le monde».

Par Safae Hadri et Khalil Essalek
Le 25/08/2022 à 08h11