De Rabat à Paris en passant par New York, les populistes ont le vent en poupe et la citoyenne, la femme engagée, l’humaniste que j’essaie d’être en est bien triste. Si l’on considère, et c’est mon cas, que l’islamisme est un populisme, la victoire du PJD aux élections législatives m’inquiète évidemment. Les discours excessifs, rétrogrades, poujadistes de ses cadres me hérissent.
Pendant les cinq années à venir, il faudra rester vigilant et à chaque fois que nécessaire, condamner leur misogynie, leur puritanisme, leur refus de regarder en face certaines évolutions de la société marocaine, notamment en matière de mœurs. Certes, le résultat des élections n’est pas celui que j’aurais souhaité mais le peuple est souverain et, avant tout, je me réjouis que l’on vote, et que le parti élu puisse exercer le pouvoir sans que soit versé le sang. C’est l’esprit même de la démocratie et le fruit de décennies de combat qu’ont mené nos parents et d’autres avant eux.
Souvent, je me dis que ma génération est très chanceuse. Elle n’a jamais connu la guerre. Depuis ma naissance, le champ des libertés – d’expression, de circulation, de réunion, etc. – s’est élargi. Mais de nombreux combats restent à mener ne serait-ce que pour protéger ces acquis. Et face à cela, quelle apathie, quelle indifférence !
Les chiffres vertigineux de l’abstention doivent nous interpeller, tout autant que le très faible taux d’inscription sur les listes électorales. Ils signifient le peu de crédit que les citoyens accordent à la politique et à ceux qui les représentent, qui ne seraient pas en mesure d’agir sur leur destinée ou qui n’en auraient pas vraiment l’intention. D’ailleurs, n’est ce pas l’argument même de ces populistes que de fustiger les élites, les «professionnels de la politique» qui mentent au petit peuple, qui le manipulent et qu’eux, les «vrais représentants du peuple» ont bien l’intention d’écraser et de réduire au silence? Combien de Benkirane, de Trump, de Marine le Pen et autre Viktor Orban utilisent ces arguments à foison? Les populistes se présentent comme les défenseurs du peuple et bien souvent, ils en sont les pires ennemis. Car si on ne peut réfuter qu’il existe un mépris du peuple et un décalage grandissant entre des élites mondialisées et les classes populaires, je doute grandement que les populistes nouvelle génération soient une solution pour rétablir un dialogue qui est rompu.
Quel spectacle horrifiant que d’assister, cette semaine encore, au débat entre Donald Trump et Hilary Clinton, les deux candidats à l’élection présidentielle américaine. Attaques en dessous de la ceinture, insultes, menaces, accusations sordides ; ce débat censé soulever les problèmes du peuple américain ne valait pas mieux qu’un combat de rue. Quelle honte de servir un spectacle pareil à des citoyens! Quelle indécence que d’offrir ce visage de la politique, dans un pays rongé par le chômage, le surendettement, le racisme de masse.
En France, où les primaires de la droite approchent et où les élections présidentielles sont déjà en marche, le débat ne vole pas plus haut. On assiste à un concours de petites phrases où l’on fait des promesses intenables en terme de sécurité, de contrôle aux frontières, de réforme des institutions. Tout ou plutôt n’importe quoi, pourvu que ça fasse le buzz ! Et l’esprit du populisme est bien vivace. Nicolas Sarkozy, qui s’est auto-désigné comme le «candidat du peuple», ne promet-il pas de faire du referendum un nouveau mode de gouvernement, redonnant ainsi le pouvoir à «la France d’en bas»?
Et pendant ce temps, alors qu’ils remuent la fange, qui parle de la misère, du manque de logement, de la précarisation des jeunes et des femmes? Qui parle des millions d’enfants vivant sous le seuil de pauvreté, du naufrage de l’éducation, de la santé ou du système pénitentiaire? Le peuple devrait se méfier de ceux qui prétendent parler en son nom et qui ne proposent, pour le défendre, que de lui désigner de nouveaux ennemis.