Ce que l’affaire Hajar Raissouni dit de nous…

Zineb Ibnouzahir

Zineb Ibnouzahir . Achraf Akkar

ChroniqueCette affaire odieuse, qui se voit étalée en toute impudeur, à coups de rapports gynécologiques, aura toutefois un mérite. Celui de mettre la lumière sur un sujet ô combien important, passé à la trappe depuis l’avènement au pouvoir des islamistes: le respect des libertés individuelles.

Le 08/09/2019 à 14h38

L’affaire Hajar Raissouni a fait l’effet d’un électrochoc à la société marocaine. Une journaliste arrêtée pour avortement illégal… Rendez-vous compte. De quoi défrayer la chronique, choquer le monde et démonter bien des certitudes.

Jusqu’à présent, le sujet de l’avortement, quand il était abordé dans la presse marocaine, n’avait jamais suscité une telle vague d’indignation. Pourtant, nombreux sont les reportages, les témoignages, les enquêtes qui ont été menées sur ce sujet afin d’éveiller les consciences au fléau que représentent les avortements clandestins. Et de fait, à l’importance de légaliser l’avortement car nous savons tous, autant que nous sommes, qu’aussi bon musulmans que nous soyons, ce n’est pas pour autant que les relations sexuelles hors mariage s’arrêteront du jour au lendemain. «Il faut bien que le corps exulte...», comme chantait Jacques Brel dans sa chanson «les vieux amants».

Et pourtant, rien. Pas l’ombre d’un tressaillement. Il y a bien eu quelques petites manifs organisées par-ci par-là par des militants chevronnés. Mais la dernière en date n’a réuni in fine qu’une dizaine de personnes devant le parlement à Rabat. Pas de quoi s’enflammer.

Mais voilà que pour la première fois, c’est une personnalité publique qui se retrouve clouée au pilori de la justice et de la vindicte populaire. Non pas que ce soit la première à être arrêtée pour un avortement clandestin, bien qu’elle se défende du contraire.

Quand bien même celle-ci aurait avorté, elle ne serait ni la première, ni la dernière de cette très très longue liste de femmes, dont bon nombre font partie de nos entourages, qui ont eu recours à cette pratique un beau jour pour des raisons qui leur appartiennent et que nul n’est en droit de juger.

Hajar Raissouni, bien malgré elle, se voit endosser aujourd’hui le rôle de porte-parole d’une cause à laquelle elle n’avait jamais été associée auparavant. Mais qu’est ce qui fait la différence entre cette jeune femme et toutes les autres qui sont un jour passées sur la table froide d’un cabinet de gynécologue douteux pour avorter dans la souffrance et dans le silence? Rien. Absolument rien.

Toutefois, grâce ou à cause de sa notoriété, les Marocains découvrent la violence de la procédure qui entoure cet acte considéré comme un délit. Oui, les policiers l’ont arrêtée. Oui, ils l’ont placée en garde à vue. Oui, elle a dû être soumise à des examens gynécologiques contre son gré. Oui, c’est violent. Oui, elle encourt une peine de prison. Oui, c’est moche. Et figurez-vous que tout cela n’est pas nouveau. C’est dans la loi, c'est écrit noir sur blanc sur le Code pénal.

Alors? Que fait-on maintenant? Va-t-on enfin se décider à faire bloc, tous ensemble, pour forcer le gouvernement à dépénaliser l’avortement et éviter aux femmes ce type de violences? Ou va-t-on se contenter d’exprimer son indignation sur Facebook, outil d’un militantisme de pacotille, et oublier ce combat aussi vite qu’on a oublié qu’on a aussi «milité» contre les incendies en Amazonie, le plastique qui pollue, les gardiens de voitures de Casablanca et les loueurs de parasol sur la plage de Ain Diab?

C’est aussi la première fois qu’une femme connue du grand public, de surcroît réputée proche de l’idéologie islamiste, se retrouve confrontée à ce type d’accusations. Bien des idées reçues s’effondrent. Oui, figurez-vous que toutes les femmes, sans exception, sont concernées par l’avortement. Qu’elles portent le voile, qu’elles prient cinq fois par jour, qu’elles soient bnat ennass, parfaites sous tous rapports ou qu’elles écument les bars de Casablanca en mode sex & the city. Voilà donc une vérité enfin exposée au grand jour et qui fera peut-être réfléchir à deux fois les moralisateurs(-trices) qui se donnent le droit de juger les autres. Et dans ce cas de figure, la femme est la pire ennemie de la femme.

Autre première, on découvre sur les réseaux sociaux, émerveillés pour ne pas dire contrits, une vague d’indignation portée par un slogan «Mais, enfin, elle est libre de disposer de son corps! Bienvenue au Marokistan!»

Est-ce une blague? Vivons-nous bien dans la même société, le même pays? Depuis quand une femme est-elle libre de disposer de son corps dans un pays arabo-musulman? Dans cette phrase qui est revenue bien souvent dans les commentaires de cette révolte 2.0, on retrouve en effet toute la complexité, pour ne pas dire l’hypocrisie, d’un Maroc qui fait l’apologie de la bienséance religieuse mais qui a tôt fait d’envoyer paître la religion et la loi devant un bon verre de whisky ou une partie de jambes en l’air.

On retrouve le clivage entre ces Maroc à multiples facettes. Ce pays où vit dans une bulle hermétique l’élite bourgeoise qui vit à l’occidentale et pour qui les interdits religieux et sociétaux sont un vague concept. Et le Maroc du plus grand nombre d’entre nous, le pays de ceux qui n’ont pas de bulle où se réfugier.

Qu'elle est douce cette idée que la femme pourra un jour disposer de son corps en toute légalité sous nos cieux, qu’on habite à Anfa Sup ou Hay Mohammedi. Malheureusement, quand les mouvements féministes militent dans ce sens, c’est à une levée de bouclier qu’ils se retrouvent confrontés. «Et le chômage, et la corruption, et l’état du système éducatif, et les hôpitaux insalubres… Z’avez que ça à foutre? Penser au sexe? Bandes de dépravées…» Encore une cause qu’endosse aujourd’hui Hajar Raissouni, certainement malgré elle.

Enfin cette affaire a permis de mettre en lumière un autre fléau qui sévit malheureusement encore à travers le pays, le mariage coutumier. Voilà une femme, intellectuelle, cultivée, faisant partie de l’élite du pays, qui a pourtant recours à une union par la Fatiha (c’est à tout le moins ce qu’avancent ses proches).

Une union que la loi ne cautionne plus, tant les ravages causés par ce type de mariages à travers le Maroc sont légion. Au nom de la Fatiha, combien de Marocaines se sont-elles fait avoir par des hommes sans scrupules qui prétendent le temps d’une prière vous prendre pour épouse? Un bon moyen de profiter de la bonne foi de leur «épouse devant Dieu» pour jouir des plaisirs charnels et une fois l’acte consommé… Pouf! Disparu dans la nature. Combien d’entre elles se sont retrouvées enceintes, pensant être mariées, pour ensuite découvrir horrifiées que la loi les traite en mères célibataires et donc en débauchées, sans aucun droit pour les protéger. Hajar Raissouni paie aujourd’hui le recours à une tradition qui n’a plus lieu d’être…

Cette affaire odieuse, qui se voit étalée dans la presse et sur les réseaux sociaux, en toute impudeur, à coups de rapports gynécologiques de la jeune femme et de contre-expertises qui violent son intimité, aura toutefois un mérite. Celui de mettre la lumière sur un sujet ô combien important, passé à la trappe depuis l’avènement au pouvoir des islamistes: le respect des libertés individuelles.

Par Zineb Ibnouzahir
Le 08/09/2019 à 14h38

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L'avortement est un symptome ,révèlateur de problèmes bien plus profond. La prostitution en est un. L'égaliser l'avortement à tout va ne résoudra aucunement ces problèmes. Cela ne veut pas dire qu'il faille une réflexiion pour élargir l'avortement à des cas bien précis comme le viol, l'inceste et la malformation grave du foetus car dans ces cas la femme est une victime. Certaines libertés individuels sont autorisés dans certains pays occidentaux et interdites dans d'autres car tout n'est pas transposable d'un pays à l'autre sans prendre en compte l'histoir,la culture,la religion et valeurs du pays au risque de fracturer gravement la société alors que cohésion sociale droit primer avant tout. Certaines personnes veulent légaliser des pratiques contraires aux bonnes moeures ( relation sexuel hors mariage,adultère etc)et à l'islam au nom des libertés individuels à l'occidental en faisant fi des valurs du pays et se gardant bien de parler des conséquences sanitaires et sociales direct que cela aurait sur la société. (hausse de la prostitution, hausse du nombre de mère célibataire,hausse des MST dont le vih et hausse du tourisme sexuel) Nous n'avons pas à ceder à une minorité qui ne veut imposer un modèle sociétal qui n'est pas celui de l'immense majorité du peuple marocain.

Tout à fait juste

Une poignée de malades occidentalisés,c'est à dire auto-dépouillés de leur culture et vendus au diable blond;des misérables qui ne sont plus assez marocains et ne seront jamais que des laquais des occidentaux .Voilà ce que sont ces mercenaires de la plume qui voient ,dans l'assassinat d'un embryon,une expression de liberté individuelle et un droit de disposer de son corps pour la femme qui se fait avorter . Le pire est que ce sont gens qui ne réalisent même pas combien ces mêmes occidentaux les méprisent et ne voient en eux que des minables qu'ils utilisent pour essayer de discréditer la culture et la religion musulmanes.

Oui nous parlons du (fruit de nos entrailles) comme chanter un certain Daniel balavoin un dossier extrêmement délicat oui!il faut bien que le corps exulte,voulu ou forcė,mais ça mes entre nos mains le choix de vie ou de mort!!!.

Quel que soit le prétexte, religieux ou laïque, les musulmans ne respectent pas la femme. Elle reste considérée comme mineure, et le plaisir lui est interdit. A-t-on jamais traité de débauche un homme qui couche ? Non ! Mais avec qui couche-t-il ? Des "putes" pas si les de prison pour débauche On devrait faire une pétition ou toutes les déclarent avoir avorté (que ce soit vrai ou faux)

des hauts responsables politiques marocains sont homosexuels et pourtant on dit rien sur eux compte tenu d'une personnalité qui a une lueur islamique on l'attaque sans pitié que elle hypocrisie ! !

Zineb Il y a en effet un "nous" marocain tellement notre société est composite pour ne pas dire bipolaire... Et tu as mille fois raison de souligner l'horreur des conditions clandestines dans lesquelles des femmes sont forcées d'avorter en cas de nécessité. Mais comment ne pas évoquer également ceux pour qui une fois conçu, ne serait-ce qu'à titre embryonnaire, un enfant n'appartient plus qu'à la vie elle-même comme dirait Khalil Jibrane... Ce qui rend caduques les prétentions et l'hypothétique droit des femmes à disposer librement du fruit de leurs entrailles. Comment donc dépasser ce point éminemment conflictuel de confrontation entre deux camps aussi retranchés ? En partant du principe que les enfants appartiennent davantage à la Nation qu'à leurs parents. Dès lors, la solution crève les yeux : que ces femmes-là fassent en quelque sorte don de leurs enfants non désirés à l'état, qui les confiera aux structures appropriées d'assistance sociale. L'occasion de se soucier de l'état de nos orphelinats, tellement les enfants qui y vivent ont besoin eux aussi de notre indignation... Ce qui suppose que la fonction publique nationale mette le paquet en matière de prestations sociales. Ce qui suppose surtout un profond changement de mentalités. D'une part en matière de dogmatisme religieux, qui s'est trop éloigné de l'idée que le Dieu créateur de toute vie ne veut que du bien à ses créatures, dans la mesure toutefois où elles ne seraient pas cause de désordre; d'autre part en matière de conscience nationale, dans la mesure où la liberté individuelle n'est que relative et que c'est l'ordre social et civilisationnel qui doit primer. Cessons donc d'accabler l'Islam à lui tout seul de la réprobation et de l'interdiction de l'avortement. En Occident, les refuzniks catholiques ne désarment toujours pas face au libertarisme en vigueur pour ce qui est notamment du droit à disposer de son corps; tandis qu'en France, tout le monde n'est pas convaincu que Simone Veil, mère indigne selon eux de la loi légalisant l'avortement, mérite la place qu'elle occupe au Panthéon. Reste le drame tragique et bouleversant vécu à titre personnel par Mme Raissouni, qui découvre à ses dépends combien au Maroc tout est permis à condition de ne pas se faire prendre ;-] et dont on ne comprend pas comment elle et son amant n'ont pas pensé ni à prendre la pilule ni à enfiler un préservatif ? Mais plus vite nous nous serons mis d'accord sur l'avortement et plus tôt on pourra en venir à l'ultime liberté revendiquée par l'humanité au nom de son individualité et de citoyenneté : l'euthanasie ou le droit de chacun de mourir à sa guise...

Je suis très triste de voir mon pays de cœur incapable d’offrir à tous ces citoyens la dignité à laquelle ils ont droit. Arrêtons d’être schizophrène. Soyons courageux et décrétons la liberté de disposer librement de nous même. Vive la laïcité . Je suis heureux de ne pas avoir enfanté dans ce pays.

Le Maroc que tu appelles... "mon pays de cœur" à l'islam comme religion d'état et cela restera ainsi inshâ Allâh. Heureuse de savoir que tu n'as pas enfanter au Maroc.

WTF!!!! Who cares what women do with their body? The abortion should be punishable by law, it's a murder of an innocent human being even not born yet. Im not a prude and couldn't care less what women or men are up to, it's their lives but don't use a platform such as LE360 to spread your criminal believes . Abortion is a murder end of.

Rien à redire, Youssef a tout dit....l'avortement est un meurtre et l'argument de la liberté de disposer de son corps est simplement une blague.....l'islam a le dos large et ne peut pas se défendre donc tout les maux de la planète lui sont mis sur le dos...si seulement nous même faisions un travail sur nous même pour ne pas tomber dans ces problèmes là alors la société irai beaucoup mieux...l'islam nous apprend tout et nous explique tout, à nous d'être honnête avec nous même et ne pas nous voiler la face avec des mensonges et une pseudo émancipation à l'occidentale......

Depuis quand une journaliste est personnalité publique????

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