Une gifle devenue célèbre rappelle que l’humour a ses limites

Famille Naamane

ChroniqueL’humour, oui, mais attention au dérapage, sinon on blesse, on méprise, on humilie… On provoque la colère, la violence.

Le 01/04/2022 à 12h00

L’humour est une manière de présenter des personnes, des choses, des faits sous un angle amusant.

On a tous besoin de rire. «Le rire est le propre de l’homme» (Rabelais). Il détend le corps, assouplit les muscles, chasse l’air vicié des poumons et permet de mieux oxygéner le corps. Il provoque la sécrétion des hormones du bonheur qui atténuent le stress. Le rire est une thérapie: la gélothérapie aide des personnes stressées ou déprimées à s’apaiser.

Le rire permet à l’être humain de se socialiser, de renforcer la cohésion sociale.

Le rire est contagieux et créé des liens de complicité. Les humoristes en font un métier.

L’humour procure du plaisir, du bien-être et chasse la tristesse, la peur, la colère.

Il permet de relativiser, de banaliser un événement, de gérer ses émotions pour mieux affronter les problèmes. 

Il y a différents types d’humour. Le burlesque, des messages envoyés directement, en ridiculisant des pratiques humaines. Le burlesque est apprécié de tous. C’est l’exemple des émissions télévisées qui diffusent des gags ou alors les vidéos de fails dans les réseaux sociaux: des personnes ou des animaux qui tombent, qui reçoivent des coups, qui ratent un plongeon…

Il y a également la parodie: imiter une personne, sa façon de parler, sa voix…, pour se moquer d’elle en l’humiliant.

La satire cherche à sensibiliser les personnes, à créer des débats sur des dysfonctionnements, à faire avancer les choses, à provoquer des réactions pour dénoncer ou protester. La satire est très fréquente aujourd’hui sur les réseaux sociaux, parfois utilisée abusivement.

Il y a le mot d’esprit, une répartie audacieuse, une réponse ou une tournure de phrase subtile, prononcée au bon moment, avec intelligence et ruse pour désarmer celui qui cherche à blesser. Feu Hassan II était fort en la matière.

Il y a l’ironie: se moquer d’une personne en disant le contraire de ce que l’on pense: «tu as bien maigri!» 

Il y a le sarcasme, de l’ironie pour blesser, humilier une personne, avec une intonation moqueuse: «quelle intelligence!»

L’humour noir permet de relativiser, de banaliser des sujets tragiques, de façon détachée pour mieux les supporter. C’est le cas des blagues sur le Covid qui ont circulé dans les réseaux sociaux. 

Enfin, il y a la raillerie. Un humour méchant pour se moquer de l’apparence d’une personne, de son corps, sa façon de parler, son nom, sa race, son infirmité…

L’humour, oui, mais attention au dérapage, sinon on blesse, on méprise, on humilie… On provoque la colère, la violente.

C’est ce qu’il s’est passé le 27 mars. Le son d’une gifle, la plus célèbre de l’histoire, a résonné lors de la prestigieuse cérémonie des Oscars, provoquant de la stupeur. La victime? Le présentateur Chris Rock, humoriste, acteur, réalisateur et producteur américain. Le coupable? Will Smith, chanteur et acteur américain célèbre!

La raison? Une plaisanterie de mauvais goût, une raillerie adressée à l’épouse de Will Smith, sur ses cheveux. Or, l’épouse est atteinte d’une maladie qui cause la perte des cheveux et l’a annoncé sur les réseaux sociaux. 

L’ironie du sort? Smith a obtenu l’Oscar du meilleur acteur. Lors de la remise, il a fondu en larmes et s’est excusé.

Un incident qui nous rappelle que l’humour doit être utilisé avec respect.

Plaisanter sur la maladie d’une personne est cruel. 

Malheureusement, ces dépassements deviennent courants à l’ère d’Internet avec des partages qui blessent la dignité. Plus on ridiculise la personne, plus on fait le buzz! 

Ce fut le cas de Najat, en 2016, qui avait tourné dans un film «Bent Lmellah» qui relatait son histoire, sa misère extrême dans la médina de Marrakech. Lors du festival du film de Marrakech, elle portait un caftan rouge que des internautes ont qualifié de mauvais goût. Ils se sont déchaînés sur elle, sans pitié ni compassion par des moqueries cruelles. Elle a publié une vidéo où, en pleurs, elle a déclaré être malade et pauvre.

Les caricatures peuvent également choquer. Ce fut le cas des caricatures représentant le Prophète Mohammed qui ont provoqué un tollé auprès des musulmans. Emmanuel Macron avait décrété qu’elles n’étaient pas diffamatoires et qu’elles étaient le fruit de la liberté d’expression. Mais tout récemment, des caricatures sur l’Europe, partagé par l’ambassade de Russie en France, ont provoqué la colère de Macron. Il les a condamnées officiellement et considérées comme une faute et un manque de respect. Donc, liberté d’expression et humour ont leur limite.

De nombreux humoristes s’attaquent à la physionomie des personnes, y compris au Maroc. Aujourd’hui, nous remarquons beaucoup de dépassements, même dans les émissions télévisées où les animateurs essayent de piéger les invités, utilisant les railleries, l’ironie, les moqueries afin de les pousser à des réactions émotionnelles et de les livrer aux réseaux sociaux. Ces derniers se chargent de les achever.

De nombreuses émissions télévisées ou sur le web font appel à ce qu’elles appellent des polémistes pour déstabiliser l’invité au lieu de l’inciter à donner le meilleur de son expertise. L’audimat, le spectacle, le buzz! On propose des shows et non des émissions de qualité, instructives, constructives.

L’humour a ses règles d’éthique et ne devrait pas être une excuse pour nous moquer de nos différences. Tu peux rire avec moi, mais tu n’as pas le droit de rire de moi!

Par Soumaya Naamane Guessous
Le 01/04/2022 à 12h00