À mi-chemin entre Marrakech et Agadir, à Aït Youb, un instant T de la vie, il y a 515 millions d’années, a été figé pour l’éternité. Pétrifiés dans la cendre volcanique, des trilobites ont été découverts par une équipe franco-britannique dirigée par des chercheurs de l’Université de Poitiers. Dans l’arbre de parenté des animaux, ces arthropodes correspondent à l’embranchement qui regroupe les insectes, les crustacés, les araignées et les mille-pattes.
Ces fossiles sont à ce point exceptionnels qu’ils ont fait la Une de la prestigieuse revue Science, le 27 juin 2024. Et pour cause, cette découverte a tôt fait d’être qualifiée de «Pompéi marin», avec en lieu et place des humains, des arthropodes marins.
Une avancée scientifique majeure
Cette découverte est prodigieuse à plus d’un titre. En effet, ces invertébrés pétrifiés dans la cendre ont révélé aux rayons X de très nombreux détails anatomiques, contrairement aux millions d’autres spécimens déjà découverts dans le monde et qui n’atteignaient pas ce niveau de précision. Avec cette découverte, les trilobites d’Aït Youb deviennent ainsi les fossiles marins les mieux conservés jamais découverts.
Du côté des scientifiques, l’émotion est vive. «J’étudie les trilobites depuis près de 40 ans, mais je n’ai jamais eu l’impression de regarder des animaux vivants comme je l’ai fait avec ceux-ci», confie dans un communiqué Greg Edgecombe, conservateur au Muséum d’histoire naturelle de Londres, spécialiste des arthropodes et co-auteur de l’étude.
Une fenêtre s’ouvre sur le passé
Le niveau de précision des détails découverts permet notamment de mieux comprendre comment se nourrissait cette espèce. En effet, lors de l’éruption volcanique dans laquelle ont été ensevelis ces spécimens, «les tissus biologiques ont alors été consumés par la chaleur intense, ne laissant que des cavités dans les cendres solidifiées: les moules des organismes», explique l’équipe de scientifiques de l’Université de Poitiers. Or, ce sont ces mêmes moules qui «préservent les moindres détails de la surface extérieure des trilobites, y compris les poils et les épines le long des appendices».
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L’étude de ces fossiles fait ainsi état d’un tube digestif, qui a également été conservé après s’être rempli de cendres, mais aussi d’un «regroupement de paires de pattes spécialisées autour de la bouche», pour la première fois observé avec autant de précision. Autre grande découverte, la présence d’un labrum, «un lobe charnu faisant office de lèvre supérieure chez les arthropodes actuels».
«De nouvelles fenêtres devraient ainsi s’ouvrir sur le passé de notre planète», entrevoit le professeur Abderrazak El Albani, enseignant-chercheur à l’Institut de chimie des milieux et matériaux de Poitiers, qui a dirigé les travaux.