Croissance économique: derrière le rebond, une dépendance à la demande intérieure qui interpelle

Le siège du Haut-commissariat au plan, à Rabat. Adil_Gadrouz

Le Maroc a enregistré une croissance soutenue au premier semestre 2025, portée par la consommation et l’investissement internes. Mais ce redressement, qui se poursuivrait au troisième trimestre, cache une fragilité persistante du moteur exportateur. Analyse des derniers chiffres du Haut-commissariat au plan.

Le 11/07/2025 à 11h58

Le rebond économique se confirme au Maroc. Selon le dernier point de conjoncture publié par le Haut-commissariat au plan (HCP), l’économie nationale a progressé de 4,8% au premier trimestre 2025 et aurait connu une croissance de 4,6% au deuxième.

Une dynamique robuste, qui replace le pays dans une trajectoire de croissance soutenue après les turbulences économiques mondiales des dernières années. Mais ce redémarrage repose presque exclusivement sur les ressorts internes, tandis que le commerce extérieur, pourtant essentiel pour la compétitivité à long terme, continue de s’affaiblir.

Une reprise tirée par la consommation et l’investissement

Les chiffres sont éloquents: la demande intérieure a contribué à hauteur de 8,5 points à la croissance du PIB au premier trimestre, un niveau inédit depuis l’après-crise sanitaire liée à Covid-19, relève le HCP. La consommation des ménages a progressé de 4,4%, soutenue par une amélioration notable du marché de l’emploi salarié (+3,4%), elle-même portée par le dynamisme des activités non agricoles.

L’investissement, quant à lui, a bondi de 17,5% sur la même période. Cette relance est attribuée à une accélération des grands chantiers publics dans les infrastructures hydrauliques, routières et sportives, avec des financements plus soutenus dans les secteurs de l’eau et du bâtiment. Une bonne nouvelle en apparence, mais qui reflète une forme de dépendance à la commande publique, alors que les investissements privés, notamment dans l’industrie manufacturière, demeurent timides.

Cette structure de croissance révèle une économie qui tourne à plein régime sur ses leviers internes, mais dont le secteur productif exportateur reste à la traîne. Cela pourrait limiter les gains en termes de création de richesse durable et d’intégration dans les chaînes de valeur mondiales.

La demande extérieure: talon d’Achille de la reprise

Alors que l’économie mondiale montre des signes d’essoufflement, le Maroc subit le contrecoup d’une faible demande étrangère. Les exportations de biens et services n’ont crû que de 2,2% au premier trimestre, contre 9,8% un trimestre plus tôt, du fait notamment du ralentissement économique en Europe, principal débouché commercial du pays. En parallèle, les importations ont continué de progresser à un rythme élevé (+9,8%), tirées par une consommation soutenue de biens d’équipement et de produits alimentaires.

Résultat: la contribution nette du commerce extérieur à la croissance reste négative, amputant le PIB de 3,8 points au premier trimestre et de 3,1 points au deuxième.

Cette faiblesse chronique de la demande extérieure interroge la capacité du tissu exportateur à se diversifier, à gagner en compétitivité et à conquérir de nouveaux marchés, en particulier en Afrique ou en Asie, alors que la dépendance à l’Europe s’avère de plus en plus risquée.

Une inflation maîtrisée, une stabilité monétaire consolidée

Autre fait marquant du premier semestre: la décrue de l’inflation. Après des pics atteints en 2022 et 2023, les prix à la consommation ont ralenti à +0,8% au deuxième trimestre 2025. L’inflation sous-jacente, qui exclut les produits volatils et les prix régulés, est tombée à 1,1%, grâce à une détente des prix alimentaires et une baisse des coûts de l’énergie.

Bank Al-Maghrib a adopté une posture prudente, maintenant son taux directeur à 2,25% après une baisse au trimestre précédent. Cette politique accommodante a favorisé une baisse généralisée des taux d’intérêt sur les marchés, soutenant ainsi la dynamique du crédit (+7,5%).

Sur le marché boursier, l’optimisme prévaut. L’indice MASI a enregistré une hausse spectaculaire de 37,6% en glissement annuel, portée par la reprise des secteurs industriels, miniers, immobiliers et de l’énergie.

Ce retour à une stabilité monétaire crée un climat propice à l’investissement. Toutefois, l’inflation maîtrisée reste fragile et dépendra fortement de l’évolution des prix mondiaux de l’énergie et des produits alimentaires.

Des perspectives positives, mais un horizon brouillé

Pour le troisième trimestre 2025, le HCP table sur une croissance de 4,4%. La consommation et l’investissement devraient continuer de porter l’activité économique, tandis que la contribution de la demande extérieure resterait négative. L’agriculture, en particulier, demeure exposée aux aléas climatiques, notamment à de possibles vagues de chaleur durant l’été, note le HCP.

Les risques sont donc bien présents: un ralentissement plus prononcé de l’économie européenne, de nouvelles barrières douanières entre les États-Unis et l’Europe, ou encore une dégradation climatique affectant la production agricole.

Mais des opportunités pourraient aussi émerger, selon le HCP. Il s’agit notamment d’une reprise des industries de transformation agroalimentaire, couplée à une baisse prolongée des cours du pétrole, qui offrirait un répit bienvenu.

Une croissance solide, mais incomplète

Le Maroc entame 2025 sur des bases solides, porté par un moteur intérieur qui tourne à plein régime. Mais la faiblesse persistante de la demande étrangère, et la vulnérabilité du secteur agricole aux chocs climatiques, rappellent que la reprise reste incomplète. Pour inscrire cette croissance dans la durée, une diversification des débouchés extérieurs et une relance ciblée des investissements productifs privés sont indispensables.

Par Lahcen Oudoud
Le 11/07/2025 à 11h58