Nouveau chapitre dans le dossier des droits compensateurs sur les importations américaines d’engrais phosphatés en provenance du Maroc, opposant le groupe OCP à l’entreprise américaine The Mosaic Company, leader du marché américain des engrais. Fin octobre, plus de 35 sénateurs et députés démocrates et républicains ont transmis une lettre à la Secrétaire américaine au Commerce, Gina Raimondo, pour lui demander une baisse des taxes sur les engrais phosphatés exportés par le groupe OCP.
L’annonce de cette requête a été faite par le sénateur républicain Jerry Moran, l’un des principaux signataires, sur son site web. Selon ces parlementaires, depuis l’imposition de droits compensateurs sur les engrais phosphatés marocains en 2020, les options d’approvisionnement pour répondre aux besoins en engrais des agriculteurs américains ont considérablement diminué.
Les parlementaires ne manquent pas aussi de soulever ce qui pourrait s’apparenter à un conflit d’intérêts. À les en croire, l’Arabie saoudite, où Mosaic investit dans la production d’engrais phosphatés, et qui est exonérée de droits d’importation, est devenue le seul grand exportateur de ces produits vers les États-Unis, «représentant 66 % des importations de phosphate diammonique (DAP) et 25 % des importations de phosphate monoammonique (MAP)».
Impact sur les prix des engrais aux États-Unis
Une situation qui a contribué «à la forte volatilité des prix des engrais en général et à l’augmentation des coûts d’un élément nutritif essentiel, et qui a exposé les agriculteurs américains au risque d’un approvisionnement inadéquat à l’avenir, étant donné que l’offre intérieure n’est pas suffisante pour répondre à leurs besoins».
Autre conséquence: la hausse des prix. «Bien que de nombreux facteurs influent sur les prix régionaux et mondiaux des engrais à base de phosphate, l’impact de la procédure de droits compensateurs sur les exportations marocaines vers les États-Unis s’est fait sentir immédiatement et continue d’exercer une pression à la hausse sur les prix», révèlent les auteurs de ladite lettre. Ainsi, «depuis l’imposition des droits de douane, les prix moyens à La Nouvelle-Orléans, plaque tournante des prix aux États-Unis, ont été les plus élevés dans le monde».
Pis, expliquent les élus américains, les prix du DAP vendu aux États-Unis ont connu une hausse de 11% par rapport à ceux pratiqués au Brésil et de 8% comparés aux tarifs en vigueur en Inde. Ce qui constitue, bien évidemment, un préjudice pour les agriculteurs américains qui «achètent cet intrant clé à des prix élevés, mais vendent leurs récoltes aux prix du marché mondial, où ils sont en concurrence avec les principaux pays producteurs, tels que le Brésil».
«Les agriculteurs familiaux américains ont besoin d’un approvisionnement fiable et diversifié en de nombreux intrants agricoles, y compris les engrais. Le réexamen administratif et la réponse (du département du Commerce) offrent la possibilité de remédier à cette situation et d’examiner correctement les faits relatifs au montant des subventions dans le cadre de la présente procédure depuis son lancement».
Un dossier de plus de 3 ans
Pour comprendre l’affaire OCP-Mosaic, il faut remonter au 26 juin 2020, date à laquelle l’entreprise américaine avait transmis une requête au Département du commerce américain (DOC) et à la Commission du commerce international des États-Unis (CIT) pour ouvrir des enquêtes relatives à «l’instauration des droits compensateurs» sur les engrais marocains et russes. En clair, Mosaic estimait que les importations marocaines étaient subventionnées par Rabat, ce qui constituerait une concurrence déloyale.
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Début février 2021, le DOC a décidé d’appliquer des droits de 19,97% sur les importations d’engrais phosphatés marocains. Depuis lors, plusieurs personnalités ont demandé la suspension de cette mesure, dont 83 députés américains, dans une lettre en mars 2022.
Deux récents jugements favorables au groupe OCP
Pour contester cette décision, le groupe OCP a saisi la Cour fédérale du commerce international des États-Unis (CIT), qui a récemment rendu deux jugements favorables. D’abord le 14 septembre, dans le cadre d’un appel interjeté par le groupe OCP sur la taxe de 19,97%. Dans sa décision finale, le CIT a noté des bases de calcul «déraisonnables» et «absurdes » du DOC sur les importations d’engrais phosphatés du Maroc, et lui a demandé de réexaminer ces droits dans un délai de 90 jours.
Ensuite, le 19 septembre, après une seconde décision de la Cour demandant à la CIT de réévaluer sa décision prise en avril 2021, portant sur l’existence d’un préjudice supportant l’imposition des droits compensateurs, suite à un nouvel appel du groupe OCP. Le tribunal américain l’invite à «collecter de nouvelles preuves, réexaminer celles déjà à sa disposition et prendre toute mesure dans le cadre de procédures de renvoi pour parvenir à des conclusions étayées par des preuves substantielles».
C’est dans ce contexte qu’il faut situer la lettre des parlementaires américains. D’ailleurs, ces élus en font référence dans leur requête: «Nous demandons au DOC d’examiner et de suivre attentivement la décision du CIT concernant le recalcul des droits compensateurs, à la fois dans sa détermination finale dans le cadre de l’enquête et dans son réexamen administratif», indiquent-ils.