Covid-19: impactés par la crise, les musiciens espèrent vite dépoussiérer leur instrument et éclaircir leur voix

le360

Le 01/12/2020 à 11h10

VidéoL'activité économique redémarre, mais spectacles et les orchestres pour noctambules, eux, sont toujours à l’arrêt complet. Artistes, chanteurs et musiciens sont tous au chômage, sans plus aucune rentrée d’argent. Le360 les a rencontrés, ils témoignent et espèrent que les choses changeront.

La pandémie a mis à l’arrêt de nombreux secteurs d'activité de l’économie. Cependant, si certaines professions ont pu reprendre de manière quasi-normale ou partiellement, d’autres n'ont pas eu cette chance, comme l’industrie du spectacle et le monde de la nuit. Les événements festifs, les concerts et les animations nocturnes se font attendre, et des milliers d’artistes sont actuellement au chômage, sans plus aucune rentrée d’argent.

"Le monde de la fête est en arrêt total et cela a causé beaucoup de torts et de problèmes parce que plusieurs personnes se sont posées la question s’ils devaient changer de métier ou rester dans ce domaine. Je suis musicien et je travaille avec beaucoup de musiciens qui me font beaucoup de peine. Du jour au lendemain, leur activité s’est arrêtée et ils se retrouvent avec zéro rentrée d’argent, et là on se pose la question: comment faire pour ces gens? J’en appelle aux responsables, au ministère de la Culture, pour trouver une solution, pour aider ces gens, leur donner de l’espoir, leur montrer qu’ils font partie de la société, comme tous les autres secteurs. Dans les mentalités, on ne peut pas comparer un artiste, un musicien à un médecin, un avocat ou un architecte, il est toujours dévalorisé, cela n’existe dans aucun pays", déplore Karim Tadlaoui, artiste, chanteur et musicien. 

Ce que dit Karim Tadlaoui, Shehrazade, violoniste, professeure de musique, et chanteuse le confirme. Les artistes et les musiciens en particulier souffrent d’un manque de reconnaissance. Cette jeune femme, passionnée de musique, se produisait dans différents événements festifs et dispensait des cours de musique. C’est cette activité de professeure qui lui a permis de tenir, mais désormais même les écoles de musique n’embauchent plus et Sheherazade se retrouve sans rentrée d’argent.

"Au Maroc, l’artiste n’a aucune valeur, il est toujours dévalorisé, alors que nous créons de la joie. A 11 ans, j’ai voulu intégrer le conservatoire. J’ai commencé par le solfège et le violon, ensuite j’ai rejoint la troupe marocaine de la chanson arabe de Sallah El Morsli Cherkaoui. Ça fait 8 ans ou 9 ans que je suis dans ce domaine. Heureusement, j’enseignais la musique, donc j’avais une petite rentrée d’argent, j’ai vécu avec, mais aujourd’hui les écoles ne recrutent plus, donc je n’ai plus rien, nous souffrons. Nous avions un certain niveau de vie... Maintenant ce n’est plus le cas. On s’adapte, mais jusqu'à quand?", s’interroge la jeune femme.

Mariages, organisations d'évènements artistiques, bars, cabarets, boîte de nuit... Un grand nombre d'artistes et de musiciens se sont retrouvés au chômage. Selon les estimations d'Amine, chef d’orchestre et directeur artistique d’un des plus grands shows de la corniche casablancaise, ce sont près de 3.000 artistes et musiciens qui sont employés par les établissements de nuit de Aïn Diab.

"Notre seul gagne-pain c’est notre métier, l’animation dans les restaurants dans les établissements de nuit, les fêtes… Notre secteur est à l’arrêt complet. Ceux qui avaient épargné un peu d’argent sont en train de l’utiliser, et ceux qui n’avaient pas d’épargne ont vraiment souffert. Nous passons tous par une situation financière très difficile (...) nous ne pouvons pas travailler du tout. La plupart travaillent au noir, certains sont déclarés, d’autres ont créé leur propre entreprise et font eux-mêmes leur déclaration [d'impôts], d’autres comme moi sont sous contrat avec un établissement, et je déclare mes musiciens, mais la grande majorité sont pas déclarés et n’ont aucune couverture sociale", confie Amine.

Cette crise a soulevé un problème majeur, celui du statut des artistes qui, comme l’explique Amine, travaillent pour la plupart de façon informelle, une situation qui les a plongés dans l'embarras, comme l’indique l'artiste et musicien Aboufirass, plus connu sous le nom de Bouchaib LHrizzi. 

"Ce qui doit changer, c’est que nous devons nous fédérer. Nous devons trouver une solution pour que les syndicats existants puissent se réunir en un seul, pour sortir de l’informel. L’anarchie, le manque de structures et l’informel a joué contre nous", explique-t-il.

Par Mehdi Heurteloup et Saad Aouidy
Le 01/12/2020 à 11h10