La bonne âme de Benguerir

Fouad Laroui.

Fouad Laroui.. KF Corporate

ChroniqueFinalement, je ne peux faire pour elle que ce geste: témoigner de l’existence d’une bonne âme à Benguerir, qui a racheté pour moi toute l’humanité, lundi dernier.

Le 14/07/2021 à 11h01

Lundi dernier, je suis rentré à la maison en fin d’après-midi, après une rude journée de labeur, et j’ai trouvé deux billets de banque posés sur la table de la salle à manger. Il y avait là un billet de 50 dirhams et un billet de 20 dirhams, ce qui fait un total de 70 dirhams, quelle que soit la façon de compter. Or j’étais sûr qu’il n’y avait rien sur la table quand j’étais parti le matin, le nez au vent, affronter la canicule.

Intrigué, je vais voir le gérant de la résidence: il tient la garde non loin du portail d’entrée. Je lui explique la chose, l’apparition miraculeuse des 70 dirhams. Il me répond qu’il est déjà au courant.

– C’est la femme de ménage, Fatym-Zahra, qui les a trouvés et qui les a posés sur la table. En passant devant mon bureau, elle m’en a avisé.– Ah bon? Mais où les a-t-elle trouvés? Par terre? C’est bizarre, je n’avais rien vu en sortant et pourtant je fais toujours très attention avant de quitter la maison.– Elle ne les a pas trouvés dans la villa, ils gisaient devant le portail, sur le trottoir.

J’étais stupéfait. Sur le trottoir? Devant le portail?

– Mais comment pouvait-elle savoir que cet argent m’appartenait?

– En ce moment, il n’y a presque personne dans la résidence, à cause des vacances. Elle a donc supposé que c’était à vous.

Alors là, les bras m’en sont tombés. Les vôtres viennent aussi de choir, j’espère. Qu’on rende l’argent trouvé à l’intérieur d’une maison, d’accord, la plupart des gens sont honnêtes à ce compte; mais qu’on rende des billets trouvés dans la rue, sur le trottoir, alors là, chapeau! Je crois que même au Danemark ou en Finlande –pays réputés les plus honnêtes du monde– tout le monde n’aurait pas fait ce que la femme de ménage de Benguerir a fait. Et pourtant, 70 dirhams, ce n’est pas rien, pour elle.

Il se trouve que ce lundi-là j’étais rentré de fort mauvaise humeur à la maison, ayant eu une fois de plus la preuve de la méchanceté et de la bassesse humaine quand elles peuvent faire usage des journaux et des réseaux asociaux. Pourquoi les gens colportent-ils avec tant de joie mauvaise les mensonges et les calomnies? Pourquoi font-ils le lit de la diffamation?

Je n’avais pas une très haute opinion de l’espèce humaine, lundi dernier. Et puis cette femme de ménage à l’honnêteté scrupuleuse m’a ramené à des sentiments plus chrétiens –pardon, plus musulmans. Il faudrait peut-être lui donner la nationalité finlandaise ou suisse –monsieur l’ambassadeur, me lisez-vous?

J’ai pensé à lui offrir des fleurs, au risque de voir débarquer chez moi un rude Bouazza, supposément son mari, me demandant une explication. Mais y a-t-il un fleuriste à Benguerir? J’ai pensé à lui offrir une boîte de chocolats y a-t-il mais y a-t-il un Jeff de Bruges à Benguerir?

Finalement, je ne peux faire pour elle que ce geste: témoigner de l’existence d’une bonne âme à Benguerir, qui a racheté pour moi toute l’humanité, lundi dernier.

Par Fouad Laroui
Le 14/07/2021 à 11h01