Un cas isolé, vraiment?

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ChroniqueOn peut devenir numéro un mondial si d’autres dérives et d’autres exploits, produits par notre rue et notre jeunesse, étaient filmés et diffusés à leur tour.

Le 18/09/2021 à 08h59

A Tanger, un adolescent s’est laissé filmer, triomphant, extatique, en train de soulever la jupe d’une femme et de lui administrer une claque aux fesses. La vidéo est virale parce que son contenu est universel. Elle peut interpeller et «parler» à toutes les femmes, à tous les hommes, de manières différentes, au Maroc comme en Chine.

Ce genre de «production» est le seul dans lequel on peut rivaliser avec n’importe qui. On peut devenir numéro un mondial si d’autres dérives et d’autres exploits, produits par notre rue et notre jeunesse, étaient filmés et diffusés à leur tour.

Nos rétines, qui en ont vu d’autres, ont gardé le souvenir indélébile d’images de garçons, plus ou moins jeunes, «manipulant» de force le corps de femmes dans la rue, parfois avec les rires des petits copains, ou le commentaire du passant passif: «Ah ces jeunes! Oh ces femmes!».

Des femmes gardent certainement les traces, dans leur corps aussi, de ces attouchements forcés, clandestins…

Ce qu’on voit dans le «film» de Tanger n’est pas anodin. C’est le concentré de beaucoup de frustration sexuelle, d’interdits, de violence contre la femme, et de sous-développement humain.

Cette petite vidéo de quelques secondes en dit plus que des kilomètres de discours. Vous voulez savoir quelle est la place de la femme dans la société, dans la rue marocaine? Vous voulez connaître la perception du corps, le poids de l’interdit et du refoulé, vous vous posez trente six mille question sliées l’une à l’autre? Regardez cette vidéo et tirez-en vos propres conclusions.

Si vous voulez aller plus loin, si vous désirez apprendre une ou deux choses supplémentaires, et certainement significatives, eh bien lisez les commentaires en bas de la vidéo. Regardez comment beaucoup condamnent davantage la tenue de la jeune femme, jugée trop légère, que l’acte du jeune agresseur, de celui qui filme l’exploit, et de l’autre encore qui se marre loin du cadre.

Et puis, arrêtons s’il vous plait avec tous ces réflexes négationnistes, fatalistes ou faussement protectionnistes («Ah! mais c’est un cas isolé… Ne généralisons surtout pas… C’est la rue, c’est comme ça partout ailleurs»).

Le pire avec ce genre de faits divers, c’est de se dire, comme ces très nombreux commentateurs: «Ah, je comprends (l’action du garçon)». Il y en a marre de cette façon de réfléchir, de voir le monde, la femme, le corps de la femme, le rapport à l’autre, les codes de la rue, etc.

C’est exactement ce genre de facteur majeur de sous-développement que l’on ne retrouve dans le programme d’aucun parti politique et d’aucun gouvernement.

Par Karim Boukhari
Le 18/09/2021 à 08h59