Asmae El Moudir, réalisatrice de «La Mère de tous les mensonges»: «L’Oscar, on l’aura un jour»

فيلم "كذب أبيض" لأسماء المدير في دور السينما بالمغرب

Lors de l'avant-première de «La Mère de tous les mensonges» au cinéma Lutecia de Casablanca, le 18 février 2024.

Le 19/02/2024 à 13h31

Vidéo«La Mère de tous les mensonges», d’Asmae El Moudir, sortira en salles ce mercredi 21 février. Avant même sa sortie nationale, le film documentaire distribué par la Cinémathèque de Tanger jouit déjà d’une belle renommée: shortlist des Oscars 2024, Prix de la mise en scène de la section «Un certain regard» à Cannes, Grand prix du Festival international du film de Marrakech... Quelle est la suite? Asmae El Moudir nous en parle.

Le film documentaire d’Asmae El Moudir, «La Mère de tous les mensonges», poursuit son parcours jalonné de succès. Après avoir raflé de nombreuses récompenses, dont notamment le Prix de la mise en scène de la section «Un certain regard» du Festival de Cannes 2023 et l’Étoile d’or du dernier Festival international du film de Marrakech FIFM, le film sortira en salles au Maroc ce mercredi 21 février. Mais avant, il a été projeté en avant-première à entrée payante à Tanger, Casablanca et Fès.

Et le public était au rendez-vous. Hier, dimanche 18 février, au cinéma Lutecia de Casablanca, tout comme la veille à la Cinémathèque de Tanger, la salle était comble et Asmae El Moudir aux anges. «C’est très spécial pour moi, cette projection à Casablanca, puisque le film a été tourné dans cette ville. Et aujourd’hui, je découvre que c’est dans ce même cinéma Lutecia que ma mère et mon père, acteurs dans le film, étaient venus voir, lorsqu’ils étaient fiancés, un film ensemble pour la première fois, c’était un film égyptien», a confié la réalisatrice sur scène lors du débat qui a suivi la projection.

«La Mère de tous les mensonges» a nécessité dix ans de travail. Fait de manière artisanale, il a comme toile de fond les «émeutes du pain» de 1981 que la génération actuelle connaît peu, voire pas. Asmae El Moudir a fait le choix de ne pas filmer des scènes réelles pour raconter cette histoire. Ce qui lui importait, c’était de parler des archives en l’absence d’archives.

Comment faire un film avec aucune image et se retrouver avec 500 heures de rushes? C’était là le défi, relevé, d’Asmae El Moudir. Il fallait donc penser à construire des personnages. Ils seront confectionnés avec de l’argile. Ces miniatures, qui sont les personnages centraux du film, ont été réalisées par huit artisans venus de Ouarzazate et qui ont été chapeautés par le père de la réalisatrice. Ainsi, le décor du film s’est construit doucement et sa trame aussi.

Le360: Depuis le Prix de la mise en scène décroché à Cannes l’année dernière, où en est le parcours de «La Mère de tous les mensonges»?

Je pense que tous les Marocains ont suivi le parcours de «La Mère de tous les mensonges». À Cannes, il a reçu «L’Œil d’or», le prix de la mise en scène dans la catégorie «Un certain regard». Il a également décroché plusieurs prix dans des festivals prestigieux, à Sydney en Australie, à Durban en Afrique du Sud, à Toronto au Canada, à Sundance aux États-Unis et il a bien sûr été shortlisté pour les Oscars 2024 dans la catégorie des Meilleurs films internationaux entre 88 films. Nous avons mené une petite campagne de promotion du film pour les Oscars avec le ministère de la Jeunesse, de la Culture et de la Communication ainsi que le Centre cinématographique marocain. Tous les efforts ont été déployés pour que le film arrive à se positionner dans la shortlist.

Après tous ces efforts, votre film n’a pas été nominé aux Oscars. Êtes-vous déçue?

Je voulais qu’on soit nominés. Mais vous savez, à un moment donné, nous avons atteint des montants faramineux pour la location des salles de cinéma à Los Angeles. Nous sommes allés jusqu’au bout, nous avons fait ce qu’il y avait à faire, mais nous n’avons pas pu suivre le rythme imposé, car nous sommes à peine en train de développer une stratégie pour que le Maroc puisse mieux défendre ses films aux Oscars. C’est un jeu qu’on ne contrôle pas, ce sont les votes qui priment et cela n’a rien à voir avec la qualité du film.

Vous dites que ce n’est pas à cause de la qualité, alors qu’est-ce qui a joué contre le film pour les Oscars?

Les gens qui ont effectué plus de projections dans davantage de salles de cinéma aux États-Unis ont décuplé leurs chances d’être nominés. Ceux qui votent sont éparpillés dans plusieurs villes américaines et les États-Unis c’est dense, entre Los Angeles et New York par exemple, il y a six heures de trajet. Ceux qui avaient plus d’argent et qui ont pu atteindre San Francisco, Chicago... et ont eu plus de voix, ce sont eux qui ont été sélectionnés.

Donc je répète: ce n’est pas la qualité du film qui détermine sa nomination, mais ce sont les votes. Seuls les gens de l’Académie (des Oscars, NDLR) qui ont leur statut officiel peuvent voter. Ce n’est pas facile d’atteindre la shortlist, où il y a 15 films. On a éliminé de grands pays qui disposaient d’un plus grand budget et nous avons pu avoir notre place parmi les 15 derniers, et nous avons eu droit à des articles de presse dans Variety et Hollywood Reporter.

Après la sortie de «La Mère de tous les mensonges» en salles au Maroc, quelle sera la suite?

Le film est en train de suivre son chemin, il sort le 21 février en salles. Les gens sont nombreux à se déplacer pour venir le voir. À Tanger, la salle était comble, tout comme à Casablanca. Je pense que nous devons d’abord nous réconcilier avec notre cinéma. Il faut que les spectateurs marocains aillent au cinéma voir nos films. Et pour l’Oscar, je suis convaincue qu’un jour, on l’aura. On attend notre tour.

Par Qods Chabâa et Adil Gadrouz
Le 19/02/2024 à 13h31