Aux confins du Sud marocain, entre sable, mer et silence, s’étend la région de Dakhla-Oued Eddahab. Frontalière de la Mauritanie, elle épouse l’Atlantique sur des centaines de kilomètres tout en s’enfonçant dans l’immensité désertique. Longtemps perçue comme une terre lointaine, cette région révèle pourtant, à qui prend le temps de la découvrir, une diversité naturelle et humaine remarquable. Sous ses ciels clairs, les journées s’étirent entre lagunes, plages préservées, dunes mobiles et traditions sahraouies. Le voyage y prend un autre rythme, plus lent, plus contemplatif, à l’image d’un thé partagé au creux des dunes.
Située sur une étroite péninsule qui s’avance dans l’Atlantique, Dakhla fut autrefois un modeste comptoir connu sous le nom de Villa Cisneros. Aujourd’hui, la ville combine son héritage saharien à une ouverture sur le large, offrant un rare équilibre entre désert et océan. Si elle séduit par sa tranquillité, elle attire aussi par sa géographie singulière: une lagune intérieure, protégée des vents, où la lumière joue avec l’eau et les dunes. Le centre-ville reste modeste, mais on y sent le souffle du sud, dans les tenues traditionnelles, les marchés et les cafés animés.
L'Île du Dragon, à Dakhla.
C’est sans doute le lieu le plus emblématique de la région. La lagune de Dakhla, large étendue d’eau calme entre la ville et l’Atlantique, est un véritable sanctuaire marin. Elle abrite flamants roses, dauphins et pêcheurs en pirogue. Bordée de bancs de sable et de petites criques, elle offre un terrain de jeu apprécié des amateurs de sports nautiques: kitesurf, windsurf, paddle ou tout simplement baignade au rythme des marées. Depuis ses rives, on comprend la singularité de cette région: ni tout à fait mer, ni tout à fait désert.
À une trentaine de kilomètres au nord, surgit un paysage inattendu: une immense dune immaculée posée au milieu de la lagune. Accessible à marée basse, la Dune blanche est un phénomène naturel fascinant. Le contraste entre le sable éclatant, les eaux turquoise et le ciel compose une image digne d’une carte postale. C’est un lieu prisé pour les balades à pied, les photos au lever du soleil, ou simplement pour s’asseoir face à l’horizon.
Entre sable et saveurs
Plus à l’intérieur, Imlili révèle un autre visage du Sahara. Dans cette zone aride ponctuée de dépressions salées, une curiosité étonne: des trous d’eau où vivent des poissons. Le site est aussi l’occasion de découvrir la végétation saharienne et, parfois, quelques dromadaires en liberté. La route pour y parvenir traverse des paysages lunaires, où l’on croise rarement âme qui vive.
Sur le chemin du retour vers la côte, le désert cède peu à peu la place à la lagune. Son climat doux et son eau riche ont permis le développement de fermes ostréicoles. L’une des plus connues se visite, offrant un aperçu de la culture des huîtres dans cette région insolite. Assis face à l’eau, on y déguste ces coquillages iodés, accompagnés d’un jus local ou d’un verre de thé. Une pause gustative qui rappelle que Dakhla est aussi une terre de savoir-faire, même dans les domaines les plus inattendus.
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Visible depuis la côte nord de la lagune, l’île du Dragon, elle, tire son nom de sa forme sinueuse. Accessible en bateau ou en kayak, elle constitue une halte appréciée lors des balades en mer. S’y poser, c’est profiter d’un point de vue exceptionnel sur l’étendue d’eau et les reliefs alentour. Certains visiteurs s’y arrêtent pour un pique-nique ou une baignade, loin de tout.
Un littoral, mille ambiances
De retour en ville, l’exploration se poursuit sur un autre registre. Dans un bâtiment sobre aux couleurs du désert, le centre artisanal rassemble, lui, plusieurs métiers de tradition sahraouie: tissage, bijouterie, maroquinerie, sculpture sur bois. Chaque artisan y travaille sur place, avec la possibilité d’échanger directement. Ce lieu permet de découvrir les objets du quotidien saharien, entre simplicité des formes et richesse des matières.
À l’ouest de la ville, la côte atlantique déploie une série de plages: Puertito, petite crique paisible; Porto Rico, au sable doré; PK25, connue des amateurs de glisse; Foum El Bouir, vaste baie où les vagues attirent surfeurs et bodyboardeurs. Chacune a sa personnalité, mais toutes offrent un pan distinct de cet océan aux mille facettes, sans béton ni foule. La mer y est souvent puissante, l’air chargé de sel, et les couchers de soleil spectaculaires.
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Installée aux abords du désert, une ferme propose une rencontre inattendue avec des autruches, élevées pour leur viande et leurs œufs. La visite est ludique et permet de mieux comprendre cet élevage dans un environnement aride. Les enfants y trouvent aussi une occasion de contact direct avec les animaux.
Dakhla, c’est aussi dormir sous une khaïma (tente traditionnelle), faire des randonnées pédestres mémorables dans une nature sauvage, partir en zodiac sur la lagune, s’initier au surfcasting ou simplement pêcher à la ligne: les activités proposées multiplient les façons de vivre le désert autrement. Depuis 2014, Dakhla est même classée parmi les meilleurs spots mondiaux de glisse, grâce à ses vents réguliers et ses eaux calmes.
Aousserd, le silence des terres
À plus de 250 kilomètres à l’est, Aousserd marque une incursion dans le désert profond. Ce petit village aux allures de poste avancé, proche de la frontière mauritanienne, est le point de départ d’expériences plus intimes. Ici, plus de mer, mais l’immensité caillouteuse du Sahara et un mode de vie basé sur l’endurance et l’hospitalité.
À Aousserd, les dromadaires sont encore un moyen de transport quotidien. Des randonnées sont organisées pour suivre leur pas lent à travers les regs et les dunes. La nuit tombée, on dîne autour d’un feu avant de s’endormir sous la khaïma, au milieu de nulle part. Le silence du désert y est total, ponctué seulement par le vent.
Un art à part
Impossible de quitter la région sans s’être initié à la préparation du thé sahraoui. À Aousserd comme à Dakhla, ce rituel est central dans la culture locale. Servi en trois tournées: amer, doux, puis très doux, il rythme les échanges et les moments de repos. Son élaboration prend du temps, entre mousse fine, verres levés haut et silence contemplatif. Plus qu’une boisson, c’est une manière d’entrer en relation avec le désert et ceux qui l’habitent.
Dakhla-Oued Eddahab ne se livre pas d’un coup d’œil. Il faut y prendre son temps, accepter les distances, écouter le vent. C’est une terre d’immensités, mais aussi d’humanité, où l’on partage le pain, l’ombre, le thé. Voyager dans cette région, c’est entrer dans un autre rythme, celui du Sahara, et revenir avec un regard élargi sur ce que peut être le Maroc.












