Vendredi 15 mai dernier, une délégation de l’Association marocaine des pilotes de ligne (AMPL) s’est réunie avec le top management de la Royal Air Maroc (RAM), représenté par le directeur financier et celui des opérations. La rencontre intervient quelques jours après la lettre du président de la compagnie, Abdelhamid Addou, adressée au personnel, dans laquelle il évoque un projet de plan de relance prévoyant des sacrifices importants et une inévitable réduction drastique de voilure, révélant au passage une perte de chiffre d’affaires de l’ordre de 50 millions de dirhams par jour.
La réunion du 15 mai avait pour objet d’inciter les pilotes à consentir à des sacrifices en leur demandant de faire un effort au niveau de leur salaire et des charges, à l’instar des autres corps de la compagnie, nous confie une source autorisée à la RAM. La veille, une réunion similaire avait été organisée avec les partenaires sociaux de l’entreprise.
Paradoxalement, l’AMPL apporte une autre version, affirmant par la voix d’un membre de son bureau dirigeant que l’ordre du jour de la réunion de vendredi portait plutôt sur «les pistes d’optimisation des coûts fixes de la compagnie», en précisant que le salaire des pilotes est perçu comme un coût d’exploitation et non comme un coût fixe.
«Il n’y a eu et il n’y aura aucune discussion possible sur les salaires tant qu’il n’y a pas de vision sur un plan de relance crédible, impliquant la participation du personnel navigant», insiste l’AMPL dont la majorité des membres semble adhérer à cette position. «Pas moins de 300 pilotes ont pris part à un webinar organisé, dimanche 17 mai, et se sont tous exprimés contre ce qu’ils appellent une “nouvelle focalisation“ sur leurs salaires».
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Aux yeux de l’AMPL, la baisse de la rémunération est déjà actée dans la mesure où les salaires sont indexés sur la productivité (heures de vol) et ce, depuis 1999. «Cette architecture a été avalisée par tous les présidents qui se sont succédé à la tête de la RAM, depuis Mohamed Hassad jusqu’à Abdelhamid Addou, en passant par Mohamed Berrada. Un pilote qui ne travaille pas n’est pas payé. La suspension des vols suite à la crise du Covid-19 a entraîné une réduction mécanique des salaires de l’ordre de 40%», souligne ce responsable de l’AMPL.
A noter que la masse salariale de la RAM se chiffre à environ 2,3 milliards de dirhams par an, dont 52% alloués au personnel naviguant (pilotes, hôtesses et stewards), soit 1,2 milliard de dirhams. Le reste (1,1 milliard de dirhams) revient au personnel au sol. Ce classement est appelé à s’inverser avec la crise du Covid-19, étant donné que le personnel navigant est le seul concerné par l’architecture productiviste des salaires. Selon les estimations de l’AMPL, au bout de trois ans, soit la durée dont la RAM a besoin pour reprendre le niveau d’activité de février 2020, la masse salariale des pilotes sera réduite d’un total cumulé de l’ordre de 350 millions de dirhams par an.
Les salaires étant déjà réduits de façon mécanique suite à la suspension des vols nationaux et internationaux, s’il y a un encore effort à fournir, ce sera au niveau des coûts liés à l’exploitation
L’AMPL estime que la part variable du salaire des pilotes (40%) est déjà élevée en comparaison avec les niveaux observés chez d’autres compagnies à l’international (10 à 15% en moyenne). Ils se montrent toutefois prêts à consentir des efforts sur d’autres postes de charges fixes, notamment l’hébergement, prestations à bord, uniformes, frais de transport en escale à l’étranger ou hors bases, assurance (individuel, perte de licence, etc.), personnel navigant, reliquat de congés, provisions pour redressement fiscal au titre de l’impôt sur le revenu, etc. Pour rappel, le salaire des pilotes varie généralement dans une fourchette allant de 45.000 (pour un copilote débutant) jusqu’à 135.000 dirhams pour un commandant de bord.
La réunion de vendredi a ainsi permis de lancer les discussions autour d’un plan de rationalisation de ces dépenses. «Nous avons demandé au management de fournir certaines indications sur le plan de relance et tout autre élément nécessaire à l’évaluation de la réduction des coûts fixes», conclut le responsable de l’AMPL.