Alors que Staffan de Mistura achève sa tournée dans la région, les proclamations belliqueuses du Polisario s’effondrent face aux constats onusiens. Une propagande qui cache mal désertions, isolement et perte d’alliances. À défaut de victoires réelles, le mouvement s’invente des guerres épiques.
Examinons les proclamations guerrières du Polisario, qui sentent plus la poudre aux yeux que la poudre à canon. Le communiqué daté du 31 août fanfaronne sur des «pertes sévères» infligées aux Marocains dans le secteur de Guelta. Puis, le second communiqué pondu le 11 septembre répand le récit de pilonnages intenses contre les bastions de Haouza et Guelta, qui auraient duré neuf jours et causé à nouveau «de lourdes pertes humaines et matérielles».
Ces allégations héroïques, dignes d’un roman d’aventures, n’ont trouvé écho chez aucun observateur sur le terrain. Ni le rapport onusien, ni les autorités de Rabat n’ont enregistré de tels affrontements pendant cette période. Mieux encore, le Sahara Press Service, l’agence de presse officielle du Polisario, a évité ce mois-ci de reconduire l’appel à la lutte armée. À l’issue d’une réunion le 5 septembre, la milice a souligné son engagement pour «parvenir à une solution politique juste, pacifique et mutuellement acceptable», sans mentionner cette fois le «droit à poursuivre sa lutte armée». Ce virage rhétorique trahit un Janus bifrons: sur les plateformes numériques, le Polisario parade en conquérant invincible, mais en coulisses, il minaude pour des pourparlers, soucieux de préserver une façade craquelée plutôt que de chercher à relancer les combats.
Le contexte des «hostilités de faible intensité» évoquées par Antonio Guterres
Juste avant cette pantomime du Polisario, le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, avait jeté un pavé dans la mare le 24 août 2025, via son rapport annuel au Conseil de sécurité (document S/2025/533). Il y dépeignait des «hostilités de faible intensité» au Sahara, en référence à des tirs du front séparatiste, en juin 2025, en direction d’Es-Semara. Rappelons les faits: quatre projectiles lancés vers la cité ont atterri dans le sable stérile, sans blesser quiconque, mais frôlant dangereusement le team site de la MINURSO à quelques encablures. Une équipe d’inspection onusienne a alors investi les lieux, menant son rituel d’enquête pour documenter l’incident.
Ces paroles de Guterres méritent d’être replacées dans leur cadre: elles renvoient à ces tirs sporadiques de juin. Pourtant, une horde de médias avale goulûment les deux bulletins du Polisario et claironne une résurgence des clashes. La presse algérienne, elle, exulte, saluant les exploits légendaires des combattants du 31 août et du 5-13 septembre comme des triomphes homériques. En vérité, la MINURSO n’a plus de ligne de front à épier.
«Aujourd’hui, le Polisario se concentre sur la propagande via SPS, revendiquant des victoires pour sustenter l’esprit des troupes. Mais avec Alger en retrait, les fonds s’amenuisent, contraignant à une stance protectrice»
— Karim Serraj
De son côté, le Maroc a qualifié ces affirmations de «mensonges fabriqués» destinés à masquer les fissures internes du Polisario, comme les dissensions et vents de révolte dans les camps de Tindouf– devenus de véritables nids de vipères où les loyautés s’effritent. Des think tanks tels que le Policy Center for the New South soulignent que ces communiqués s’inscrivent dans une manœuvre de désinformation, où le Polisario amplifie ses prouesses fantômes pour raviver l’enthousiasme dans ses rangs, et freiner les progrès onusiens à l’approche d’un tournant décisif dans les semaines à venir.
Le Polisario en pleine opération d’intoxication
Cette vague de désinformation n’est pas un hasard. Elle se cale avec précision sur la tournée régionale de l’émissaire onusien Staffan de Mistura, comme si l’objectif n’était pas de dialoguer, mais de brouiller les pistes. Derrière le vacarme des communiqués triomphalistes, on devine la mécanique classique d’un groupe qui n’a plus d’autre arme que l’illusion.
Le Security Council Report, qui scrute les moindres frémissements du terrain, souligne que la MINURSO n’a détecté aucune violation majeure du cessez-le-feu. Ce constat officiel entre frontalement en contradiction avec la propagande sahraouie. L’écart est si flagrant qu’il démasque une manipulation devenue routinière: gonfler des rumeurs de bataille pour donner le change à une base militante désabusée et à des soutiens étrangers de plus en plus clairsemés.
Les think tanks internationaux en dressent un portrait sans fard. L’International Crisis Group décrit un mouvement qui s’étiole, incapable de ranimer les braises d’un combat qu’il prétend pourtant poursuivre. De son côté, le Hudson Institute insiste sur l’usage systématique de la propagande comme substitut à des victoires militaires désormais impossibles. Derrière les déclarations martiales, la réalité est celle de désertions en série, d’un affaissement organisationnel et d’alliances diplomatiques qui s’effritent.
Privé d’aval onusien, ignoré par Rabat, le Polisario s’enferme dans une posture guerrière de façade. Ses annonces relèvent plus du spectacle que de la stratégie: un feu d’artifice verbal qui cherche à masquer la rouille de son arsenal et la fatigue de ses rangs. Cette fuite en avant traduit moins une force qu’une fragilité extrême. À force de brandir des combats imaginaires, le Polisario marche sur un fil de plus en plus mince, oscillant entre la farce et le désespoir politique.
La quarantaine algérienne: un soutien qui s’évapore
Le soutien traditionnel de l’Algérie au Polisario semble aujourd’hui plus prudent. Alger a placé le mouvement en une forme de «quarantaine» suite aux récentes accélérations du dossier du Sahara. La tournée nord-africaine de l’émissaire américain Massad Boulos a notamment renforcé l’appui des grandes puissances à la position marocaine. À New York le 5 septembre, Boulos a réitéré qu’«une réelle autonomie sous souveraineté marocaine est la seule solution envisageable pour le Sahara occidental».
Cette prudence d’Alger n’est pas fortuite; elle reflète un recalibrage stratégique, où le Polisario, jadis choyé, devient un fardeau encombrant. Comme un allié ingrat relégué au grenier, le mouvement voit ses subsides se tarir, forçant une retraite tactique. Dans cette atmosphère tendue, le Polisario a adopté une modération plate: son communiqué du 5 septembre met l’accent sur sa disposition à œuvrer pour une issue «politique» et «pacifique», insinuant que l’option belligérante n’occupe plus le devant de la scène. L’imminence de la session onusienne, où le Conseil de sécurité va adopter une résolution favorable au Maroc, accentue les pressions pour un épilogue.
Que devient le Polisario?
Que mijote le Polisario depuis cet été torride? L’organisation de son université estivale pour cadres à Boumerdès, en Algérie, en août, avec des kiosques dédiés à la solidarité envers les détenus sahraouis, ambitionnait de revigorer les rangs, mais elle expose plutôt un groupe en chasse de crédibilité évanouie. Les intervenants ont invoqué la «détermination du peuple sahraoui», pourtant des comptes-rendus signalent des fuites massives dans les enclaves de Tindouf, où les misères humanitaires s’aggravent comme une plaie infectée.
Le Front Polisario semble plongé dans une crise interne majeure. Accusé d’autoritarisme et de corruption, son chef Brahim Ghali est vivement contesté par ses cadres. Il apparait même que jamais la contestation n’avait été aussi ouverte: le média aligné sur le Polisario ECSahara a récemment fustigé Ghali et ses proches comme des «tyrans corrompus» ayant ruiné la cause sahraouie. Le 10 mai, un collectif d’universitaires sahraouis a lancé une pétition demandant la convocation d’un congrès extraordinaire avant septembre 2025, visant à introniser une direction «compétente et crédible».
Aujourd’hui, le Polisario se concentre sur la propagande via SPS, revendiquant des victoires pour sustenter l’esprit des troupes. Mais avec Alger en retrait, les fonds s’amenuisent, contraignant à une stance protectrice. Des évaluations de Freedom House et Human Rights Watch mettent en lumière une recrudescence des exactions dans les camps. Le Polisario émerge ainsi en survivant tenace, un emblème spectral plutôt qu’une force active, pendant que le Maroc raffermit son emprise. Il incombe désormais à l’Algérie de s’asseoir à la table des négociations avec le Royaume, pour clore ce chapitre artificiel.





