Internautes, ne participons pas à la production de l’ignorance!

Famille Naamane

ChroniqueLa connaissance est un pouvoir. L’ignorance le devient également!

Le 05/11/2021 à 11h01

Hier encore, le savoir n’était accessible qu’à quelques privilégiés qui maîtrisaient la lecture et l’écriture. Ils étaient admirés, respectés, adulés. Leurs paroles étaient attendues, appréciées et considérées comme La vérité.

Savoir lire donne un pouvoir, la clé magique de la porte du savoir pour se cultiver, s’instruire et trouver des réponses aux questions que se pose l’humanité.

La personne acquière al ‘ilm, le savoir, la connaissance, la science. Al ‘ilm vient de alima (savoir, connaître). Si al ‘alim signifie savant, nous l’utilisons aussi pour désigner des personnes qui détiennent, à un haut niveau, la connaissance du Coran et de l’Islam. Ceux qui étudiaient les sciences ou la religion jouissaient d’un titre honorifique: talib al 'ilm.

Avec un niveau d’études moins élevé, il y a le fquih. Un homme, et non une femme, qui jouait un grand rôle dans la vie des citadins et surtout des ruraux.

Son pouvoir lui venait de son aptitude à lire et à expliquer le Coran. La population le respectait, le vénérait. Al ‘ilm nour, le savoir est lumière, dit-on.

Détenteur de lumière, le fquih éclairait les gens en religion, les soignait par le Coran en leur confectionnant des hjabes (talismans). Il les protégeait du mauvais œil et de la sorcellerie. Il écrivait et lisait le courrier. Il était nourri par la population qui lui offrait une épouse, du terrain… Parfois, après son décès, on en faisait un saint, vénéré de tous.

N’ayant pas accès à l’information à la source, la population analphabète croyait en tout ce que disait le ‘alime ou le fquih. Leurs paroles étaient considérées comme vrai, sorti du Coran, des hadith (paroles du Prophète) et de la science.

Le savoir était précieux car inaccessible. «allez chercher al ‘ilm jusqu'en Chine», a dit le Prophète. Or aujourd’hui, plus besoin d’aller en Chine! On appuie juste sur un bouton et Internet nous inonde de savoir.

Le savoir s’est banalisé, devenu à la portée de toute personne connectée. Hier encore, un chercheur devait courir les bibliothèques, les librairies, aller de ville en ville, sans être sûr du résultat. Aujourd’hui, un clic sur un clavier déclenche une avalanche d’informations. Une grande révolution dans l’accès au savoir.

Mais le web, cette mine d’or, était-il toujours utilisé à bon escient? 

L’utilisation de réseaux sociaux s’est développée chez toutes les catégories de la population. Au Maroc, 92% de la population possède un smartphone: près de 28 millions d’internautes marocains, dont 7 sur 10 utilisent surtout WhatsApp.

WhatsApp est précieux pour le lien social. Téléphoner gratuitement! Une aubaine.

C’est aussi le moyen de véhiculer et échanger des informations. Mais sont-elles toujours crédibles?

La majorité de la population leur accorde une confiance aveugle. Analphabète ou à peine lettrée, elle n’a pas la capacité du discernement et gobe toute information, sans en vérifier la source, la fiabilité.

Avant, les gens disaient pour certifier une information transmise de bouche à oreille, «Wa Allah, madkora», citée dans le Coran. Ce pouvait être vrai ou faux. Aujourd’hui, on considère le web comme une source sacrée «Wa Allah, je l’ai vu dans WhatsApp». Même des gens instruits se laissent berner. Une amie: «une femme a accouché de 18 enfants». « Impossible». «Je te jure. C’est dans WhatsApp». «Non, pas toi. Tu es instruite. Si tu crois qu’un utérus peut contenir 18 bébés et que tu partages l’information, tu entretiens et tu cautionnes la bêtise et l’ignorance!».

Avant, on cherchait l’information pour s’instruire; aujourd’hui beaucoup cherchent le sensationnel: calomnie, diffamation, scandale, insolite, vie privée d’autrui…

Et que d’internautes se prennent pour des savants, détenant la connaissance universelle! Ils se permettent, avec arrogance, de réfuter le savoir et l’expérience de spécialistes. N’importe qui s’improvise spécialiste et poste des vidéos pour faire le buzz, déstabiliser, créer la panique, ou juste faire l’intéressant. 

Dans ce cas, le web, censé être une source de nour (lumière), devient celle de addalame (ténèbres)! Il produit de l’ignorance.

Savez-vous qu’il y a une industrie culturelle de l’ignorance, appelée agnologie. L’agnologie est la science de l'ignorance. Elle étudie les formes de l'ignorance, les conditions sociologiques et politiques de sa production, son entretien et sa diffusion.

Si la connaissance est un pouvoir, l’ignorance le devient également, utilisée pour étouffer la vérité, véhiculer des idéologies, inciter à des comportements… Bref, désinformer le public pour le manipuler. 

Avec la pandémie, la production de l’ignorance a atteint son apogée. L’anarchie domine le contenu et l’utilisation du web.

Les plateformes doivent prendre leur responsabilité en contrôlant et en régulant.

Les Européens reçoivent plus de 29 milliards de désinformation par an! Pas de chiffre au Maroc. Mais les auteurs de désinformation encourent des peines de prison allant jusqu’à trois ans et des amendes. Mais il faudrait sévir davantage.

Les analystes estiment qu’on est entré dans une ère de post-vérité! D’où l’importance du doute, de la critique, de la remise en question, du contrôle… Des outils indispensables à l’internaute pour ne pas s’abrutir et abrutir. Alors restons vigilants pour ne pas contribuer à l’ignorance qui, dit-on, est la source de tous les vices. 

Par Soumaya Naamane Guessous
Le 05/11/2021 à 11h01

Bienvenue dans l’espace commentaire

Nous souhaitons un espace de débat, d’échange et de dialogue. Afin d'améliorer la qualité des échanges sous nos articles, ainsi que votre expérience de contribution, nous vous invitons à consulter nos règles d’utilisation.

Lire notre charte

VOS RÉACTIONS

Je vous remercie très chaleureusement de débattre sur ces thèmes qui nous intéressent et nous impliquent tous. Je n'ai rien à ajouter à vos riches commentaires, si ce n'est que Si ou Lalla Hamdaoui a posé des questions qui taraudent tant de personnes en ce moment, dans cette ère de l'incertitude que nous vivons. Lalla ou sidi Ibis Sacré a donné des réponses auxquelles j'adhère. Mon avis est que les responsables prennent des décisions qu'ils pensent être les meilleures. Certes, il y a eu parfois des maladresses, des décisions trop hâtives, mais je reste convaincue que tout ce qui est entrepris l'est pour nous protéger de ce virus. J'ai fait ma 3ème dose sans aucune hésitation. Je fais confiance aux spécialistes puisque c'est un domaine où je ne suis pas formée. Très belle semaine

Bonjour Madame Soumaya Naamane Guessous. Votre jolie chronique qui prévient de ne pas tomber dans l'un des pièges d'Internet, me rappelle le journaliste et écrivain québécois Laurent Laplante. Il disait dans l'un de ses écrits (Ignorant par abus d'information) : "Si, en effet, Internet a beaucoup à offrir à qui sait ce qu'il cherche, le même Internet est tout aussi capable de compléter l'abrutissement de ceux et celles qui y naviguent sans boussole.". Pour ma part, je pense que ce qui manque à l'ignorant pour se rendre compte de son ignorance, c'est l'éducation. Mais dans tous les cas, le peuple n'a jamais eu autant de pouvoir que sur Internet ! Cordialement.

Bsr professeure.Albert Camus dit dans son joli roman La peste:"Le mal qu'il y a dans le monde vient presque toujours de l'ignorance."Malheureusement beaucoup de médias ne font plus leur travail comme il faut,laissant ainsi à certains l'occasion de colporter ce qu'ils veulent.Beaucoup d'intellectuels ont failli à leur mission d'illuminer les gens sur un tas de sujets.Les artistes aussi d'ailleurs.Mais l'échec de l'école dans certains pays a donné le coup de grâce à la lumière des sciences et du savoir.Quel dommage pour les futures générations!Merci de déclencher cet énième signal d'alarme.Merci au 360.ma.

Soumaya, vous touchez à un sujet qui est présentement d’actualité dans plusieurs pays du «premier monde»; mais qu’on ne traite pas encore suffisamment dans les médias nationaux. Ce qui rend ces derniers des complices «passifs» en ne faisant pas assez pour, au moins, parler des dangers de la propagation du phénomène des «fake news» et l’établissement de ce qu’on appelle «alternate reality (réalité parallèle)». Certes, le problème ne se limite pas au Maroc. Il est mondial. Aujourd’hui, partout, on se retrouve avec des systèmes occupés à former des consommateurs, et non pas des citoyens. Ajoutons à cela un manque de volonté politique pour «outiller» les gens de mécanismes leur permettant de déceler le vrai du faux; car les politiciens trouvent convenable de surfer sur la vague de l’ignorance!

Certes monsieur l'objectif de nos jours est de déceler le vrai du faux mais encore faut-il définir chez nous qu'est ce qu'un vrai ?et qu'est ce qu'un faux? si un cerveau est submergé par deux vrais, deux faux, deux justices, deux chemins etc...en résulte une bipolarité diagnostiquée et fatale pour la construction de l'objectivité, vous observez le rejet d'un vrai demontré au profit d'un vrai subjectif, le faux subjectif est un vrai ....la seule voie de la correction de ce cerveau est "la critique" dans une ECOLE DE LA CRITIQUE. Cette connaissace de cause devrait être une source et une porte d'entrée à la connaissance constructive et instructive capable d'engendrer un cerveau vigilant , participatif et sans limite réflexive:un produit utile au développement , un cerveau en perpétuel interactions avec ses semblables, ainsi émerge une société dont le moteur est la raison: un seul vrai ou (conception du vrai) , un seul faux, une seule justice etc...l'interaction est chronique et est le levier d'un développement durable de l' humain qui se répercute sur son bien-être et sa vie en général, les nations civilisées en est le meilleur exemple. L'éducation est une philosophie . Il est temps que nos décideurs choisissent dans l'equilibre de la balace du savoir de prévaloir la connaissace basée sur la raison et le raisonnement(العقل و العقلانية) sur la connaissace projetée à partir de notre culture populaire traditionaliste, conservatrice. Les courants de pensée autrefois réservés à la classe élite , ne le sont plus grace à la mondialisation et le net. La vitesse supérieure de la correction s'impose l'intelligence de la décision s'impose pour un Maroc de 2060 mis sur la voie de la civilisation, la réelle, de fond et de forme. Nous reconnaissons que la tâche suscitera des résistances et que ces dernières émaneront d'une caste ignorante, cette ignorance pour laquelle nous payons actuellement le prix fort. نحن في هبل و خلل عام" يقول الفيلسوف يوسف زيدان.

Merci Madame pour cet appel.Ce phénomène doit être combattu en amont.C'est un travail de longue haleine qui suppose une réelle volonté politique.L'arme fatale contre la "production" et la "consommation" de l'ignorance est l'éducation. Un système d'enseignement qui encourage l'esprit critique et la liberté de pensée chez nos jeunes,formera des citoyens qui n'accorderont aucun crédit à ces élucubrations véhiculées sur le Net.Heureusement qu'au Maroc,les décideurs ont compris que le développement de notre société passe aussi par l’bondon d'archaïsmes que certains continuent toujours à qualifier de "valeurs". Ceci étant,on aura toujours des ignorants qui parleront de sujets avec plus d'assurance que les spécialistes eux-mêmes !

L’ignorance et «l’imperméabilité aux savoirs » sont le mal de notre époque. Alors qu’on rejette le savoir véhiculé par les « spécialistes » , on n’hésite pas à gober toutes les sornettes débitées par le premier venu. Preuve en est : l’incroyable réticence de beaucoup de personnes à se faire vacciner contre le Covid, parce qu’ils ont entendu, qu’untel que connait untel en est tombé malade ou carrément décédé, alors que selon les chiffres officiels les effets indésirables en sont infimes Paradoxalement , un "gourou" bien connu sur la place , au lieu de nous éclairer sur son domaine de compétence , s’est attaqué à la médecine et à la nutrition et distribue des conseils à tort et à travers, souvent dangereux , et sans aucune base scientifique

Avec tous mes respects ! Quand la communication officielle est défaillante, c’est la voie ouverte à tous les débordements. SVP Professeur ! Les personnes vaccinées peuvent transmettre le virus ! Pourquoi alors autorise-t-on les vaccinés à se déplacer librement et pas les autres ? … Que justifie le pass vaccinal ?! … Voilà ce que tout le monde cherche à comprendre ! Où est l’ignorance ? … Merci

Même, étant vaccinés on doit respecter les mesures de protection prophylactiques, car l’immunité conférée par le vaccin n’est pas absolue et n’est pas durable. Le covid comporte encore des inconnues mais a déjà tué plus de 14000 marocains, dans des conditions très pénibles. La vaccination est actuellement la seule mesure capable d’endiguer cette maladie qui fait encore des ravages.Il y a 2 jours : la Russie 1200 morts en une journée, la France 9500 nouveaux cas quotidiens , …..

0/800