«Le Sommet arabe sera un succès dans la mesure où l'Algérie n'a aucune autre intention derrière cette organisation que d'œuvrer pour l'unification des rangs arabes». «Tous les pays vont se retrouver en Algérie, qui n'a de problème avec aucun pays arabe et respecte tous les Etats».
Non, ce n’est pas une farce digne de l’humour burlesque et cynique de Groucho Marx, mais bel et bien des déclarations du président algérien lors d’une rencontre avec la presse.
Le sens de l’absurde atteint là ses plus hauts sommets.
Nous parlons bien du même régime qui compromet toute unité maghrébine par son hystérie anti-marocaine, avec comme obsession monomaniaque de diviser et d’affaiblir le Royaume avec lequel toute relation diplomatique a été unilatéralement rompue malgré les sages mains tendues et les appels à l’abrogation des frontières terrestres - auxquelles fut ajoutée la fermeture de l’espace aérien - en tant qu’aberration entre les Etats et les peuples!
Qui est donc le parrain forcené de cette république fantôme et fiction sans existence légale, non reconnue par l’Union du Maghreb arabe, ni par la Ligue arabe, ni par l'Organisation de la coopération islamique, ni par l’Union européenne, ni par l’ONU, non plus que par les deux tiers des membres de l'Union africaine, où sa présence est assimilée de plus en plus à une «anomalie fâcheuse», une «erreur historique» et un «non-sens du point de vue du droit international»?
On se demande bien aussi qui a offert un avion gravé de ses insignes nationaux au chef de la milice polisarienne, qui a atterri en Tunisie où il fut reçu en grande pompe et en fanfare par son président mué en vassal, rompant par son geste provocateur avec la neutralité positive de ses prédécesseurs et enfonçant le dernier clou dans le cercueil de l’unité du Maghreb!
A voir, entre parenthèses, l’incapacité de certains à comprendre la gravité d’un acte qui offense l’ensemble des Marocain pour qui le Sahara est une cause nationale sacrée, osant encore parler de neutralité, je ne peux m’empêcher d’être traversée par un sentiment de peine pour un pays ruiné économiquement et de penser en même temps, par ce geste pour le moins inamical de son chef d’Etat, à cette fameuse réplique de film: «Cela n’a rien de personnel, c'est uniquement les affaires.» Au moins là, il y a le mérite de la franchise!
Qui envisage, par ailleurs, l’organisation du Sommet de la Ligue arabe comme une faveur et un passe-droit, servant à imposer son propre programme par des manœuvres visant l’éviction du Maroc, d’un côté, et la réintégration de la Syrie, de l’autre, en prenant le risque de la limitation drastique des niveaux de représentation, voire d’un autre report si ce n’est d’un renvoi pur et simple aux calendes grecques?
A cet égard, le dernier Conseil de la Ligue des Etats arabes, dont les travaux se sont déroulés au Caire, a adopté une résolution présentée par le Maroc contre l’enrôlement militaire des enfants dans les conflits armés, interpellant sur le sort des enfants soldats dans les camps de Tindouf, porté aussi devant le Conseil des droits de l’Homme à Genève.
De la même manière, une autre résolution a condamné pendant ce Conseil ministériel, l’ingérence de l’Iran et de son allié le Hezbollah dans la question saharienne ainsi que l’armement des séparatistes qui menacent la sécurité du Maroc, imposant aux apparatchiks d’Alger de reconsidérer leurs visées, à l’orée du Sommet, en tant qu’exécuteurs d’un certain agenda militaire et diplomatique au Maghreb et au sein de la Ligue arabe.
Ajoutons à cela le risque pris par l’Algérie d’exacerber la tension avec l'Égypte et avec le Soudan en recevant le Premier ministre éthiopien dans un contexte de regain de contentieux autour du grand barrage de la Renaissance que l’Egypte a porté à l’ONU et pour lequel elle a reçu le plein soutien du Maroc.
«De quoi qu'il s'agisse (venant du Maroc) je suis contre», pour reprendre autrement notre inénarrable Groucho!
Dans ce même ordre, la cause palestinienne est instrumentalisée à souhait, alors que dans les faits, et encore récemment, la représentation diplomatique algérienne à l’ONU a entravé, contre l’appui de l’ensemble des Etats membres du Groupe arabe, l’adoption d’un communiqué soumis par la délégation palestinienne condamnant l’agression israélienne contre les Lieux saints, pour le seul motif qu’il se réfère au Comité Al-Qods et à l’action de son président, le roi Mohammed VI.
La haine est visiblement plus puissante que toute forme de sympathie, qu’elle soit effective ou manipulée, notamment en tant que tremplin vers une quête de leadership au détriment d’un acteur historique comme l’Egypte.
Si on prend en considération, en outre, le spectre de la guerre qui plane encore sur la Lybie sur fond de tensions entre les pays concernés par le conflit, dont l’Algérie, on se demande bien de quelle union et de quel succès on parle!
Nous savions les rangs arabes divisés depuis des éternités, au point que l’adage ayant fait le plus l’unanimité, repris depuis Ibn Khaldoun en passant par Jamal-Eddine al-Afghani, est que les Arabes se sont mis d’accord pour ne jamais être d’accord, tandis que Kaddafi - loin d’être blanc comme neige non plus! - aurait lancé lors d’une rencontre au sommet: «Rien ne nous unit à part cette salle de réunion.»
Cette incapacité à former un front solidaire malgré les dénominateurs communs représente un casse-tête pour tout penseur, pour tout chercheur en sciences politiques et sociales désireux d’ausculter les blessures à vif, loin de trouver à ce train-là la voie de la cicatrisation.
Jamais la fumisterie n’a été poussée cependant jusqu’au point d’accorder l’organisation du Sommet de la Ligue arabe aux semeurs des animosités et fossoyeurs de l’unité.
«A chaque sommet, on est toujours au bord d'un précipice», disait dans un autre registre le poète et écrivain polonais Stanisław Jerzy Lec.
En conclusion, pour paraphraser une dernière fois le drolatique Groucho Marx, nous allons sans doute assister à un excellent sommet, mais ce ne sera pas celui-ci!