Maurice Arama raconte le Maroc de Delacroix à l’occasion de la parution de son livre «Delacroix, cimaises marocaines»

Maurice Arama raconte le Maroc de Delacroix à Brahim Alaoui.

Le 19/05/2024 à 09h13

VidéoDans un échange mené par l’historien de l’art et commissaire d’exposition Brahim Alaoui, Maurice Arama, spécialiste de l’œuvre marocaine de Delacroix, présente son nouvel ouvrage. Bien plus qu’un beau-livre, Maurice Arama ouvre au fil des pages les portes du premier musée imaginaire dédié à la période marocaine de l’artiste.

Né à Meknès où il a reçu une double formation d’artiste plasticien et d’historien de l’art, Maurice Arama a occupé le poste de premier directeur de l’École des beaux-arts de Casablanca après l’indépendance du Maroc. Reconnu comme spécialiste de l’œuvre marocaine de Delacroix en particulier et de la peinture orientaliste en général, Maurice Arama a publié de nombreux livres dont «Le Maroc de Delacroix» qui a remporté le prix Élie-Faure en 1987, puis «Itinéraires marocaines, Delacroix, un voyage initiatique» et enfin «Delacroix, cimaises marocaines» publié à la Croisée des Chemins, en 2024.

Le Maroc, terre d’inspiration inépuisable

Avec ce nouvel ouvrage, qui a fait l’objet d’une présentation au Salon du livre de Rabat (SIEL), Maurice Arama revisite le voyage d’Eugène Delacroix au Maroc, qui débute à Tanger, à la fin du mois de janvier 1832. Le peintre espère alors découvrir l’Orient, le vrai, loin des clichés qui pullulent dans les milieux artistiques de cette époque.

Au Maroc, il restera 145 jours, mais ce séjour bouleversera à jamais son travail. Car de retour à Paris, et pendant les trente années qui s’en suivront, il n’aura de cesse de puiser dans cette inspiration marocaine qui peuplera ses toiles.

Carnets de voyage, aquarelles, dessins, esquisses et pochades illustrent ce beau-livre, comme autant d’œuvres exposées dans un musée imaginaire, où s’exprime l’éblouissement ressenti par Eugène Delacroix au Maroc, un pays dont il n’oubliera jamais les couleurs, les sons, les costumes, mais pas que… Car comme l’explique si bien Maurice Arama, ce qui transparait le plus dans les œuvres marocaines de Delacroix, c’est bien l’expression du vivre-ensemble. Une harmonie qui contraste avec les horreurs qui se produisent alors en Algérie française et dont l’artiste ne se remettra jamais.

À travers les âges, Meknès, la ville d’une rencontre artistique

Dans ce riche échange mené par l’historien de l’art et commissaire d’exposition, Brahim Alaoui, Maurice Arama raconte le Maroc de Delacroix, son profond attachement à ce pays mais aussi les origines de la passion qu’il porte lui-même à cet artiste et à son œuvre marocaine.

Se plongeant dans ses souvenirs d’étudiant à l’École du Louvre à Paris, Maurice Arama se remémore cette première rencontre avec Delacroix, «assez simple et étonnante», lors d’un cours sur la peinture française. «On a projeté une aquarelle de Delacroix qui représentait une fantasia à la porte de Meknès. Il se trouve que cette porte était à deux pas de ma maison et je passais des heures, de ma terrasse, à la regarder».

Stupéfait, le jeune étudiant d’alors interroge son professeur au sujet de cette peinture. «Je connais cette place, je connais cet endroit, qu’est-ce que c’est?», finit-il par demander. «C’est le voyage de Delacroix au Maroc», lui est-il répondu. Face à son intérêt, son professeur, alors responsable du cabinet des dessins, lui donne accès aux dossiers dont dispose l’établissement à ce sujet. Plongé dans les aquarelles, dessins, croquis et gravures, «j’étais absolument sidéré parce que je reconnaissais des lieux qui m’étaient familiers. C’était mes rues, c’était mes places, c’était mes marchés… je connaissais tout cela», s’étonne-t-il alors, subjugué.

Mais Maurice Arama ne s’arrête pas là et relevant des erreurs d’interprétation dans les notes accompagnant les dessins, pourtant émises par l’éminent historien de l’art Élie Lambert, le jeune étudiant décide d’en faire part au Louvre. Son point de vue intrigue et lui vaudra d’être reçu et écouté par Élie Lambert. Bien des années plus tard, Maurice Arama est devenu à son tour spécialiste d’Eugène Delacroix. Son dernier livre, «Delacroix, cimaises marocaines», est de l’avis de Brahim Alaoui, «la quintessence de ses années de passion, de travail et de recherche consacrées à Delacroix». L’historien d’art rappelle à cet effet que ce livre a été conçu «à la fois comme un musée imaginaire et un catalogue raisonné de l’œuvre de Delacroix, inspirée de son voyage au Maroc».

Dans chaque toile, une histoire qui se doit d’être racontée

Tant de livres ont été écrits sur Delacroix, mais qu’est-ce qui distingue ce beau-livre en particulier des autres ouvrages dédiés à ce même sujet? «Dans mes précédents ouvrages, je racontais différentes périodes, différents évènements historiques reliés à ce voyage», explique Maurice Arama dont la motivation a surtout trouvé sa source dans les commentaires erronés qui accompagnent les toiles de Delacroix dans des ventes aux enchères ou dans des livres.

Face à ce constat, il se trouve face à une évidence: «enfin quand même, cet homme, pendant trente ans a peint le Maroc, ressortons ses toiles. Et je les ai recherchées». Il en résulte une centaine d’œuvres, avec pour chacune «une histoire particulière», précise-t-il, car «aucune toile n’est faite au hasard». En effet, «il y a le côté artistique, technique, émotionnel mais il y a aussi des éléments qui se rapportent au pays que je voulais servir».

Réunir toutes les peintures marocaines de Delacroix dans un même ouvrage permettait ainsi d’offrir, de composer «le premier musée Delacroix», annonce Maurice Arama, car à ses yeux, expositions et conférences faites ici et là n’ont pas été suffisantes. Et pour cause, «il fallait donner la parole à Delacroix lui-même, afin de pouvoir découvrir que chaque toile raconte une vraie histoire».

Par Zineb Ibnouzahir
Le 19/05/2024 à 09h13