Mesure de confinement oblige, la pandémie du coronavirus a eu pour conséquence une utilisation effrénée d’Internet. Cours à distance, télétravail, vidéoconférences, échanges avec des membres de sa famille et ses amis, visionnage de films en streaming sur des plateformes dédiées … Tout cela a fait exploser le nombre de connexions à Internet.
Face au risque de saturation des réseaux télécoms en cette période de confinement, des voix se sont élevées au Maroc, appelant l’instance de régulation, l'Agence nationale de règlementation des télécommunications (ANRT) et les trois opérateurs de télécoms disposant d'une licence au Maroc à rendre l’accès à Internet gratuit pour tous.
«Nous vivons une fracture numérique. Il ne faut pas que l’épidémie accentue cette fracture», met en garde Khalid Ziani, expert ès télécoms, interrogé par Le360. Les citoyens, a-t-il insisté, auront besoin d’utiliser massivement Internet pour travailler à distance, accéder à différents services, aux cours, à des informations médicales, etc.
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Dimanche 22 mars, à l’initiative du ministère de l’Industrie et du Commerce, d’une part, et de celui de l’Education nationale, d’autre part, les trois opérateurs de télécoms que compte le Maroc ont décidé d’offrir temporairement et à titre gracieux un accès à l'ensemble des sites et des plateformes de formation à distance, indique un communiqué conjoint.
Ce geste, fort louable, émanant des opérateurs de télécoms, aurait pu être complété par une ouverture plus élargie au réseau Internet.
En effet, même en ce qui concerne la formation à distance, plusieurs enseignants continuent à accompagner l'ensemble de leurs élèves à travers d’autres canaux, dont le très populaire réseau social WhatsApp, indique Khalid Ziani pour lequel, il aurait fallu englober l'accès à WhatsApp dans cette offre de gratuité.
«Les opérateurs de télécoms redoutent la gratuité de WhatsApp, car ce dernier tend à phagocyter les revenus Voix {à réduire la facture des communications téléphoniques par l'usage de la VoIP, Ndlr}. Mais dans la crise actuelle, les considérations économiques doivent être reléguées au second plan», estime cet expert.
Comme partout dans le monde, le modèle économique classique des opérateurs de télécoms, fondé sur la voix et les minutes, s'est peu à peu effondré avec l'arrivée de WhatsApp, un réseau social, fondé quant à lui sur la data et l'IP.
Pour compenser la perte de leurs revenus voix, les opérateurs de télécoms s’appuient désormais davantage sur les revenus qu'ils tirent de la data en relevant le coût de celle-ci dans la recharge des unités de connexions prépayées. «Un appel national WhatsApp coûte en data le même prix qu'un appel voix en minutes dans le cas des prépayés», explique Khalid Ziani.
Quand on confond dons et amendes
Cela dit, la situation du marché des télécoms est assez particulière au Maroc. Les opérateurs ne bénéficient pas tous des mêmes conditions d'accès au marché. Seul Maroc Telecom, opérateur historique, qui a le monopole de l’infrastructure du réseau fixe, peut déployer rapidement des bornes Wi-Fi gratuites dans les zones denses (médinas, zones d'habitations populaires, etc.).
«Les 10 ans de retard qu’a pris le Maroc en matière de développement de l'infrastructure fixe, à cause du blocage du dégroupage par Maroc Telecom, nous mettent dans une situation où les réseaux mobiles doivent prendre en charge la majorité des accès des citoyens à Internet», confirme ce haut cadre qui travaille chez un opérateur de télécom.
Moralité de ces faits: s’il doit y avoir un effort à fournir pour rendre l’accès à Internet, ou plus prosaïquement à WhatsApp, gratuit en cette période de confinement, il doit d’abord avant tout émaner de Maroc Telecom en raison de son monopole de fait sur le fixe. Mais compte tenu du désintérêt dont a fait preuve son top management face à l’appel national aux dons destinés au Fonds spécial pour la gestion du coronavirus, il ne faudrait peut-être pas trop rêver.
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Maroc Telecom, qui a toujours veillé à distribuer la totalité de ses bénéfices en dividendes à ses actionnaires, n’a pas versé le moindre dirham au Fonds spécial pour la gestion du Coronavirus, ni directement, ni indirectement à travers ses directeurs, ses cadres ou son actionnaire de référence. Il ne faut surtout pas jouer sur les mots et laisser croire, comme cela a pu parfois être véhiculé, que l’amende de 3,3 milliards de dirhams infligée par l’ANRT à Maroc Telecom pour des faits de pratiques non-concurrentielles, serait une contribution au Fonds spécial de gestion de cette sanitaire.
C’est le Trésor public, qui a contribué par le reversement de ces 3,3 milliards de dirhams au Fonds spécial, et non Maroc Telecom.
Alors tant qu’à faire, pour prendre part à la solidarité nationale en ces moments très difficiles que traverse notre pays et ses habitants, la moindre des choses serait que cet opérateur historique, héritier des PTT du Maroc, déploie rapidement des bornes Wi-Fi gratuites dans les quartiers à forte densité de population.