Les frontières ont toujours été au centre des conflits historiques. Le Maroc et l’Algérie ne font pas exception. Depuis août 1994, les 1.500 km de frontières communes entre les deux pays sont fermés, causant ainsi aux deux peuples d’énormes préjudices économiques, politiques et moraux. Le 24 août 1994, un attentat avait été commis à l’hôtel Atlas-Asni à Marrakech par trois ressortissants français d’origine algérienne. Le Maroc avait accusé les renseignements algériens d’y être pour quelque chose. Résultat: autant fermer les frontières terrestres par où seraient passés les terroristes. Les effets de cette colère auraient dû être de courte durée, malheureusement elles perdurent.
Depuis, les deux pays se tournent le dos et des tensions ne cessent de s’aggraver et pourrir les relations entre deux voisins qu’en principe tout rapproche.
Je me souviens de l’époque où Algériens et Marocains circulaient librement entre les deux pays. On se rendait compte combien les deux peuples se ressemblent et combien ils ont besoin l’un de l’autre. Cette fraternité réelle, qui n’a rien de superficiel, a été écartée, mise dans une cave et privée d’oxygène. C’est vraiment dommage. Mais la politique ne connaît pas de sentiments.
La Banque mondiale a estimé que cette situation coûte à la région plusieurs milliards de dollars. Le commerce entre les cinq pays du Maghreb ne représente que 3% de leurs échanges globaux. C’est affligeant de constater que l’entêtement des deux gouvernements se traduit par des pertes immenses et par des menaces de déflagration de plus en plus inquiétantes. C’est simple, l’Algérie a dépensé dix milliards de dollars en armement l’année dernière, contre trois seulement pour le Maroc. Cette course aux armes est stupide et ruineuse. On sait qu’elle est encouragée par des puissances qui ont besoin de faire tourner leurs usines qui fabriquent des armes.
Les deux peuples ont besoin d’infrastructures de qualité pour consolider une politique d’éducation de haut niveau, pour lutter (en tout cas au Maroc) contre l’analphabétisme, pour mettre sur pied un service public de santé qui soit de qualité et surtout gratuit, pour doter les deux pays de lieux de culture et de sport répondant à une large demande d’une jeunesse qui veut vivre et travailler sans être tentée d’émigrer dans des conditions dangereuses.
Mon ami l’écrivain Kamel Daoud me faisait remarquer dernièrement que ce qui l’inquiète le plus c’est le fait qu’en 24 ans que dure cette fermeture des frontières, c’est toute une génération qui ne connaît rien du Maroc et qu’il en est de même du côté marocain. Une jeunesse nourrie par des propagandes de haine et de méfiance. Une jeunesse ignorante des réalités des uns et des autres.
© Copyright : DRIl est temps que cette situation absurde soit réglée. Si l’éphémère Union du Maghreb avait pu fonctionner, nous n’aurions pas aujourd’hui les difficultés que nous connaissons avec nos amis européens. Imaginez un Maghreb uni, avec une économie forte et bien structurée, une économie qui se complète et qui, du coup se renforce, la parole de cette entité serait entendue et notre place dans le monde changerait du tout au tout. Il faut manquer de rationalité, manquer d’intelligence pour perpétuer cette situation qui ne profite qu’aux marchands d’armes.
Depuis le 19 juin, une pétition circule en Algérie pour la réouverture des frontières avec le Maroc. En même temps un site haineux réclame le contraire. Quoi qu’il en soit, il faut privilégier la raison et la dynamique de l’histoire et passer outre les rancœurs et les mauvais souvenirs.
Si l’Algérie accepte d’ouvrir les frontières, elle sera dans le sens de l’histoire et de cette fraternité qui a été si belle et si efficace durant les temps difficiles. Des frontières séparent, d’autres réunissent. Faisons en sorte que celles entre nos deux pays unissent et réunissent des destins qui se complètent et qui ont besoin l’un de l’autre. Il suffit de le vouloir. Les peuples applaudiront.