Les rebelles houthis du Yémen, proches de l’Iran, ont pris pour cible, ces derniers temps, des navires qui ont des intérêts avec Israël, mettant en péril la sécurité du transport maritime sur le détroit de Bab al-Mandab, une des routes maritimes les plus fréquentées pour le commerce mondial, avec environ 20.000 navires chaque année. Reliant le golfe d’Aden et la mer Rouge, ce détroit est un point de passage obligé vers le Canal de Suez.
En raison de la dangerosité de la zone, à ce jour, six parmi les géants du transport maritime mondial ont décidé de suspendre le passage de leurs navires en mer Rouge, et ce, jusqu’à nouvel ordre. Il s’agit du français CMA-CGM, du danois Maersk, de l’allemand Hapag-Lloyd, de l’italo-suisse MSC, du taïwanais Evergreen et du sud-coréen HMM.
Ce climat de tension, qui monte crescendo, risque d’avoir des retombées néfastes sur le commerce mondial. Pour l’Égypte, l’arrêt du trafic en mer Rouge signifierait un énorme manque à gagner, sachant que les recettes issues des droits de passage dans le Canal de Suez ont atteint un record de 8,6 milliards d’euros au titre de l’année fiscale 2022-2023.
Quid du Maroc?
Le Maroc n’est pas à l’abri de l’onde de choc provoquée par les attaques des Houthis. Une bonne part du commerce extérieur du Royaume emprunte la mer Rouge, via le Canal de Suez, avant d’atteindre sa destination finale (Asie et Moyen-Orient). «Cela concerne essentiellement les flux de marchandises conteneurisées entre le Maroc et l’Extrême-Orient, principalement la Chine», note Abdelaziz Mantrach, vice-président de l’Association marocaine des exportateurs (ASMEX).
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Les solutions sont peu évidentes pour les professionnels. «Pour éviter la mer Rouge, les armateurs peuvent détourner les trafics vers le cap de Bonne-Espérance, au large de l’Afrique du Sud, ce qui devrait rallonger les temps de trajets d’environ une semaine», souligne Abdelilah Hifdi, président de la Fédération du transport et de la logistique (FTL), affiliée à la Confédération générale des entreprises du Maroc (CGEM).
Abdelaziz Mantrach estime quant à lui qu’il faut compter au moins dix jours pour contourner l’Afrique, ce qui devrait engendrer des coûts supplémentaires (équipages, carburants, etc.).
Dimanche dernier, l’Autorité du Canal de Suez (SCA) a fait savoir que depuis le 19 novembre, 55 navires se sont détournés vers le cap de Bonne-Espérance suite aux attaques des Houthis. La question qui s’impose est celle de savoir si la solution du cap de Bonne-Espérance devrait se traduire par une hausse des tarifs du fret maritime. Pour Abdelilah Hifdi, «le coût additionnel induit par le long détour via l’Afrique du Sud est identique à celui supporté lors du passage via le Canal de Suez». Autrement dit, «dans l’immédiat, la suspension de la traversée n’aura aucun impact sur le coût du fret, mis à part quelques légères perturbations de la chaîne logistique suite à l’augmentation des temps de trajet», assure le président de la FTL-CGEM.
Prime de déviation
Mais il existe un risque sérieux pour le commerce mondial si les frappes des Houthis se poursuivent, à coups de drones armés et de missiles. «Pour le moment, seuls quelques armateurs ont décidé de suspendre la traversée en mer Rouge et opté pour le détour via l’Afrique du Sud, mais si ce mouvement venait à se généraliser à d’autres méga-transporteurs (pétroliers, céréaliers, etc.), les armateurs, via leurs organisations, pourraient alors se concerter pour décréter une surprime de déviation», prévient Abdelaziz Mantrach. Autrement dit, les armateurs pourraient imposer à leurs clients, les grands chargeurs, de nouvelles majorations tarifaires.