Résurgence d’un conflit sanglant qui n’a jamais réellement cessé depuis 1996, la guerre qui a repris au Kivu fait craindre un affrontement direct entre le Rwanda et la République démocratique du Congo (RDC).
La région du Kivu, qui est située en RDC, s’étend du nord-ouest du lac Tanganyika au nord du lac Kivu. Elle est frontalière de quatre pays, la Tanzanie, le Burundi, le Rwanda et l’Ouganda. Les causes profondes de sa déstabilisation et, à travers elle, celle de toute la région des Grands lacs découlent de deux tendances lourdes et contradictoires à la fois:
- La RDC veut reprendre le contrôle du Kivu.
- Le Rwanda veut conserver le Kivu dans sa zone d’influence en y intervenant indirectement, affirmant contre l’évidence que le conflit est intra-congolais.
Le cœur de la question du Kivu se situant au Rwanda, sa compréhension passe par la mise en évidence des trois objectifs géostratégiques définis par ce pays:
1- Isolé sur ses hautes terres surpeuplées, le Rwanda va droit au collapsus si, d’une manière ou d’une autre, il ne déborde pas vers les régions peu peuplées du Kivu congolais.
2- Sans une ouverture vers le Kivu, le Rwanda, qui est naturellement tourné vers l’océan Indien, n’est que le cul-de-sac de l’Afrique de l’Est, la forêt de la cuvette congolaise formant une barrière naturelle, politique, ethnique, culturelle et linguistique (kiswahili oriental et lingala occidental).
3- La réussite économique actuelle du Rwanda repose largement sur l’exploitation des ressources de la RDC. Selon l’ONU, le Rwanda constituerait ainsi la plaque tournante du commerce illicite des pierres précieuses congolaises, le trafic se faisant à travers des sociétés-écrans et des coopératives minières qui donnent le label «Rwanda» aux productions congolaises, ce qui permet de les écouler sur le marché international en dépit de l’embargo. En plus du coltan et de l’or, le pétrole de la région de Rutshuru, prolongement de celui du bassin du lac Albert, fait que le Rwanda ne peut pas se retirer d’une région au riche sous-sol.
Voilà les trois grandes raisons pour lesquelles le Rwanda soutient les rébellions successives dans la région du Kivu en épaulant les Tutsi congolais, et pourquoi, depuis 1996, il impose une situation de non-retour débouchant sur une sorte d’autonomie régionale sous son contrôle.
Retour en arrière.
Au mois de décembre 2007, les FARDC (Forces armées de la République démocratique du Congo) furent défaites par les combattants du CNDP (Congrès national pour la défense du peuple) de Laurent Nkunda, le chef des Banyamulenge ou Tutsi congolais.
Aux termes d’un accord de paix signé le 23 mars 2009, la milice du CNDP devint un parti politique et une large partie de ses membres intégra les FARDC.
Cependant, au mois de mars 2012, quand il fut question de déployer les hommes du CNDP ailleurs qu’au Kivu, ceux-ci se mutinèrent et créèrent un mouvement nommé M23 en référence aux accords du 23 mars 2009, qu’ils accusaient Kinshasa de violer. Fort de près de 5.000 hommes bien entraînés et très largement aidés par le Rwanda, le M23 surclassa les FARDC.
Début novembre 2013, une puissante offensive de l’armée congolaise appuyée par la Monusco, le contingent de l’ONU, repoussa le M23 vers la frontière du Rwanda et de l’Ouganda. Le 5 novembre, le M23 annonça qu’il déposait les armes.
Cependant, les combats ne cessèrent pas véritablement, et à la fin de l’année 2021, soutenu par le Rwanda, le M23 s’empara d’une partie du nord Kivu. La tension monta ensuite entre la RDC et le Rwanda. Puis, au mois d’octobre 2022, la RDC expulsa l’ambassadeur du Rwanda cependant que, dans tout le pays, éclataient des manifestations anti-rwandaises et que les deux pays se préparaient à la guerre.