La baisse des prix de la tomate n’a pas su se perpétuer dans le temps. Après s’être stabilisés pendant quelques semaines dans une fourchette entre 4 et 6 dirhams, les prix de la tomate ont commencé à grimper une semaine après la fin du mois de Ramadan. Bien que commerçants et consommateurs semblent s’être «habitués» à la variation en dents de scie des cours de ce fruit rouge, ils ne cachent pas leur inquiétude quant à la poursuite de cette nouvelle hausse.
«Les prix de la tomate sont par nature instables. Ils peuvent, du jour au lendemain, atteindre des sommets, comme ils peuvent chuter soudainement», souligne Said, vendeur de légumes au marché de Benjdia, à Casablanca. Si la variation des prix est habituelle pour ce fruit, notre interlocuteur admet toutefois que «les prix ont été inhabituellement élevés cette année».
Même son de cloche chez Mohamed (nom d’emprunt), vendeur ambulant. «Ce n’est qu’au marché de gros qu’on découvre les prix, et on est surpris chaque matin», indique-t-il. Et de poursuivre: «Si on trouve que les prix ont baissé, on achète une quantité importante, car on est sûrs de la vendre à des prix convenables. Dans le cas contraire, on achète moins que d’habitude, car la hausse sera reflétée sur les prix, et la marchandise pourrait ne pas trouver preneur».
Les tomates que Said a disposées minutieusement sur les étals de son magasin au marché de Benjdia se vendent aujourd’hui à 8 dirhams le kilogramme. Quant aux consommateurs auxquels ce prix ne convient pas et qui se dirigent vers d’autres vendeurs connus pour leurs prix plus bas, plus précisément les vendeurs ambulants, ils sont aussi déçus. La tomate étant vendue à 7 dirhams à l’extérieur du marché, la différence de prix n’est pas grande.
«Vendre à perte»
Les consommateurs ne sont pas les seuls condamnés à acheter plus cher la tomate. Les deux vendeurs approchés par Le360 indiquent que les prix ont commencé à augmenter au niveau du marché de gros depuis quelques jours. «Cette semaine, on a acheté à 6 puis à 6,5 dirhams la tomate qu’on achetait à 3 dirhams et revendait à 4 ou 5 dirhams dernièrement», détaille Said.
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Cette hausse des prix, bien que répercutée sur le prix de vente au consommateur final, inquiète les commerçants. «C’est vrai qu’au final, c’est le consommateur qui subit cette augmentation des prix, mais il ne faut pas oublier que le vendeur est aussi impacté», lance Mohamed.
Ce dernier, ayant acheté tout au long de cette semaine la tomate à des prix variant entre 130 et 150 dirhams la caisse (30 kilogrammes à peu près) au marché de gros, craint que sa marchandise ne trouve pas preneur à des prix élevés. «A moins de 7 dirhams, je vendrai à perte. A plus de 7 dirhams, je ne vendrai pas», s’alarme-t-il.
«Pour proposer des prix bas, je dois acheter la caisse de tomates à 120 dirhams. A ce prix, la tomate est souvent de mauvaise qualité et le tiers risque de pourrir et donc d’être jeté. Et là encore, je me retrouve à vendre à perte, car je suis obligé de baisser le prix, parfois à moins que celui de gros, pour liquider la tomate avant qu’elle ne pourrisse», poursuit le commerçant.
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Notre interlocuteur s’inquiète aussi de l’évolution des prix dans les jours à venir: «Si cette hausse continue et que les prix atteignent encore les sommets de 10 et 12 dirhams, la perte sera encore plus importante. Les gens vont tout simplement moins acheter et ma marchandise finira à la poubelle.»
«Un cercle vicieux»
Pour Saïd, la perte est encore plus importante. Déjà que la hausse des prix chasse les clients de son magasin, contrairement à Mohamed, il a des charges fixes à couvrir. «Plus les prix augmentent, moins les gens achètent. Les clients qui achetaient auparavant 3 kilogrammes de tomates n’en n’achètent aujourd’hui qu’un demi, voire un quart», déplore-t-il.
Les hausses suivies et généralisées des prix ont rendu, selon le vendeur, les consommateurs plus sensibles aux prix. «Les gens ne peuvent plus supporter ces prix. Aujourd’hui, ils doivent acheter à 8 dirhams la tomate, à 12 dirhams la pomme de terre et à 15 dirhams l’oignon. Leur budget est épuisé avant même qu’ils arrivent aux viandes et poissons. Ils préfèrent de plus en plus mélanger les légumes dans un seul panier, ne dépassant, en tout, généralement pas les 2 kilogrammes», étaye-t-il.
Vivant les mêmes difficultés et partageant les mêmes inquiétudes, les deux vendeurs estiment que le secteur des légumes est entré depuis des mois dans un «cercle vicieux». «Les prix ont augmenté parce que l’agriculteur doit désormais dépenser davantage pour produire ces légumes, parce que le transport coûte cher et parce qu’ensuite, il faut payer ceux qui vont porter et transporter la marchandise», expliquent-ils. «De la production à la vente, tout coûte cher. A son tour, le consommateur doit payer plus cher. Voyant ses poches se vider, il commence à moins consommer, et nous à moins vendre.»
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Comme le résume Said, «tout le monde est perdant» et la situation devient de plus en plus fragile. «Nous sommes arrivés à un moment où l’agriculteur, qui, auparavant, vendait sa marchandise à moindre prix en raison de son abondance et de son faible coût de production, négocie jusqu’au dernier centime pour garantir une maigre marge de bénéfice», explique-t-il, avant de lancer, non sans amertume, qu’«il y a donc vraiment de quoi s’inquiéter».
Un ascenseur qui donne le vertige
Approchés par Le360, les consommateurs non plus ne cachent pas leur amertume. «Alors que nous étions soulagés avant et durant le mois de Ramadan, quelques jours après l’Aïd, nous apprenons que les prix ont encore augmenté», souligne Saida (nom d’emprunt), venue au marché de Benjdia pour faire ses courses hebdomadaires.
Tout comme elle, qui dit «ne pas oser» faire ses achats à l’intérieur du marché, Adam, un jeune venu acheter les légumes pour le couscous du vendredi pour sa mère fait part de sa «surprise» quant à leurs prix élevés. «Tout est cher. J’ai dû passer chez plusieurs vendeurs pour enfin trouver des tomates à 6 dirhams», s’exclame-t-il. Fier d’avoir fait économiser à sa mère 1 dirham sur la tomate et deux autres sur les carottes, Adam confesse que ce fut au détriment de la qualité et ne cache pas sa frustration.
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Cette frustration est partagée par de nombreux autres consommateurs approchés par Le360, mais qui ont refusé de s’exprimer. «Toute une année de hausses des prix! Nous sommes fatigués et nos poches aussi. Et ça ne sert à rien d’en parler», lance, en colère, une femme.
Un autre sentiment que partagent tous ces consommateurs est l’inquiétude. «Nous sommes obligés de faire nos courses, et quel que soit le montant qu’on ramène, il faut être sûr qu’on rentrera sans aucun sou. Franchement, je ne pense pas qu’on pourra suivre longtemps si les prix continuent à chaque fois à prendre l’ascenseur», craint notre consommatrice.