Le dispositif destiné aux très petites, petites et moyennes entreprises (TPME) prévu par la Charte de l’investissement a franchi une étape décisive. Le décret n°2.25.342 instaurant ce mécanisme de soutien public spécifique à cette frange du tissu économique nationale est publié au dernier Bulletin officiel daté du 3 juillet.
Ce décret fixe les conditions, modalités et critères d’accès à ce système d’appui. Il s’adresse exclusivement aux entreprises de droit marocain répondant à la définition des très petites, petites et moyennes entreprises (TPME), à savoir: un chiffre d’affaires annuel compris entre 1 et 200 millions de dirhams, une autonomie capitalistique vis-à-vis des grands groupes, et l’exclusion expresse des entreprises relevant du secteur public ou parapublic
Un triptyque de primes pour renforcer l’attractivité du dispositif
Le cœur du dispositif repose sur trois primes à l’investissement, attribuées en fonction du niveau d’engagement du porteur de projet:
- La prime à l’emploi stable, calculée en fonction du nombre de postes permanents créés. Plus le ratio d’emplois par million de dirhams investis est élevé, plus le taux de soutien augmente, pouvant atteindre jusqu’à 10% du montant investi;
- La prime territoriale, attribuée selon la localisation du projet. Les entreprises s’implantant dans des zones identifiées comme prioritaires en matière de développement peuvent bénéficier d’un appui supplémentaire, allant de 10 à 15%;
- La prime sectorielle, dédiée aux activités stratégiques reconnues comme prioritaires par l’État.
Ces trois aides sont cumulables, dans la limite globale de 30 % du montant de l’investissement éligible, constituant ainsi un levier incitatif majeur pour les porteurs de projets désireux de créer ou développer leur activité dans un cadre structuré et attractif.
Des règles du jeu claires pour un accès équitable au dispositif
L’accès à ce dispositif est conditionné par le respect de plusieurs critères: le montant de l’investissement envisagé doit être compris entre 1 et 50 millions de dirhams; un apport en fonds propres représentant au minimum 10% du coût global du projet est requis; le ratio d’emplois créés doit être supérieur ou égal à 1,5 poste permanent, exception faite du secteur du tourisme pour lequel ce seuil est ramené à 1.
Par ailleurs, le projet doit relever d’un secteur d’activité éligible, tel que défini par décision du Chef du gouvernement.
Les entreprises nouvellement créées sont également éligibles à ce dispositif, sous réserve du respect de l’ensemble des critères d’éligibilité, à l’exception de celui relatif au chiffre d’affaires. Sont considérées comme récemment créées les entreprises immatriculées depuis moins de trois ans au registre du commerce.
Un formalisme contractuel garant de la transparence et de la responsabilité
Chaque projet éligible devra faire l’objet d’une convention d’investissement entre l’entreprise et l’État, encadrant de manière précise le montant de l’investissement, le nombre d’emplois projetés, le calendrier de réalisation, les modalités de versement des primes, les sanctions en cas de manquement.
Les entreprises disposent d’un délai de trois ans à partir de la date de signature pour concrétiser leur investissement, sauf exceptions prévues contractuellement. En cas de non-respect des engagements, les aides perçues devront être restituées.
Les CRI, chevilles ouvrières du dispositif
La mise en œuvre de ce dispositif est assurée par les Centres Régionaux d’Investissement (CRI), auxquels il revient de vérifier la complétude des dossiers, de valider l’éligibilité des projets, de calculer et de verser les primes aux bénéficiaires, de préparer les conventions à soumettre aux Commissions Régionales Unifiées d’Investissement (CRUI), ainsi que d’assurer le suivi de la bonne exécution des projets, en coordination avec les autorités locales et les services compétents.
Vers une meilleure articulation avec les dynamiques régionales
Le décret autorise la combinaison de ce mécanisme national avec d’autres aides mises en place par les régions pour soutenir les entreprises locales. Cette logique d’alignement vertical entre les politiques publiques nationales et régionales vise à maximiser l’impact du soutien à l’investissement.
Par ailleurs, l’Agence nationale de promotion de la petite et moyenne entreprise (Maroc PME) est mandatée pour accompagner techniquement les CRI pour la mise en œuvre de ce dispositif de soutien aux TPME.
Une entrée en vigueur subordonnée à la publication d’arrêtés d’application
Bien que le décret ait été publié, son entrée en vigueur effective demeure conditionnée par la parution de décisions réglementaires complémentaires, attendues prochainement. Celles-ci porteront notamment sur la liste des secteurs d’activité et des zones éligibles, les pièces justificatives requises pour chaque demande, ainsi que les modèles de conventions d’investissement. Ces arrêtés seront pris par le Chef du gouvernement, sur proposition des ministres concernés.
Un levier stratégique pour un tissu économique plus résilient et productif
Ce dispositif est d’autant plus attendu que le tissu entrepreneurial marocain est majoritairement composé de très petites, petites et moyennes entreprises. Il s’inscrit dans une vision plus large, à la croisée des priorités économiques, sociales et territoriales du Royaume. Voici les principaux enjeux qui sous-tendent ce dispositif:
- Accélérer l’investissement productif des TPME: il s’agit de réduire le risque initial de l’investissement, de renforcer la capacité de financement et de favoriser la montée en gamme des structures existantes;
- Favoriser la création d’emplois stables: le dispositif place l’emploi au cœur de sa logique d’impact, incitant les entreprises à recruter durablement tout en favorisant la formalisation de l’économie;
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- Réduire les disparités territoriales: le soutien à l’investissement dans les régions les moins développées vise à favoriser une meilleure répartition des opportunités économiques sur le territoire;
- Renforcer les secteurs stratégiques et innovants: les aides ciblent des filières jugées prioritaires pour accompagner la transformation structurelle de l’économie marocaine;
- Dynamiser les investissements privés dans le cadre de la Charte de l’investissement: il s’agit d’étendre les bénéfices des politiques publiques à un plus grand nombre d’acteurs, en particulier les petites structures, souvent laissées de côté;
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- Professionnaliser l’accompagnement public régional: les CRI deviennent des acteurs clés dans l’évaluation, l’orientation et le suivi des projets, renforçant la gouvernance régionale;
- Assurer un retour sur investissement public: l’octroi des aides est strictement encadré par des engagements contractuels pour garantir l’impact économique attendu.
Investir dans l’avenir par les TPME
Avec ce nouveau dispositif, l’État affirme sa volonté de placer les TPME au centre de la stratégie nationale de relance et d’industrialisation. À travers des incitations ciblées, une approche contractuelle et une gouvernance décentralisée, l’État mise sur le renforcement de l’investissement productif et l’emploi stable, dans un cadre clair et équitable.








