Sidi Moussa, une merveille ou une poubelle?

Fouad Laroui.

Fouad Laroui.. KF Corporate

ChroniqueC’est tout le Maroc qui devrait être classé réserve ornithologique et nous devrions n’y être que tolérés. Avec obligation aux nombreuses familles Sans-gêne de suivre des cours d’éducation civique, de sciences de l’environnement et –tout simplement– de propreté.

Le 28/07/2021 à 11h22

Je ne sais pas si le Maroc est le plus beau pays du monde, comme l’affirme avec aplomb notre ministre du Tourisme, mais il est certain qu’il recèle son lot d’endroits magnifiques, majestueux ou magiques.

Quand j’étais petit, la plage d’El Jadida suffisait à mon bonheur. Une partie en était privatisée, sous le nom officiel de ‘Deauville’, et nous la contemplions de loin, comme de simples mortels au portemonnaie vide. Mais tout le reste était à nous. Plus tard, à l’adolescence, nous découvrîmes Sidi Bouzid et Jorf Lasfar, où l’OCP n’avait pas encore installé le plus grand complexe chimique d’Afrique.

Mais tout cela n’est rien à côté de Sidi Moussa, à quelques encablures au sud d’El Jadida. Imaginez une immense lagune, des salines d’un blanc éclatant, un vol de flamants roses, des plages sauvages, l’océan qu’on entend rugir de l’autre côté des dunes…

C’est là que nous allons passer nos journées de plage, mes frères et sœurs et moi, depuis quelques années. Nous laissons El Jadida à la foule, Sidi Bouzid à ceux qui veulent mourir frigorifiés –on s’y baigne dans un iceberg fraîchement fondu– et Jorf Lasfar à l’OCP.

N’espérez pas découvrir Sidi Moussa: l’entrée n’est indiquée nulle part, elle est dissimulée dans des fourrés qui semblent impénétrables. La zone toute entière est classée réserve ornithologique, on n’a pas le droit d’y construire, aucune habitation ne la défigure (retenez-moi où je vais de nouveau me lancer dans une lamentation du désastre qui a nom El Harhoura…).

Vendredi dernier, deux jours après l’Aïd, nous nous installons sur la plage, face à la lagune, mes frères, sœurs, belles-sœurs et moi, avec leurs enfants.

Derrière nous, à une dizaine de mètres, campe une famille papa-maman-trois-enfants. Appelons-les la famille Sans-gêne, ils jouent un rôle dans cette histoire.

La journée est idyllique. On se baigne, on fait du canoë, on lit, on rêvasse, on joue…

La famille Sans-gêne passe aussi un excellent vendredi. On les entend parler et rire, on voit les enfants courir et plonger dans l’onde calme. Et puis, vers la fin de l’après-midi, on les entend qui s’apprêtent à s’en aller. «Prends tes sandales, plie le parasol, mouche le mioche, n’oublie pas la glacière…» Ils s’en vont.

J’ai un pressentiment. Je n’ai pas envie de me retourner. J’ai trop peur d'être pétrifié comme ceux qui ne peuvent s’empêcher de croiser le regard de la Gorgone. Mais c’est plus fort que moi. Je me retourne.

Horreur et damnation.

La famille Sans-gêne a laissé tous ses détritus à l’endroit où elle avait planté son parasol. Bouteilles en plastique, papiers gras, os de poulet, trognons de brugnons, peaux de banane… C’est certainement à cette famille qu’Ibn Khaldoun pensait quand il écrivit dans son Kitab al-‘ibar la fameuse phrase: «Là où ils passent, tout trépasse.»

Pour ceux qui auraient oublié le début de ce billet, rappelons que Sidi Moussa est une ‘zone humide’ protégée par l’UICN (Union internationale pour la conservation de la nature) et c’est également une réserve ornithologique. Elle appartient aux oiseaux, les humains n’y sont que tolérés.

Mais quand on tolère la famille Sans-gêne, c’est la fin des haricots.

Je suis sûr que papa Sans-gêne, comme la plupart des Marocains, n’a que Dieu, le Prophète et le Coran à la bouche – et il ne voit aucune contradiction avec le fait de traiter le monde comme une poubelle à ciel ouvert. Ne dit-on pas, pourtant, que la propreté fait partie de la foi?

Papa et maman Sans-gêne se préoccupent sans doute de l’éducation de leurs enfants et se ruinent pour les mettre dans une école privée d’élite – et ils salopent une merveille de la nature sous les yeux desdits enfants?

Je suis revenu perplexe de Sidi Moussa. En fait, c’est tout le Maroc qui devrait être classé réserve ornithologique – depuis des millions d’années, les oiseaux n’ont jamais rien détruit ni pollué– et nous devrions n’y être que tolérés. Avec obligation aux nombreuses familles Sans-gêne de suivre des cours d'éducation civique, de sciences de l’environnement et –tout simplement– de propreté. 

Par Fouad Laroui
Le 28/07/2021 à 11h22

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Merci Fouad LAROUI pour ce billet PÉDAGOGIQUE. L'attitude de ces 'bons musulmans' à la plage de Sidi Moussa ne me surprend pas. Les manuels d'éducation religieuse (œuvre des inspecteurs de l'enseignement primaire et secondaire) sont conçus pour former les Marocains à devenir de bons citoyens du... paradis.

Bsr professeur.Un Italien qui n'avait plus de cigarettes en demande à un Marocain(MRE).Celui-ci lui offre la clope et comme elle était la dernière dans le paquet,il le froisse et le jette se croyant au pays.L'Italien lui dit illico presto de ramasser ce qu'il a jeté et de ne pas salir son pays.Voici ce qu'il nous faut au pays.Nous ne devons pas salir notre cher pays,ni laisser d'autres le faire.A bon entendeur,salut.

je n exagere pas en disant que les chroniques de fouad sont pour la plupart a portee pedagogique simple et amusante a enseigner a nos jeunes en classe de facon a les sensibiliser et developper chez eux l esprit de civisme qui nous fait tous defaut fouad est un pedagogue talentueux son style e st aise et a la portee des lecteurs de tout age .merci

C'est vraiment triste de voir que les gens ne respectent pas leur pays. Ils devraient au contraire le protéger et le garder beau comme un joyau pour en être fier. Cela me rappelle le jour où j'attendais le bus à une station, je mangeais une mandarine, que j'avais dans un sac.. j'en offre une à un jeune homme qui se trouvait à côté de moi, il la prend et jette aussitôt les peaux sur le trottoir. Je lui dis "il faut mettre les peaux dans le sac comme je le fais, et pas sur le trottoir", il me repond "pas grave on est au Maroc ", je lui dis aussitôt "tu dois respecter ton pays et le garder beau et propre". J'ai été choquée par la réponse de ce jeune qui avait quand même une vingtaine d'années.

Bjr professeur.Jadis,la ville de Khouribga recevait le trophée de la ville la plus propre du Maroc.Ce n'est plus le cas car...inutile! En revenant de l'étranger,beauco- up de nos concitoyens savent qu'ils sont dans le bled rien qu' en voyant les détritus au coin des rues ou le long des boulevards surtout qu'ils ont laissé derrière eux des villes très propres.La propreté dans nos villes,nos villages et nos campagnes est l'affaire de tout un chacun car il y va de notre image et de notre santé.Quelques initiatives nous montrent,si besoin est,que c'est possible de vivre dans la propreté avec un minimum d'efforts de la part de chaque citoyen.En effet,il suffit de jeter les déchets là où il faut pour ne pas salir.Merci pour énième votre leçon d'éducation civique.

Dans la famille que vous décrivez, il n'y avait pas 2 adultes et trois enfants mais plutôt cinq enfants en tout ! Avec deux d'entre eux qui possédent la faculté primitive de se reproduire ! En général, le peuple marocain est un peuple de mineurs qui a besoin de tutelle et dont l'éducation est à refaire !!

Une autre habitude est d'enterrer les déchets, qui sont difficiles à brûler. Mais que peut on faire où il n'y a pas de ramassage des poubelles?

Je ne comprends pas ces familles sans gêne. Pourtant ce sont des familles ayant des idéaux ( scolarisation réussie pour leurs enfants, propreté dans leurs demeures etc...). Et pourtant, pourtant comme disait Charles Aznavour

Bonjour Si Laroui pour cet excellent article qui décrit l'éducation civique de nos citoyens tout âge confondu. Permettez moi de préciser que la zone humide de Sidi Moussa est sous la tutelle du Département des Eaux et Forets et que l'UICN ne crée pas des réserves naturelles ni des parcs nationaux mais a élaboré les critères et références pour classer ses zones en 6 catégories d'aires protégées. Salutations,

Merci pour ces précisions utiles.

J'ai un certain âge qui me permet de témoigner de la dégradation continue de notre niveau de civisme qui ,d'ailleurs, n'a jamais été appréciable. Depuis longtemps, nous ne faisons que tourner en rond ! On va où ? et comment y parvenir ? Aujourd'hui, les clivages idéologiques ont tendance à s'estomper. Il n'y a plus de mesures de droite et de mesures de gauche, mais simplement des mesures qui marchent et des mesures qui ne marchent pas. Bref, nous avons besoin d'un régime autoritaire éclairé qui fait les réformes nécessaires et impose le strict respect de toutes les règles .Nous avons un système politique et de gouvernance inefficace, très coûteux, corrompu ,qui n'excelle que dans la bureaucratie et l'art de mettre les bâtons dans les roues (à quelques nuances près)

Cher Monsieur, ce que vous avez vu sur cette plage est notre quotidien à Casablanca. ça envoie des détritus à l'envie quelle que soit la taille ou la marque de la voiture, le prix de la montre ou la longueur de la barbe de celui qui balance. Et en plus, ça se permet de donner des leçons ou de se sentir agressé quand on leur met le nez dans leurs saletés ... C'est triste et usant.

Je vis à temps partiel, depuis 15 ans, dans un petit village à 3 km d'Aglou plage, que les anciens appellent Sidi Moussa ! C'est pourquoi votre article m'a doublement interpellé. Au début de mon séjour, le champ devant ma maison servait de dépotoir. Chaque matin -ou presque- mon épouse et moi passions une demi-heure à ramasser tous les détritus. Au bout de 3 ou 4 ans, les villageois nous voyant faire, ont "perdu" leurs mauvaises habitudes de tout jeter partout et se sont "résignés" à utiliser la poubelle municipale. Tout ça n'est qu'une question de pédagogie. Et tant que l'école ne fera pas ce travail éducatif, les Sidi Moussa d'El Jadida et d'ailleurs resteront des poubelles. Dommage pour le Maroc.

C'est malheureux mais c'est typiquement Marocain , aucune consideration pour la nature et la proprete, Aapres moi le deluge

Excellent texte comme d'habitude. Un désastre. Le manque de civisme et d'éducation est flagrant dans notre pays. La propreté fait partie de la foi où est cette foi ? Lorsque vous voyez le vendredi une bande de personnes faire leur prière juste à côté des poubelles et sacs en plastique. Pffff

C'est, malheureusement, une triste réalité que vous décrivez. Votre émotion nous touche, du moins me touche profondémént. je vous invite à Souiria avec plaisir..Ma port est grande ouverte pour vous et nous irons faire une balade qui vous marquera surement.

La dialectique entre espace privé et espace public n'est pas encore de mise chez beaucoup de personnes ; je ne sais si c'est un problème de conscience civique ou de rigueur morale, ou tout simplement de représentations ! L'École a un grand rôle à jouer là-dessus, non seulement en faisant le prêche de la bonne parole (éducation civique théorique), mais en organisant des sorties pour les enfants, dès le jeune âge, dans des sites dits protégés, et ce, aux fins de les sensibiliser à la protection de la nature (faune et flore compris) et sa portée sur l'écosystème, sur la santé d'abord, et sur le développement du pays...

Certainement, la représentation ‘espace public / espace privé’ joue un rôle là-dedans. L’enjeu de l’éducation est précisément de montrer que l’espace public est aussi ‘à nous’ et qu’il faut donc en prendre soin. Mais le problème des représentations est qu’elles sont ancrées dans nos têtes: il est difficile de les faire évoluer. Là encore, le mot-clé, c’est l’éducation. Par les parents, par l’école, par les médias...

MERCI POUR CET ARTICLE, MALHEUREUSEMENT, C'EST NOTRE LOT QUOTIDIEN A HAOUZIA A EL JADIDA. IL Y'EN A QUI BALANCE LEURS COUCHES DE BEBE DANS LES DUNES. NOUS AVIONS ORGANISE UN RAMASSAGE AVEC UNE 20 DE PERSONNES 1 TONNE DE DECHETS EN 2 HEURES. LA COMMUNE NE S'INQUIETE PAS DU TOUT CAR PAS DE POUBELLES ET AUCUN SIGNE INCITANT LES ESTIVANTS A RAMASSER. ESSAOUIRA, NOUS DONNE ENCORE UNE LECON A MEDITER : PLAGE PROPRE ET DES EMPLOYES COMMUNAUX TRES MOTIVES PAR LA PROPRETE DE LEUR PLAGE...NOS EMPLOYES A HAOUZIA RAMASSENT MAIS JETTENT DANS LES DUNES EN CACHETE

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