«Daret» (ou tontine) est depuis des générations un pilier de la solidarité financière au Maroc. Face à l’exclusion bancaire qui touche encore 53% des adultes selon Bank Al-Maghrib et la Banque mondiale, ce système informel d’épargne rotative reste pour beaucoup un véritable levier économique. C’est ce constat qui a poussé Nabil Chakir, ancien ingénieur du CAC40 en France et ex-collaborateur de la BNP et de BPCE, à lancer une application dédiée à sa gestion.
Traditionnellement, «Daret» s’organise au sein de familles, de cercles d’amis ou de collègues, souvent à l’aide de carnets en papier, de groupes WhatsApp ou de fichiers Excel. Mais ce mode artisanal génère son lot de difficultés: oublis, retards de paiement, conflits, voire fraudes.«La valeur ajoutée de notre application, c’est qu’elle résoud tous les problèmes de la méthode traditionnelle», explique Nabil Chakir.
«Avec cette application, tout est centralisé. Vous savez en temps réel qui a payé et qui ne l’a pas fait, vous recevez des rappels automatiques et même ceux qui n’ont pas de compte bancaire peuvent l’utiliser. Cela préserve l’esprit solidaire et familial de la tontine, tout en y ajoutant les garanties du numérique», détaille-t-il.
Si Nabil Chakir s’est lancé dans cette aventure, c’est avant tout en raison de son vécu personnel. «Dans ma famille, la tontine est une affaire de tradition: ma mère la gère depuis des années à son école, ma femme utilise un tableur Excel pour le suivi -ce qui est un vrai casse-tête-, et ma sœur, qui vit au Canada, a pu constater à quel point il est difficile d’y participer à distance», raconte-t-il. Ces expériences l’ont convaincu de créer une solution simple, inclusive et moderne, en phase avec les besoins concrets des Marocains.
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Concrètement, l’application permet aux utilisateurs de créer un cercle de tontine, de définir ses règles (nombre de membres, fréquence, ordre des bénéficiaires) et de gérer automatiquement les rappels. Chaque membre bénéficie d’un suivi clair et en temps réel.
Pour sa première version, attendue mi-septembre, Daret sera principalement un outil de gestion, sans intégration des paiements. «Nous sommes en discussion avec Bank Al-Maghrib et des établissements de paiement pour pouvoir, à terme, intégrer les flux financiers dans l’application», précise le fondateur.
Au-delà de l’outil, Daret porte une vision: renforcer l’inclusion financière, réduire la fracture bancaire et valoriser une pratique culturelle profondément ancrée. En offrant une solution structurée et digitalisée, l’application ambitionne de transformer une économie informelle, qui représente près de 30% du PIB national, en mécanisme plus fiable et traçable.
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«Mon but avec Daret, c’est l’inclusion financière. Je souhaite qu’une personne au fin fond des montagnes de l’Atlas puisse, depuis son téléphone, avoir accès à un service d’épargne structuré et, demain, à de vrais services bancaires», espère l’entrepreneur.
Développée en phase pilote auprès de plusieurs groupes, l’application veut devenir le premier outil digital d’épargne collective au Maroc. Mais son ambition dépasse les frontières. L’équipe de Daret vise à s’implanter dans d’autres pays où la bancarisation reste faible.
«Ce qui me motive surtout, c’est d’être reconnu comme le premier à démocratiser l’open banking au Maroc», conclut Nabil Chakir, qui voit dans Daret un moteur de transformation sociale et économique. Avec cette innovation, ce modèle de solidarité traditionnelle s’apprête à entrer de plain-pied dans l’ère numérique, sans rien perdre de son esprit originel.








