Selon le ministre des Finances, Mohammed Boussaid, la création de l’observatoire des délais de paiement a pour but de fiabiliser les données et d’identifier les obstacles à l’origine de ce problème à la fois pesant et complexe. L’argentier du Royaume saisit l’occasion et revient sur les principales mesures adoptées dans ce cadre par le gouvernement, notamment sur le plan législatif. Il s’agit de l’amendement de la loi sur les délais de paiement, ainsi que l’extension du champ d’application de la loi 49-15 formant code de commerce aux établissements publics à vocation commerciale. Idem pour la promulgation du décret fixant les délais de paiements et intérêts moratoires relatifs aux commandes publiques qui régit, outre l’Etat et les collectivités territoriales, les établissements publics.
D’un point de vue opérationnel, tout en rappelant l’effet perturbateur du gel de 15 milliards d’investissements publics en 2013, le ministre s’arrête sur les efforts entrepris en vue de normaliser l’exécution des lois de finances durant les quatre dernières années, lesquels donnent plus de visibilité aux entreprises et aux fournisseurs qui travaillent avec l’Etat.
Boussaid n’omet pas d’évoquer l’opération de remboursement des arriérés de TVA à l’export et à l’investissement, avec l’appui du GPBM et de la CGEM. D’autres actions ont été mobilisées pour améliorer la trésorerie auprès de certains établissements publics (Académies régionales de l’éducation et de la formation). Mais tout cela, reconnaît le ministre, reste insuffisant eu égard à l’ampleur du problème.
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Voilà pourquoi le gouvernement compte beaucoup sur l’Observatoire des délais de paiement, cette instance consultative amenée à publier régulièrement un rapport sur les délais de paiement observés chez l’administration, les établissements publics et le secteur privé. Boussaid annonce au passage le lancement d’une plateforme informatique pour le traitement des réclamations, dont la gestion est confiée à la Direction des établissements publics et de la privatisation (DEPP). Sa mission consiste à interagir avec l’ensemble des fournisseurs des établissements publics. La DEPP va ainsi jouer le rôle d’intermédiaire mais aussi de collecteur d’informations sur les contraintes à l’origine de l’allongement des délais de paiement au Maroc. «Nous allons faire de notre mieux pour que les délais de paiement se normalisent, pour le bien de notre économie et des nos entreprises, en particulier les TPME», promet le ministre des Finances.
En guise de réponse, le président de la CGEM, Salaheddine Mezouar, n’y va pas par quatre chemins. Fraîchement élu à la tête du patronat, il affirme avoir trouvé «un secteur privé majoritairement déprimé». En matière de délais de paiement, le Maroc, dit-il, a battu tous les records. «Les pressions sont multiples. Les recherches d’équilibres sont difficiles. Mais je sais que cette maison (ndlr: ministère des Finances) a la capacité, de par son histoire et la compétence de ses hommes et ses femmes, de créer des inflexions. Les signaux de création d’inflexions doivent sortir dans les réunions de ce type, loin de toute complaisance. Vous êtes tenus d'assumer cette responsabilité en tant que gouvernement», lance l’ancien ministre des Finances.
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Face à la remarque avancée par Boussaid concernant le niveau élevé des créance inter-entreprises, Mezouar n’hésite pas à répondre du tac-au-tac: «Tout le monde s’accorde à dire que l’Etat n’est pas exemplaire». Le numéro un du patronat énumère ensuite les questions et dossiers qui, à ses yeux, méritent un traitement prioritaires:
- Pourquoi en est-on arrivés à ce stade?- Que compte faire le ministère des Finances pour remettre de l’oxygène dans la machine?- Où en sont les décrets d’application de la fameuse loi sur les délais de paiements?- Comment traiter ensemble cette problématique sans continuer à pénaliser ceux qui sont victimes des délais longs, à l’aide notamment d’un traitement fiscal inscrit dans une logique d’équité?- Comment consacrer une fois pour toutes la neutralité de la TVA?
Mezouar propose de constituer une commission bipartite pour traiter ces questions «en bonne intelligence». Il avance également l’idée d’un fonds de garantie pour financer le fonds de roulement des entreprises en difficultés de trésorerie. C’est d’ailleurs l’une des principales promesses de Mezouar lors de sa campagne électorale à la CGEM. «C’est une demande que je souhaite ardemment que le ministre des Finances mette en place. Ce sera un véritable signe de confiance, sans que cela soit coûteux pour l’Etat. Nous avons besoin d’un secteur privé dynamique et fort, parce que le rythme et les défis exigent cela», conclut Mezouar.