Les croyances sociales demeurent un frein majeur à l’émancipation économique des femmes au Maroc. C’est ce que révèle Boston Consulting Group dans son dernier rapport intitulé: «Recadrer le récit sur les rôles des femmes dans les sociétés africaines». Cette enquête, réalisée auprès de 6.000 femmes et hommes au Maroc, en Afrique du Sud, en Egypte, en Ethiopie, au Kenya et au Nigeria, met en exergue les perceptions qui entravent la participation économique des femmes en Afrique. D’après le cabinet international de conseil en stratégie, le choix de ces cinq pays n’est pas anodin, puisqu’ils représentent 60% du PIB en Afrique.
L’étude révèle qu’environ la moitié des personnes interrogées au Maroc et en Egypte, hommes et femmes confondus, ont déclaré que «les femmes ne devraient pas travailler si le mari ou le père gagne suffisamment d’argent pour subvenir aux besoins du ménage. A contrario, seuls 12% des femmes et 15% des hommes en Afrique subsaharienne sont de cet avis.»
Près de 90% des hommes sondés pensent que les femmes devraient aller à l’école pour être instruites et respectées, et non pour être financièrement indépendantes, tandis que pour 39% des femmes, l’éducation supérieure est plus importante pour les hommes que pour les femmes. A en croire l’une des sondée résidente à Casablanca, « le modèle de réussite pour une femme marocaine est d’être une femme dont les enfants (mâles) réussissent.»
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Selon les quatre auteurs de l’étude, Rabat et le Caire ont certes beaucoup investi pour améliorer considérablement l’accès à l’enseignement primaire et secondaire aux filles au cours des vingt dernières années, pourtant, «les femmes demeurent largement en dehors du marché du travail» en raison de ces croyances profondément ancrées. Un important manque à gagner pour leurs économies, particulièrement pour le Maroc où une participation paritaire des femmes pourrait générer jusqu’à 40% du PIB, selon la Banque mondiale.
L’insécurité dans l’espace public
BCG rappelle d’ailleurs que le Maroc, classé 139ème sur 146 pays dans le Gender Gap Report 2022 publié par le World Economic Forum (WEF), enregistre le 8ème plus faible taux de participation des femmes à l’économie dans le monde, estimé à 20%. «Les femmes doivent être valorisées en tant qu’agents économiques, capables de gérer de la valeur pour leurs entreprises, communautés et pays, au-delà de leurs rôles d’éducatrices et de mères», recommande-t-il.
Le rapport a également pointé les violences et l’insécurité dont sont victimes les femmes en Afrique du Nord. D’après ce document de dix-sept pages, l’insécurité dans l’espace public est la deuxième plus grande difficulté relevée par les femmes de la région après l’accès à l’emploi. En effet, «36% des femmes au Maroc et 33% en Egypte disent que la sécurité dans les endroits publics est le principal défi auquel elles sont confrontés».
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Globalement, BCG estime que si l’Afrique a pu réduire les inégalités entre les hommes et les femmes plus rapidement que n’importe quelle autre région du monde entre 2010 et 2016, cette cadence s’est ralentie à partir de 2016, sous l’effet de la crise des matières premières, suivie d’une récession mondiale et l’avènement du Covid-19. «Si la participation économique des femmes africaines retrouvait le rythme observé entre 2010 et 2016, le continent pourrait venir à bout des disparités hommes-femmes 60 ans plus tôt que le laisse présager le rythme actuel », indique Zineb Sqalli, Managing director & partner du BCG à Casablanca, une des auteurs du rapport.
Mettre en lumière les success-stories
Le cabinet invite les Etats à mettre en place une législation qui fixe les quotas de représentation des femmes, notamment dans le secteur privé, et à initier des actions sensibilisation pour changer le narratif sur le rôle des femmes dans la société.
Selon l’établissement, «la plupart des investissements nationaux et aides internationales en faveur de l’émancipation des femmes en Afrique ciblent les besoins en infrastructures dans les domaines de la santé, de l’éducation et de l’emploi ». Mais, «s’il est indéniable que ces leviers sont effectivement important, les actions volontaristes visant à faire évoluer les normes sociales et le rôle des femmes au sein de la société sont également capitales, et souvent peu investies».
Pour favoriser l’émancipation économique des femmes, l’étude suggère également de mettre en lumière les cas de réussite de femmes d’affaires dans les médias et sur les réseaux sociaux, en dévoilant leur impact sur le développement de leurs entreprises, ainsi que leurs contributions à la croissance économique de leurs pays.