Exclusivité-Le360. EP4. Les bonnes feuilles de «Arab Lives Matter», une pièce de théâtre de Hicham Lasri

Hicham Lasri et la couverture de sa pièce de théâtre Arab Lives Matter.

Artiste conceptuel et écrivain reconnu, Hicham Lasri opère un retour fracassant avec une nouvelle pièce de théâtre, «Arab Lives Matter», traitant de l’invisibilité sociale. On y découvre comment quatre personnages coincés dans un hall d’immeuble sont obligés de communiquer pour faire face à leurs angoisses et leurs peurs. En exclusivité, Le360 en publie les bonnes feuilles au fil des épisodes. Voici le quatrième.

Le 23/03/2024 à 15h58

Pour Hicham Lasri, «l’espace est toujours beaucoup plus fort que les personnages, parce qu’il conditionne quelque chose», notamment leurs paroles et leurs comportements. Cette conviction de cet artiste touche-à-tout, féru de cinéma et de littérature et adepte du huis clos théâtral, est transmise plus que jamais dans sa nouvelle pièce intitulée «Arab Lives Matter».

Pour s’en sortir, ses quatre personnages, coincés dans le hall d’un immeuble, sont obligés, à contrecœur, de communiquer entre eux pour calmer leurs peurs et leurs angoisses. Le360 vous convie à découvrir les bonnes feuilles de cette pièce de théâtre où l’esprit «lasrien» est à son apogée.

Tableau 10

On est dans le noir, une faible lumière s’allume pour tomber en cascade sur l’homme au mégaphone.

L’homme au mégaphone (levant le mégaphone):

- Voilà… Tout le monde se rend compte qu’il est invisible… d’une manière ou d’une autre… On vit dans un monde qui ne porte aucun amour... Nous ne sommes que le consommable de l’Histoire… des petits bouts de charbon qui disparaissent une fois le feu allumé… (Un temps) C’est triste comme histoire! (Un temps) Certains scientifiques estiment qu’un homme invisible serait nécessairement aveugle… Moi, je connaissais un homme qui ne pouvait se rendre invisible que lorsque personne ne le regardait… Qui peut contester une hypothèse qu’on ne peut pas prouver? Il continue à parler, mais en baissant le bras. Il éloigne le mégaphone de sa bouche et on n’entend plus qu’un filet de voix inaudible. Il reste un moment à parler dans le vide avec sa voix de lutin.

Puis Ali se pointe derrière lui et le toise, comme s’il venait de trouver un cafard dans sa soupe. Kim entre dans la flaque de lumière, suivi d’Elsa et de B12. Ils regardent la nuque de l’homme qui remonte le mégaphone vers sa bouche.

L’homme au mégaphone:

- Je voudrais finir par quelque chose de beau, de brillant, de scintillant, d’aveuglant, qui eut l’air d’une pensée, mais… en réalité, je ne suis qu’un ami imaginaire… Sans mon mégaphone, je ne suis rien d’autre qu’un fantôme…

On lui arrache le mégaphone.

Ali:

- Vous êtes qui?

L’homme au mégaphone parle, mais on n’entend qu’un sifflement faible. Il essaie de reprendre son mégaphone, mais Ali et Kim l’en empêchent.

Ali:

- Répondez… Vous êtes qui?

Elsa:

- Laissez-le… C’est un clochard!

L’homme essaie de récupérer son mégaphone…

- Ça doit être un voisin!

Kim:

- Je ne le connais pas!

Ali:

- Moi non plus!

L’homme s’empare de son mégaphone.

L’homme au mégaphone:

- Je ne suis pas un clochard…!

Elsa:

- Vous habitez ici?

L’homme au mégaphone:

- Non… Je suis le narrateur… Je remplis les interstices… Mais généralement personne ne me voit, je ne sais pas ce qui se passe ici! (Amer) On est entre gens de bonne invisibilité! Ça doit être ça…

Elsa (grattant le mégaphone avec son ongle rouge):

- Et pourquoi ça?

L’homme au mégaphone:

- Sans ça… personne ne peut m’entendre… Même pas moi-même!

Ali:

- C’est étrange.

Par le360
Le 23/03/2024 à 15h58